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La fausse agression du RER D : un dossier accablant

par Henri Maler,

Les dérapages médiatiques se succèdent et se ressemblent. Les fausses accusations de terrorisme, en décembre 2002, envers Abderrezak Besseghir, bagagiste à l’aéroport de Roissy, l’annonce erronée, en février 2004, du retrait d’Alain Juppé de la vie politique, l’attribution, le 11 mars dernier, des attentats de Madrid à L’ETA... voici quelques exemples, évoqués ici même [1], de ces fautes professionnelles qui émaillent régulièrement la production des médias français.

Il y a quelques temps, déjà, Bruno Masure, ancien présentateur du journal de 20h de France 2, déplorait dans une « Lettre ouverte à David Pujadas », ce qu’il considérait comme une « fuite en avant dans l’info jugée "accrocheuse" ». C’est cette « stupide course aux vrais-faux scoops », écrivait-il, imposant de « [conduire] trop vite sur un terrain verglacé », qui amène inévitablement à « [s’exposer] aux dérapages incontrôlés et, parfois, [à aller] dans le fossé ! » (Libération, 18.02.2004).

En voici un nouvel exemple, avec cette « affaire du RER D ».
Le vendredi 9 juillet 2004, une jeune femme a déclaré à la police avoir été victime d’une agression à caractère antisémite. Dès le lendemain soir, son témoignage, parvenu au cabinet du ministre de l’intérieur, et relayé par l’Agence France Presse (AFP) a déclenché une vague d’indignation dans le milieu politique et associatif, et a bénéficié d’une impressionnante couverture médiatique.
Seulement voilà : trois jours plus tard, la jeune femme reconnaît avoir tout inventé. « Léger » malaise dans la classe politique, et nouveau coup porté à la crédibilité des médias.

Ici même, nous avons reçu des dizaines de messages d’indignation, de correspondants évoquant leur écoeurement, et réclamant des excuses de la part des médias. « Quelle honte ! », « je suis révulsé par le travail des journalistes sur cette affaire », « j’ai du mal à trouver mes mots », « vous [copie d’un message envoyé à L’Humanité] êtes vraiment descendu au niveau zéro non seulement du journalisme mais de l’éthique sociale élémentaire et de la bêtise... », « notre jeunesse en a assez de ces provocations gratuites contre une population fragile. C’est toujours les arabes, les noirs, les banlieues, les musulmans qui sont visés et taxés d’antisémites », etc.

Dans Libération, le chroniqueur Pierre Marcelle stigmatisait, le mardi 13 juillet, cette « irresponsable gouvernance », estimant qu’il « devient légitime et nécessaire de s’interroger sur certaine propension des plus hautes autorités (les ministres Raffarin, Perben, Villepin, et le chef de l’Etat Chirac lui-même) à réagir avec une hâte irresponsable au point d’en devenir criminelle, en ce qu’elle exacerbe les peurs communautaires ».

Les médias (et Libération) seraient donc exempts d’une telle interrogation ?

Aussi prompts à transformer en spectacle leurs autocritiques généralement sans conséquences, qu’à accréditer, si l’émotion l’exige, les versions non vérifiées des faits divers, fussent-ils les plus graves, nombre de responsables éditoriaux font leur mea culpa... en commençant par se défausser sur « une société malade » (L’Humanité), ou sur « les plus hautes instances de l’Etat » (Le Monde, Libération, France 2)...

Prenant délibérément le temps, nécessaire, de la réflexion et de l’analyse, Acrimed publiera prochainement un dossier sur cette affaire « catastrophique pour la crédibilité des médias », comme le note le chroniqueur Daniel Schneidermann (Libération, 16.07.2004).

 
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