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20 ans après, retours sur le référendum de 2005 (3/5)

Le 29 mai 2005, le traité établissant une Constitution pour l’Europe était rejeté par référendum. À l’époque, nous y avions consacré de nombreux articles et un livre : Médias en campagne. Retours sur le référendum de 2005 (Henri Maler et Antoine Schwartz, Syllepse, 2005). À l’occasion de ce vingtième anniversaire, nous publions au fil de l’été les différents chapitres de cet ouvrage. Au programme ici : le chapitre 2.



Vous avez dit « pédagogie » ?


La « raison » des dominants, à bien les entendre, est toujours la meilleure, voire la seule. C’est même la raison de leur domination C’est du moins ce que semble affirmer Alain Duhamel, avec sa hauteur de vue coutumière : « Il y a beaucoup de partisans du oui, c’est le cas de la majorité des éditorialistes. Mais c’est le propre de la majorité des élites françaises, comme au sein de tous les pays européens d’ailleurs. Ce qui ne signifie pas qu’il y ait une domestication de la pensée ; ils bénéficient simplement d’une meilleure information que les autres et suivent de plus près les débats – c’est leur métier » [1]. S’arrogeant ainsi le monopole de la « raison », nos zélés prescripteurs d’opinion s’arrogent du même coup le monopole de la « pédagogie ». Mais peu leur importe de savoir s’il est possible de distinguer cet état de fait d’une pure et simple propagande. Des naïfs pourraient croire qu’un peuple s’instruit par des débats contradictoires. Que nenni ! Stigmatisés comme « irrationnels », les citoyens récalcitrants doivent alors subir l’enseignement de maîtres irascibles.


La raison des maîtres et les passions du peuple


Le jugement d’un ancien Premier ministre résume ce que ne cesseront de répéter nos meilleurs éditorialistes… en toute indépendance. Dès février 2005, Michel Rocard confiait au Journal du Dimanche sa vision du débat européen : d’un côté, les tenants du « oui », qui incarneraient « la France moderne, jeune et dynamique » ; de l’autre, le camp du « non », qui serait « une pollution, une mystification et un mensonge, le choix du néant, une piscine sans eau, de l’agitation d’analphabètes » (13.2.05 ; cité par Marianne, 19.02.05). L’hebdomadaire L’Express a complété le tableau : « le "non" se nourrit de la colère, le "oui" de la raison » (21.03.05). Jean-Marie Colombani, comme Jacques Chirac, ne comprend pas « cet état d’irritabilité permanent de l’opinion », et s’exclame sur l’antenne de France Culture : « On voit bien que les arguments du "non" sont des arguments simples – non à ci ! non à ça ! – et que les arguments du "oui" font plus appel à la réflexion. » (26.03.05.). Jean-Michel Thénard, éditorialiste de Libération, tient le même langage lorsqu’il affirme que le « "oui" de gauche » aurait fait « le pari du rationnel contre le passionnel » (19.03.05). Selon l’humeur des journalistes, le vote « non » est ainsi associé aux « tripes », à un « ras-le-bol anarchique » (Les Dernières Nouvelles d’Alsace, 11.03.05), à un « réflexe » (Libération, 19.02.05), ou bien à la « démagogie » (Paris-Match, 24.03.05). Les classes éduquées qui pensent la « complexité » du monde, contre le peuple ignare qui ne comprend rien à rien : voilà des siècles que ces oppositions cardinales structurent le discours du parti de l’ordre. En 1992, Jean Boissonnat pontifiait déjà : « Ce n’est pas un hasard si la construction européenne doit plus au raisonnement des élites qu’aux impulsions des peuples. […] C’est un produit culturel. Non un élan irréfléchi, un hoquet des masses arraché dans un mouvement de foule. » (L’Expansion, 03.09.92) [2].

En 2005, le « hoquet » est toujours menaçant. C’est pourquoi le camp engagé en faveur de la ratification du projet de Constitution européenne préfère mobiliser des artistes joyeux plutôt que des ouvriers « frileux ». Lorsque le « Comité de soutien pour le "oui" » est rendu public par le Parti socialiste, à la fin du mois de mars 2005, Jack Lang précise que les 300 représentants des arts, des lettres et du sport qui le composent, sont « tous unis sous la même bannière : celle de la "création" et de "l’intelligence" » (L’Hebdo des socialistes, 26.03.05). Ces gens « intelligents » et « créatifs » ont pour noms Laure Adler (alors directrice de France culture et se présentant comme telle…), Josiane Balasko, Frédéric Beigbeder, Patrice Chéreau, Jean Daniel, Bernard-Henri Lévy, Pierre Rosanvallon, Philippe Sollers, Philippe Torreton, Alain Touraine, etc. En effet, explique Philippe Val, le responsable du journal Charlie Hebdo, l’argument des partisans du « oui » nécessite « des qualités de philosophe, ou d’artiste, ou de scientifique », seules à mêmes de « saisir de manière permanente et reproductible quelque chose de l’être en perpétuel devenir » (13.04.05). Pour une tâche aussi difficile, il n’est pas sûr que la convocation de tous les inscrits à l’annuaire du parisianisme bien pensant aurait suffi. Mais il est significatif que cet annuaire recoupe la petite minorité des privilégiés pour qui « modernité » rime avec « enrichissement » (culturel, bien sûr).

Le mépris social que nos majestés éditoriales manifestent à l’égard des classes populaires n’est pas sans raison. Les journalistes ne flottent pas en état d’apesanteur dans la société et n’échappent pas plus que les autres aux effets des appartenances sociales. Les plus influents d’entre eux appartiennent aux fractions les plus favorisées de la population française, avec lesquelles ils partagent souvent un même style de vie et surtout une manière commune de voir le monde, qui est en réalité celle de leur monde. Cette proximité à la fois sociale, géographique et culturelle avec les classes dominantes explique pour partie l’existence de telles affinités idéologiques. Avec aussi pour résultat le regard vitreux que nombre de ces journalistes dominants portent sur leurs concitoyens lorsqu’ils n’appartiennent pas à leur milieu, ou à celui des artistes prospères ou des cadres supérieurs. Parlant pour bien d’autres, Serge Raffy, du Nouvel Observateur, déclare sur I-télévision : « Malheureusement il faut dire aux Français : oui, les problèmes sociaux, votre petit confort personnel, eh bien ! aujourd’hui ça doit passer en second » (29.03.05) [3]. Et plus les sondages « donnent » des indications défavorables au « oui », plus les portefaix médiatiques du traité constitutionnel regrettent qu’on ait choisi de consulter les Français par voie référendaire. Pour Philippe Val, le référendum imposerait « un débat compliqué que le Congrès aurait légitimement pu mener » [4]. Avec plus de franchise, le président du Conseil de surveillance du Monde, Alain Minc déclare au Figaro que « le référendum est pareil à une "vérole" antidémocratique que la France aurait propagée dans l’ensemble de l’Europe » (11.4.05).

On imagine l’ampleur des efforts de « pédagogie » qu’il a fallu déployer pour lutter, mais en vain, contre les manifestations cette « vérole ».


Le magazine Elle et la « pédagogie » de pointe [5]

Dans un éditorial publié dans l’édition du 28 mars 2005 du magazine Elle, Michèle Fitoussi, qui se présente comme « une simple mère de famille », souhaite donner « quelques conseils de bon sens » aux responsables politiques. L’éditorialiste dresse d’emblée un portrait maternaliste du peuple français : « Vous avez sans doute remarqué que les Français ont beau être un peuple adulte – si l’on se réfère à leur âge canonique – ils se comportent très souvent comme des enfants qui n’auraient pas dépassé le stade de l’opposition ». Et Michèle Fitoussi d’analyser finement les principaux traits de ce peuple infantile : « Chez nous, le "non" fait carrément partie de la culture nationale, c’est un sport et un passe-temps. Les petits l’apprennent dès le berceau ou presque, les lycéens font leurs premières armes politiques en manifestant contres les réformes de l’Éducation Nationale, avec la bénédiction de tous, et ça ne va pas en s’améliorant. Nous disons "non" comme nous respirons, pour un oui ou pour un non en arrondissant la bouche pour prononcer le plus fort qu’on peut ces trois petites lettres définitives, et en secouant la tête de droite à gauche et de gauche à droite ». Quand le « oui » qui s’affiche comme celui de toutes les obéissances permet de dénoncer le « non » qui s’oppose aux détenteurs de l’autorité, on croit avoir fait le tour du « bon sens » de notre « simple mère de famille ». Mais ce serait oublier que derrières ces assauts de condescendance se cache un amour tendre pour les enfants : « Bien sûr, en certaines circonstances, le syndrome du petit bonhomme à moustache qui dit "non, par Toutatis" à l’envahisseur nous a largement réussi ». Après le stéréotype du peuple enfant, le poncif du Gaulois rebelle ! Mais c’est aussitôt pour le mettre en garde : « D’autres fois cependant, ce "non" systématique, qui se nourrit de lui-même, peut conduire au blocage ».

Le « non », à la différence du « oui » qui ne saurait être suiviste ou servile, relève de l’opposition « systématique ». Une seule solution, la « pédagogie ». Ou plus exactement ceci : « Là dessus, mesdames et messieurs les politiques, les psys – dont les parents modernes usent et abusent – sont formels : un enfant s’oppose de façon exagérée parce qu’il ne peut exprimer son malaise grandissant autrement que par un comportement de refus. Leurs conseils ? Favoriser l’écoute et le dialogue. Rester ferme et explicite. Ne pas baisser les bras. Toutes choses que vous ne savez pas – ou plus faire ». En d’autres termes, notre « simple mère de famille », devenue conseillère en communication, en appelle à la sainte alliance des éducateurs qui doivent faire face à un « malaise grandissant » et non à des arguments, certes discutables, mais raisonnés, qui sont forcément réservés aux « adultes » favorables au projet de Constitution. Cette leçon de « pédagogie », destinée aux responsables politiques, s’achève par une ultime leçon. De modestie, cette fois : « Et gardez en tête que s’il n’existe pas d’enfants parfaits, il n’y a pas d’éducateurs irréprochables ». Pas d’éducateurs irréprochables ? Excepté peut-être le magazine Elle. Car quelques semaines plus tard, une autre éditorialiste de l’hebdomadaire, Marie-Françoise Colombani, rédigeait à son tour une « Lettre à une amie indécise » (25.04.05). Un court extrait suffit pour comprendre le caractère « adulte » des arguments employés : « Enfin, toi qui es folle de fringues, tu es bien placée pour savoir que la mode a toujours une longueur d’avance sur la société. Et quelle est la couleur de l’été ? Le bleu ! Comme le drapeau de l’Europe » [6].

Après ces éditoriaux séditieux, le magazine décide de publier un grand dossier sur le référendum intitulé « ELLEINFOREFERENDUM » dans son édition du 9 mai 2005 [7]. Coincée entre « Elle » et les « référendum », l’« Info » prend la forme d’une pièce en trois actes qui disent successivement « oui », « oui » et « oui ». Acte 1 : pour ouvrir son dossier, le magazine offre à ses lectrices un « affrontement » entre Ségolène Royal (« oui ») et Simone Veil (« oui »), dans une interview émouvante intitulée « Ségolène Royal et Simone Veil disent Oui ensemble ». Acte 2 : après le débat, un reportage, intitulé « Manifestement pour l’Europe » de Caroline Laurent et Olivier Basset et consacré à la journée du 29 avril organisée par la ministre de la Parité et de l’égalité Professionnelle. Sans surprise, nous découvrons que cette journée organisée au Trocadéro n’avait rien d’un grand rassemblement populaire. S’y trouvaient en effet des « femmes politiques, artistes, intellectuelles connues et anonymes » qui ont pour noms « Blandine Kriegel, Laure Adler, Annie Sugier, présidente de la Ligue internationale des droits des femmes, Fadela Amara, présidente de Ni putes ni soumises, Nicole Notat, Antoinette Fouque, la féministe historique et Yamina Benguigui, la réalisatrice » ainsi que « la lumineuse » Simone Veil « dont l’arrivée déchaîne des salves d’applaudissements ». Acte 3 : pour achever cette célébration du « oui », Elle fait appel aux témoignages de « sept personnalités » féminines dans un article intitulé « Pourquoi elles votent oui ». Inutile de préciser que l’article intitulé « Pourquoi elles votent non » n’a pas été rédigé. Inutile de dire aussi que les « personnalités » en question étaient toutes issues des quartiers de relégation sociale…


Les merveilles de la pédagogie


Début septembre 2004, les propos de Pierre Le Marc, chef du service politique de France Inter, résonnent comme un mot d’ordre : « l’effort de rationalité qu’exige l’adhésion à la Constitution reste à construire dans l’opinion » (France Inter, 08.09.04). En effet, pendant de longs mois, le microcosme politique et journalistique engagé dans la ratification du traité constitutionnel va redoubler d’efforts, de « pédagogie ». Car pour les journalistes dominants, comme pour les responsables politiques auxquels ils servent souvent de faire valoir, il est inconcevable que des citoyens s’opposent en connaissance de cause à une « réforme » quand elle est libérale et à un Traité quand il l’est aussi. Ils s’y opposent simplement parce qu’ils ne comprennent pas ce qu’on leur propose. Il faut donc expliquer les choses à ces grands enfants et les rassurer, afin qu’ils rejoignent « le camp des raisonnables », comme dit l’ancien directeur de la rédaction du Monde, Edwy Plenel (21.10.04). Partant de ce campement, « tous les chemins mènent au Oui » [8]. Leurs tracés, bitumés de pédagogie ou pavés de propagande, permettent de découvrir quelques merveilles destinées à l’édification du peuple indocile. Les règles de la méthode « pédagogique », en quelque sorte…

Règle n°1 : Monopoliser l’orchestration

Les voix des pédagogues ne s’additionnent pas seulement avec celles des responsables politiques favorables au « oui ». Ils sont chargés de l’orchestration d’au moins trois façons : ils confortent les partisans officiels du « oui » (tout en affectant de leur donner la leçon) ; ils proposent des tours d’Europe réservés aux partisans étrangers du « oui » ; ils organisent un pluralisme de façade au service d’une mobilisation à sens unique.

Pour être bon pédagogue, il convient donc de ne pas laisser abusivement les adversaires s’exprimer. Par exemple, Le Monde a publié 40 tribunes favorables au traité constitutionnel, contre 14 hostiles, et interviewé 41 partisans du « oui » contre 18 pour le « non » [9]. Le médiateur du quotidien Robert Solé s’est voulu rassurant en expliquant qu’« un journal ne se [faisait] pas à l’aide d’une calculette » et que « l’équilibre [n’était] pas nécessairement arithmétique » (15.05.05). Certes, mais le déséquilibre est encore plus pesant si l’on prend en compte les analyses des chroniqueurs et des éditorialistes associés, comme celles de Thierry de Montbrial dénonçant « les mirages du non » (06.04.05) ou de Daniel Vernet évoquant « un triste retournement de l’Histoire » en cas de victoire du « non » (10-11.04.05). Ou bien les éditoriaux qui engagent l’ensemble de la rédaction, tel celui du 2 février 2005 félicitant le « premier oui », celui des parlementaires français réunis à Versailles, ou celui du 24 mars qui moquait l’« ingratitude paysanne » lorsque des sondages laissaient présager un succès du « non » chez les agriculteurs. Sans même parler des élucubrations du directeur adjoint de la rédaction, Patrick Jarreau, qui, dans Le Monde du 16 avril 2005, sous le titre « Vote révolutionnaire pour le Non », suggérait une connivence intentionnelle entre le parti d’extrême droite et la gauche opposée au TCE : « La mode, aujourd’hui, chez les antieuropéens de gauche, pourrait se résumer ainsi : "Donnez-vous des frissons, votez avec Le Pen !" Ce ne serait pas la première fois que le chef du Front national recevrait un renfort de ceux qui se présentent comme les plus déterminés à le combattre. » Que Le Monde s’engage, c’est son droit, mais qu’il cesse au moins de faire semblant d’offrir un débat équilibré. Cette tromperie sur la marchandise n’est pas particulière au quotidien dit « de référence » ; elle est tout aussi habituelle dans la presse écrite la plus diffusée, la presse quotidienne régionale qui, presque toujours en position de monopole, informe d’abord ses lecteurs du parti-pris de ses éditorialistes [10].

Règle n°2 : Raconter des contes pour enfants

À la critique raisonnée du projet de Constitution, préférez « Alice aux pays des merveilles » (constitutionnelles), dans une transposition bucolique, comme celle que propose Alain Génestar dans Paris Match : « La pédagogie est, en politique, plus difficile que la démagogie. […] Le oui a la discrétion d’une violette cachée dans l’herbe folle de tous les mécontentements et de tous les tapages. » (24.3.05). Car, dans « l’herbe folle » se cache le grand méchant loup dont voici la fable : les partisans du « non » sont des alliés du Front National et des héritiers de l’extrême droite. C’est ce que susurre l’éditorialiste et historien Jacques Julliard : « En vérité, cette politique porte un nom dans l’histoire : c’est la politique de la France seule. Elle a de plus un héros éponyme : ce n’est pas Charles de Gaulle, c’est Charles Maurras ! » (Le Nouvel Observateur, 07.04.05). On expliquera donc aux enfants que, s’ils ne sont pas sages, ils seront punis. En cas de victoire du « non », prophétise Bernard-Henri Lévy, les Français risquent de « rompre purement et simplement la chaîne de l’espérance » (Le Point, 23.09.04). « C’est stopper une dynamique au pire moment, sans doute, de l’histoire du monde » renchérit Alain Genestar (Paris Match, 24.3.05). Ainsi leur « histoire du monde » ne connaît que deux versions. Première version : la version catastrophique et catastrophée que professait déjà, la veille du référendum pour la ratification du traité de Maastricht, le directeur du Monde, Jacques Lesourne : « Un "non" au référendum serait pour la France et l’Europe la plus grande catastrophe depuis les désastres engendrés par l’arrivée de Hitler au pouvoir » (19.9.92). C’est cette version que ressert, plus sobrement, Charles Villeneuve, journaliste de TF1 qui dirige « Le droit de savoir » : « Tous ceux qui sont contre sont en réalité pour la ruine de ce pays. » (TV Magazine, 17.4.05) [11]. Deuxième version de « L’histoire du monde » : la version paradisiaque et euphorique. Celle de Jacques Julliard : « L’Europe, c’est la paix. L’Europe, c’est la liberté. L’Europe, c’est la prospérité » (Le Nouvel Observateur, 07.04.05). Ou sa variante poétique offerte par Jean Daniel, expliquant que « la merveilleuse légende de l’Europe » constitue « le seul éclair apparu dans les ténèbres de l’histoire depuis qu’elle existe » (Le Nouvel Observateur, 25.11.04) .

Règle n°3 : Soustraire au débat ce qui fait l’objet même du débat

Alors que les adversaires du Traité concentrent l’essentiel de leurs critiques sur sa partie III (dédiée à la politique économique et sociale), voici ce que l’on peut entendre le vendredi 25 mars 2005 sur l’antenne de France Inter. L’éditorialiste Bernard Guetta s’emporte : « J’en ai passablement assez maintenant du couplet sur l’obscurité de ce texte constitutionnel. Lisons les 60 premières pages ; on peut se dispenser des anciennes dispositions ». Le présentateur, Pierre Weill, approuve et surenchérit : « Valéry Giscard d’Estaing disait hier qu’il faut à peu près une heure et demie pour ingurgiter les nouvelles pages, le début de la Constitution ». La porte-parole de l’UMP, Valérie Pécresse, s’enflamme à son tour : « Oui, ben, une heure et demie, vous savez, pour l’avenir de l’Europe, c’est quand même pas si considérable ». Guetta enthousiaste : « C’est le temps de lecture d’un magazine ! ». « Tout à fait ! », conclut Pierre Weill. Traduction : « Cachez de ce traité ce que je ne saurais voir ». Un chef d’œuvre de mépris pour les électeurs, qu’ils soient ou non favorables au Traité, invités à voter « oui » sans que soit discuté son contenu [12].


Les lamentations des « pédagogues » incompris [13]

Le 18 avril 2005, le « oui » ronronne dans le « 7/9 » de France Inter, et les chroniqueurs Pierre Le Marc et Bernard Guetta poursuivent leurs efforts de « pédagogie ». Puis soudain dans le « Radiocom, c’est vous » animé ce jour-là par Pierre Weill, c’est le drame ! Un auditeur proteste à l’antenne contre le parti pris de France Inter.

 Auditeur : En tant qu’auditeur et citoyen, je m’inquiète un petit peu de voir que tous vos chroniqueurs, tous vos journalistes, prônent le « oui » allègrement...

 Pierre Weill : Non ! Non ! Non ! Non ! Non !

 Auditeur : ... il n’y a aucune contradiction…

 Pierre Weill [couvrant la voix de l’auditeur] : Mais où allez-vous chercher tout ça ? ! ? ! ? Où allez-vous chercher tout ça ?

 Auditeur : ... J’écoute Monsieur Pierre Le Marc, j’écoute Monsieur Guetta, j’écoute tous les journalistes... Et citez-moi un seul journaliste qui ait fait la promotion du « non » ! À part Daniel Mermet, il n’y en a pas un sur France Inter ! Donc, en tant qu’auditeur de France Inter, citoyen qui m’apprête à voter, et en plus qui n’a pas encore déterminé son choix – mais ça, ça me regarde – je trouve inadmissible ce bourrage de crâne où aucun éditorialiste ne tient en compte les tenants du « non » ; et quand vous annoncez que le « non » est à 53 ou 56 %, on dirait que vous annoncez la mort de quelqu’un !

 Pierre Weill : Non ! Non ! Pas du tout ! Ecoutez... […]

 Auditeur : ... j’aurais aimé qu’il y ait un contradicteur à Monsieur Guetta, un contradicteur à Monsieur Le Marc et à l’ensemble de vos.... L’autre jour, Monsieur... votre envoyé spécial en direct de...

 Pierre Weill [tentant une nouvelle fois de faire taire l’effronté] : Je peux dire un mot ?

 Auditeur : ... Luxembourg s’est permis de faire un commentaire en disant que les Américains se réjouissaient du référendum car la tendance est plutôt sur le « non ». En quoi il y a eu un commentaire d’un Américain qui s’est réjoui du « non » à 56 % ? C’est votre journaliste qui s’est permis de le mettre dans sa chronique !

 Pierre Weill [excédé] : Non ! Non ! C’est parce qu’on le lui a dit ! [À cet instant, on n’entend plus du tout la voix de l’auditeur qui vient manifestement d’être coupé.] Vous savez, les journalistes rencontrent des gens... ils parlent avec des personnalités, ils ont des informations ! Par ailleurs, nous avons ici des éditorialistes à France Inter, nous avons aussi des journaux dans lesquels nous diffusons des interviews de partisans du « oui », de partisans du « non ». Nous avons entendu ce matin Henri Emmanuelli. On essaye d’être ouvert à toutes les tendances avant ce référendum. Bernard Guetta, vous vouliez dire un petit mot ?

 Bernard Guetta : Non, je voudrais dire simplement une chose, Monsieur, c’est que je me soucie – puisque vous me mettez en cause directement avec Pierre Le Marc – je me soucie... euh... tellement... des objections, des critiques qui sont faites à ce projet de Constitution que j’en étais ce matin – mais vous allez me le reprocher, mais vous aurez tort – à ma 12e chronique d’explication […] Je crois faire un énorme travail d’explication, et puis je reçois des mails – pas tant que ça d’ailleurs, mais quand même ! – de la tonalité de votre intervention : disant « c’est de la propagande ! », « c’est du martelage ! », etc. Bien, écoutez ! Moi je veux bien ! En quoi est-ce que j’ai fait de la propagande dans une seule de ces chroniques ?

Manifestement, Bernard Guetta, ne comprend pas qu’on ne le comprenne pas. À l’en croire, il serait la cible personnelle d’une campagne véhémente qui serait à l’image du climat qui règnerait désormais en France. Mais ce n’est pas en France que Bernard Guetta s’épanche, c’est dans les colonnes d’un quotidien de Suisse romande (Le Temps du 16 avril 2005). Celui qui est aussi éditorialiste-pédagogue à L’Express se plaint d’être persécuté par des « procureurs », mais sans oublier d’élever ces contingences individuelles à la dignité spéculative d’un symptôme national : « Il se passe quelque chose en France. Quand des éditorialistes qui défendent, contre vents et sondages, le "oui" au projet de Constitution européenne reçoivent quotidiennement des paquets de lettres et de courriels pleins d’une fureur vengeresse, il se passe quelque chose qui va bien au-delà de la seule installation du "non" dans l’opinion. » L’envolée finale de l’article entraîne le lecteur helvétique vers les sommets de la science politique : « Une radicalité pré-politique de type américain rencontre le vieux fonds révolutionnaire français. Il y a quelque chose de mai 68, la haine en plus. » Un tel excès peu déconcerter… Mais le plus stupéfiant est que Bernard Guetta, comme ses autres confrères éditorialistes, est sans doute sincère… Le désarroi qui peut parfois saisir nos « pédagogues » confrontés à des électeurs récalcitrants trahit seulement l’aveuglement de ceux dont la position dominante dans le champ médiatique les conduit à croire naïvement qu’ils sont au-dessus des engagements partisans et qu’ils font généreusement don de leur sagesse à une foule ignorante, passionnelle et inconséquente ; quand on se sait indiscutablement légitime, si l’opinion résiste à vos efforts « pédagogiques », c’est nécessairement qu’elle est injuste et qu’elle se berce de graves illusions. On est alors la victime innocente de l’incompréhensible violence de ceux pour lesquels on sacrifie son temps et son talent.

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Les aventures de la sondomanie


Aux interprétations unilatérales qui escamotent ce qui est matière à controverses, il faut ajouter la publication des sondages dont les commentaires contribuent à faire disparaître l’objet même du débat. La « sondomanie » ou le comble de la « pédagogie ».

Comme avant chaque scrutin, durant les mois qui précédent le référendum, les sondages coulent à flot. Le rythme frénétique de leur publication alimente la mise en scène médiatique du débat référendaire et lui imprime sa principale dynamique. Il est vrai que les sondages d’intention de vote, réputés mesurer les « mouvements de l’opinion publique » suscitent d’autant plus l’attention des journalistes et des acteurs politiques qu’ils semblent indiquer que la victoire du camp du « oui » n’a rien d’inéluctable. Et l’inquiétude est grande parmi les sondeurs omniprésents et les journalistes amateurs de prédictions. Certes, il est parfois possible de se réjouir quand le « "oui" reprend des couleurs » selon l’expression de Robert Schneider (nouvelobs.com, 21.04.05). Mais, le plus souvent, il faut constater la montée des « nuages du "non" » (Alexis Brézet, Le Figaro, 11.02.05) et exhorter inlassablement les partisans du « oui » à redoubler leurs efforts. « Oui, le OUI peut encore gagner » : la Une spectaculaire du Parisien daté du 21 avril 2005 se voulait-elle rassurante ?

Parfois le manque de sérieux prête à sourire. Ainsi, dans son édition du 16 avril 2005, Le Figaro titre en pages politiques : « Chirac à la télévision : le jugement des Français », avec comme sous-titre : « L’institut Médiascopie a mesuré pour Le Figaro les réactions des téléspectateurs ». Pour ce faire, l’organisme a réuni et interrogé… « cinquante personnes habitant l’Ile-de-France » ! La mystification qui consiste à déduire « le jugement des Français » à partir d’un échantillon de 50 personnes et à « mesurer de manière qualitative » l’opinion à partir d’un tel panel relève plus de la manipulation politique que de l’analyse scientifique. Médiascopie et Le Figaro, courbes « scientifiques » à l’appui, n’hésitent pas à nous présenter les résultats en trois titres : « Les partisans du "oui" de droite ou de gauche sont confortés dans leurs choix », « Les tenants du "non" restent sceptiques, surtout lorsqu’ils sont de droite » et enfin « les indécis de droite sont plus réceptifs que les indécis de gauche ». Traduction : partisans du « Oui » de droite, en avant !

Cet usage abusif de la technique du sondage d’opinion ne disqualifie pas forcément – ce qui est tout différent – les sondages dit « d’intentions de vote » dont les spécialistes en la matière précisent qu’ils ne sont que des « instantanés ». Pourtant ceux-ci sont fréquemment présentés, notamment par les journalistes, comme des votes réels ou une simulation de la consultation électorale, alors que celle-ci peut intervenir plus tardivement et, parfois, beaucoup plus tardivement. En tout cas, si les derniers sondages préélectoraux donnent, à la veille du scrutin, des résultats en général proches de ceux de la consultation elle-même, il n’y a pas lieu de s’en étonner puisqu’ils enregistrent alors des intentions de vote qui se manifesteront sans tarder. En revanche, on peut s’interroger sur la prétention des sondologues à mesurer les mouvements de l’opinion à travers l’évolution des courbes des sondages pendant les mois précédents le scrutin.
De tels sondages mesurent-ils vraiment les « fluctuations de l’opinion » ou, plus simplement, les incertitudes des sondages eux-mêmes ? [14]. À cette question, Patrick Lehingue répond, en se fondant sur la fiche technique du sondage réalisé par IPSOS les 25 et 26 mars 2005 et publiée par Le Figaro le 29, que les marges d’erreurs sont d’autant plus considérables que le nombre de sondés qui ne répondent pas est important (les non réponses, les sans opinion, les sondés qui ne savent pas encore pour qui ils vont voter et qui peuvent représenter plus de 50% des enquêtés). Par conséquent : « Il se pourrait alors, explique Lehingue, qu’au principe des folles oscillations qui affectent les pourcentages d’intentions de vote en faveur du "oui" ou du "non", se glisse ce simple fait : les mouvements que l’on analyse, scrute et soupèse savamment seraient tout bonnement compris dans la marge d’erreur » [15]. Et pourtant ce sont ces résultats douteux qui deviennent la matière première de commentaires envahissants, qui se substituent au débat sur l’objet de la consultation électorale. Peu importe alors aux sondomaniaques que ces sondages soient très approximatifs jusqu’à la veille du scrutin et que leur fragilité puisse être avérée – comme ce fut le cas lors de la présidentielle des 2002, précédée d’« enquêtes » qui avaient très insuffisamment mesuré la montée de Le Pen.

Les sondages d’intention de vote ont au moins une utilité : ils permettent aux journalistes d’entretenir le suspens et de vendre du papier et de l’audience à bon compte. Sous couvert d’éclairer le débat, ils permettent de le détourner de son véritable objet. Mais surtout ne dites rien de la valeur démocratique de tels sondages et de l’intérêt de leurs commentaires. Vous risqueriez de vous attirer les foudres des sondologues comme Roland Cayrol, qui s’emporte ainsi sur l’antenne d’Europe 1 : « Ce qui me met hors de moi, franchement, c’est le "les sondages nous trompent", c’est le coup de la manip. On vit dans un monde où il faut décidément aller révéler sans arrêt derrière le véritable chef d’orchestre clandestin. Le Pen fait ça sans arrêt, Bourdieu nous l’a fait en sociologie » (21.04.05). Constater qu’il est plutôt raisonnable de se méfier de sondages incohérents, voilà qui ferait de vous un théoricien du complot !

Mais le fait que les prétendues « fluctuations de l’opinion » ne constituent en définitive que de simples artefacts n’est pas pour décourager les interprètes autorisés des sondages. Car ces derniers leur permettent de se revendiquer comme les porte-parole de « l’opinion publique ». Quand bien même ils ne disposent d’aucune enquête sérieuse pour étayer leurs analyses, éditorialistes et sondeurs aiment à jouer les psychologues de l’âme des peuples. L’éditorialiste multicarte Alain Duhamel en a par exemple fait sa spécialité, dissertant un jour sur « les peurs françaises » (Libération, 16.03.05), l’autre sur « le malaise français » (RTL, 29.03.05). Auscultant depuis des décennies le « caractère politiques des Français », ou plutôt des « Gaulois », notre bon médecin établit toujours à peu près le même diagnostic : « On voit bien que la France traverse en ce moment une crise psychologique grave, lourde, qu’elle est atteinte collectivement de pessimisme, qu’elle est anxieuse, qu’elle s’interroge sur elle-même. » (19.03.05). Deux jours avant le référendum, il évoque encore avec tristesse sur l’antenne de RTL « les fièvres politiques qui saisissent la France » (27.05.05).

Les sondages et les spéculations sur l’opinion des citoyens, décidément, sont de précieux atouts de la « pédagogie » et du (faux) débat démocratique. À moins qu’ils ne soient les premiers supports de la propagande.


Quatre « régionaux » et un sondage [16]

Le premier sondage donnant un hypothétique « avantage » au « non » a fait l’objet d’innombrables commentaires, non seulement dans les médias nationaux, mais aussi dans la presse quotidienne régionale, que l’on oublie trop souvent et dont on ne dira jamais assez qu’elle se réduit généralement à un seul titre par région, même si les prescripteurs d’opinion n’y manquent pas. Quatre grands « penseurs », parmi de nombreux autres, se sont penchés sur le berceau du sondage qui « donnait » le « non » à 51%. Ainsi, dans La Provence du mardi 22 mars, Gilles Dauxerre, dans un éditorial de première page titré « Vraie campagne », mène d’emblée la seule vraie campagne possible à ses yeux : celle pour le « Oui ». La première phrase annonce en effet, avec tout l’effet de dramatisation qui sied, que l’article est entièrement rédigé du point de vue des partisans du « Oui » : « La poussée du "non" dans les sondages concernant le référendum sur la Constitution européenne a déclenché la panique dans le camp du "oui". » Suit alors ce commentaire définitif, destiné à expliquer la « panique » : « Les partisans du traité se rendent compte que leurs arguments rationnels, ardus et austères, sont balayés par diverses allégations subjectives, simples et multiples. » Au risque d’être pris en flagrant délit d’argumentation d’une complexité rationnelle, ardue et austère, notre pédagogue pose finalement la seule question qui lui importe : « Comment en sortir ? ».

Dans Sud-Ouest daté du même jour, le titre principal de la Une qui occupe la majeure partie de la page, interroge : « Et si le non l’emportait ? ». L’accroche sous la photo précise que « Sud Ouest ouvre le dossier. » Mais il le ferme aussitôt par un éditorial de Frank De Bondt, intitulé « Incrédulité européenne », où l’on peut lire ceci : « Cette peur [des Français] sera difficile à vaincre, parce qu’elle n’émane pas tant de Bruxelles que des transformations du monde auxquelles la société française résiste au lieu de s’adapter ». Il est rassurant de constater que Sud Ouest, quotidien régional de proximité, ne se laisse pas enfermer par les particularismes régionaux et prend de la hauteur, pour nous offrir un éditorial « vu d’Europe ». Et il n’est pas étonnant de constater que perçus à une telle altitude, les arguments des partisans du « non » se réduisent à leur « peur » mais aussi à leur « irrationalité ». Frank De Bondt, décidément très en verve, bénéficie en outre d’une double page intérieure, sobrement intitulée « Les conséquences d’un non français », qui est un condensé de l’argumentaire des partisans du « oui ». Bien entendu, aucune tribune libre ou aucun entretien avec les partisans de la position adverse ne viennent contrebalancer ces « analyses ».

Les rédacteurs de Paris-Normandie, ce même 22 mars, semblent eux aussi très inquiets et titrent en conséquence : « Et si le "non" gagnait... ». Le quotidien explique d’abord pourquoi le « non » gagne du terrain dans un article qui prétend détailler « les trois raisons de refus français ». Les voici : « L’épouvantail Bolkestein, le malaise social et le monde rural oublié ». Le contenu même du Traité européen ? Exclu de la liste des « raisons ». Après ce hors d’œuvre, le plat de résistance : le recours à trois « analystes », dont les titres devraient impressionner : Yves Mény, « Président de l’Institut universitaire européen, à Florence, en Italie », Paul Magnette « de l’Université Libre de Bruxelles », et « un diplomate », tous favorables au « oui ». Mais bien sûr, ils ne sont pas engagés, puisque ce sont des « experts ». Un échantillon forcément représentatif, qui permet d’affirmer ceci : « Un rejet de la Constitution européenne lors du référendum du 29 mai en France, porterait un coup fatal au traité, mais risquerait aussi de plonger l’Europe dans une crise politique majeure susceptible de durer longtemps selon plusieurs analystes ». Les « plusieurs » – qui ne sont que trois – permettent de recourir à ce subterfuge habituel quand on tente de dissimuler une prise de position politique : se retrancher derrière des « spécialistes » qui assènent avec autorité les convictions très ordinaires des adeptes du « oui ».

Enfin, Les Dernières Nouvelles d’Alsace choisissent eux aussi la seule réponse qui vaille. Le 22 mars 2005, l’éditorialiste Olivier Picard explique ainsi que la montée du « non » dans les sondages « met au jour les stigmates d’un pays en plein doute, déclinant au point de se perdre dans la confusion de ses choix, de ses priorités, et de ses défis ». Rien que ça ! Et à l’appui de la rhétorique réactionnaire du déclin, cette larme : « Ainsi, nous voilà prêts à tourner le dos à une nouvelle étape de la construction européenne en trouvant tous les bons prétextes à ce renoncement historique ». Excusez du peu ! Subitement, une phrase, venue dont ne sait où, déchire la page : « Évidemment, les arguments des partisans du non sont à la fois recevables et légitimes ». Mais cet éclair de lucidité démocratique n’annonce rien : en guise d’exposé des « arguments recevables et légitimes », Olivier Picard affirme que les partisans du « non » sont mus par « une série d’exaspérations hexagonales » : « Ce non-là est celui d’un pays qui n’a plus aucun complexe à étaler sa frilosité, voire sa peur devant l’avenir ». À quoi bon dans ces conditions, débattre des arguments des partisans du « non » ?


Les avatars de la propagande


Comment distinguer la « pédagogie » et la « propagande » ? À cette question, les journalistes dominants se sont chargés de répondre eux-mêmes sans le vouloir : la propagande commence avec la prétendue pédagogie quand celle-ci est à sens unique, quand le pluralisme est suffisamment contrôlé pour être une arme de domination, quand l’abus de position dominante conduit à négliger les impératifs élémentaires d’une information rigoureuse. Cette propagande culmine avec quelques avatars.

Avatar n°1 : Torsions et distorsions

Il faudrait reconstituer la totalité de la campagne pour en saisir le « climat ». Car la partialité des médias dominants s’exprime sous toutes les formes : titres, images ou vocabulaire. Chaque jour, des journalistes évoquent par automatisme de langage « l’échec » du référendum en cas de victoire du « non » et son « succès » dans le cas contraire ; chaque jour des reportages présentent le refus de la Constitution comme une calamité, un « rejet de l’Europe ». Lorsque paraissent les premiers sondages donnant le « non » majoritaire, quelques maux d’estomac d’une poignée de dirigeants européens suffisent à Libération pour titrer « L’Europe malade de la France » (23.03.05). Un mois plus tard, Courrier international récidive avec en couverture la Tour Eiffel la tête en bas, et titre : « Ce non qui inquiète l’Europe » (21.04.05). Bref, un bon pédagogue ne doit pas avoir trop de scrupules. Le Canard enchaîné du 11 mai 2005 apporte un éclairage utile sur ce point : « Dernier prétexte à rigolade, au sein du Nouvel Observateur : l’interview de Jacques Delors, jugée trop modérée, voire gnangnan, a été réécrite par Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de l’hebdo. Et "durcie", afin de pouvoir, face à "la flambée du non", titrer à la une (le 28/4), et en lettres énormes : "Ils vous mentent !" Un ton agressif que, selon divers confrères du Nouvel Obs, on a fait endosser à Delors, qui n’en demandait pas tant, et le regrette ». Vous avez dit « manipulation » ? L’édition du 25 mai 2005 du Monde publiait ainsi, sur quatre colonnes à la « Une », une information fracassante : « L’appel des syndicats européens pour le oui ». On pouvait imaginer que cet appel prenait la forme d’un manifeste signé par de nombreux responsables de confédérations syndicales sommant les Français de voter « oui ». Il n’en était rien : en guise d’appel, le journal s’était contenté d’interroger trois dirigeants syndicaux italiens et un allemand…

Avatar n°2 : Deux poids, deux mesures

Pendant la campagne référendaire, la règle tacite des journalistes dominants est celle du « deux poids, deux mesures » : selon que vous serez un vénérable partisan du traité ou son méprisable adversaire, vous ne logerez pas à la même enseigne. La mise en scène médiatique de l’actualité permet, par exemple, de construire une « polémique » autour des propos relativement anodins d’Henri Emmanuelli, quand celui-ci souligne, en évoquant deux précédents historiques (en juin 40 contre Pétain et en 1956 contre la guerre d’Algérie), que parfois les minoritaires socialistes avaient eu raison. Immédiatement, Libération titre : « Le non dérape, le oui jubile » (14.03.05) et pendant plusieurs jours « l’affaire » fait les délices des commentateurs. Mais nul ne s’indigne quand Martine Aubry évoque, pour disqualifier les adversaires du traité, un « populisme qui a conduit l’Italie d’autrefois à ce que l’on sait » (Le Figaro, 01.04.05). Personne ne proteste lorsque le dessinateur Cabu suggère, dans un premier dessin, que Florence Aubenas, la journaliste de Libération alors otage en Irak, votait « oui » (Charlie Hebdo, 13.04.05) et, dans un second, que ses ravisseurs étaient des partisans du « non » (Le Canard enchaîné, 11.05.05). Même la bonne vieille censure n’indispose plus les belles âmes. Pourtant, durant la campagne référendaire, la télévision publique a annulé coup sur coup la diffusion de trois programmes, redoutant qu’ils ne favorisent les arguments des adversaires du traité : d’abord, l’émission « Cent minutes pour convaincre » avec José Manuel Barroso, président très libéral de la commission européenne et partisan acharné de la guerre d’Irak ; ensuite, une émission du magazine Un œil sur la planète consacré à la Turquie ; enfin un documentaire sur la lutte des salariés en Moselle à la suite d’une délocalisation, un sujet inopportun (Télérama, 04.05.05).

Avatar n°3 : Instrumentalisation de l’actualité

Comme dans le cochon, tout est bon dans l’actualité pour faire avancer la grande cause de l’Europe libérale. Déformés par le prisme des médias, la plupart des événements d’actualité se transforment comme par magie en arguments pour la ratification du traité constitutionnel. Le Vatican a élu un nouveau pape ? Bernard Guetta y voit aussitôt une victoire de l’Europe : « Le choix de ce pape dit que, en se faisant ou en ne se faisant pas, l’Europe jettera les bases d’un nouveau millénaire » (L’Express, 25.04.2005). Guillaume Durand le confirme : « C’est un pape européen, pas italien mais allemand, dans le contexte du référendum » (I-Télévision, 19.04.05). Paris deviendra-t-elle une ville olympique ? Pour Jean-Pierre Elkabbach, « la France mobilisée et enthousiaste pour les jeux olympique – Paris 2012 – pourrait l’être pour l’Europe, si je comprends bien… » (Europe 1, 22.03.05). Elkabbach avait bien compris. Pourquoi se gêner ? Même l’art contemporain aurait voté « oui » ! Un patron milliardaire préfère-t-il installer sa collection à Venise plutôt qu’à Paris ? Alexandre Adler trouve des coupables : « Les partisans du "non" peuvent se féliciter d’une belle victoire. Ils ont fait partir les collections les plus intéressantes d’art contemporain qui existaient sur notre sol [celles de François Pinault] vers le palais Grassi à Venise » (France Culture, 10.05.05). Et le lancement de l’Airbus A 380 ! Pour l’éditorialiste de Libération, Patrick Sabatier, « le succès d’Airbus commande d’aller vers plus d’Europe, ce dont la Constitution jettera les bases. » (28.04.05). À l’occasion d’un jour férié dont l’origine n’est pas anodine, Laurence Ferrari reçoit Laurent Fabius dans le journal de 20 heures de TF1. La journaliste lui pose d’emblée la question suivante : « Nous sommes le 8 mai 2005. Toute l’Europe commémore la fin de la deuxième guerre mondiale, la paix revenue en Europe. Et vous venez nous dire donc ce soir qu’il faut dire "non" à la Constitution européenne ».

En revanche, lorsque l’actualité semble donner raison aux partisans du « non », on s’empresse de souligner que le projet de Constitution n’est pas concerné, ou du moins préfère-t-on en relativiser l’importance. Quand le faucon Paul Wolfowitz, grand ordonnateur de l’invasion de l’Irak, est nommé président de la Banque mondiale avec le soutien des pays européens, les éditorialistes restent cois. Ni Bernard Guetta ni Christine Ockrent ne viennent souligner à quel point cette décision confirme que l’Europe n’existe pas diplomatiquement, et rappeler que la majorité de ses 25 membres a soutenu la guerre illégale de George W. Bush en Irak. Si l’information a effectivement existé, elle a pourtant été déconnectée des enjeux de la campagne. Même situation quand le dirigeant social-démocrate allemand Oskar Lafontaine prend position pour le « non » : c’est à peine si Le Monde le mentionne à l’occasion du compte-rendu d’un meeting des partisans du « non » (29-05-2005). Lafontaine est pourtant un homme politique allemand de premier plan, ancien président du parti social démocrate allemand et ancien ministre des finances. Mais comme les partisans du « non » sont constamment présentés comme isolés en Europe, chaque concours qu’ils obtiennent est traité avec discrétion. Plus grave encore : une gaffe monumentale de François Hollande n’a bénéficié d’aucune visibilité médiatique. Trois jours avant le référendum (26.05.05), un journaliste de France culture interroge le premier secrétaire du Parti socialiste : « Vous souhaiteriez que [Jacques Chirac] mette sa personne en cause ? ». Hollande rétorque alors : « Non, non, aujourd’hui il n’y a pas de raison qu’il le fasse puisqu’il ne l’a pas fait, et s’il l’avait fait d’ailleurs, nous aurions appelé à voter "non" ». Extraordinaire ! Ces propos démolissent d’un coup les habituels couplets « euro-béats » vantant les mérites du Traité constitutionnel et l’importance de déconnecter les enjeux intérieurs des enjeux européens. Les jours suivants, on n’observe pourtant aucune « reprise », aucune « Une », aucun éditorial sur la bourde du leader socialiste. Et pour cause [17].

Soulignons à nouveau qu’aucune concertation préalable n’est nécessaire à ces pédagogues pour remplir leur fonction : leur volonté, quand elle existe, n’est le plus souvent que l’effet de leur position. Chacun de nos « mentors » invoque pour lui-même une liberté d’expression (que nul ne songe à contester), quitte à l’opposer à l’expression d’un pluralisme politique effectif dans les médias. Ils refusent non seulement de se compter, mais tout simplement d’entendre la musique qu’ils interprètent collectivement. Chaque éditorialiste (notamment dans les médias publics) revendique pour lui-même un droit d’engagement imprescriptible ; chaque média, par la voix de ses tenanciers, se drape dans la défense d’une liberté d’opinion que rien ne menace vraiment, alors que celle des partisans du « non » est minorée. Mais tous se désintéressent – non sans cynisme – de ces deux simples questions :

1. Comment expliquer et justifier le « décalage » (pour utiliser un terme pudique) entre, d’une part, un espace médiatique livré à une domination pratiquement sans partage des tenants d’un libéralisme plus ou moins social et, d’autre part, la diversité sociale, culturelle et politique des publics ?

2. Comment y remédier ? En définitive, le seul pluralisme qu’ils défendent, c’est un pluralisme de combat, mais de leur combat.


Laurent Joffrin espère domestiquer la dissidence [18]

« Laissons parler le "non" ! », s’exclame Laurent Joffrin dans le titre de son éditorial du Nouvel Observateur du 3 mai 2005. En effet, explique le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire, « on a grand tort de ne pas faire parler assez les défenseurs du non » car « moins ils s’expriment, plus ils convainquent ». Qui cela « on » ? Le fin stratège avertit avec solennité les grands médias : « En donnant le sentiment de fausser le jeu démocratique, les grands médias alimentent une polémique dans laquelle ils tiennent le mauvais rôle ». Aussi l’éditorialiste conseille-t-il à ses confrères de laisser s’exprimer leurs adversaires « au moins en contrepoint ». Avis aux contestataires : si « on » vous laisse vous exprimer, c’est « au moins en contrepoint » !

Pour preuve de sa générosité, Laurent Joffrin se fend d’une note de bas de page pour citer en exemple Le Nouvel Observateur, grand spécialiste en « contrepoints » : « Le Nouvel Observateur le fait cette semaine en laissant un espace significatif à Laurent Fabius ou à Jean-Luc Mélenchon. » Mais, première précision, l’« espace significatif » (une demi page du newsmagazine) attribué à Jean-Luc Mélenchon est aussitôt suivi d’une réponse, tout aussi significative de... Laurent Joffrin à Mélenchon. Et, seconde précision, le propos de Laurent Fabius est précédé d’une analyse favorable au « oui » de Simone Veil, laquelle suit une tribune, elle aussi favorable au « oui », de Jürgen Habermas, puis celle de Joffrin. Et laquelle des deux tribunes (Simone Veil ou Laurent Fabius) est annoncée en une ?... Oui, oui, oui : celle de l’avocate du « oui ». L’espace accordé est donc un espace concédé et bien encadré. Moins envahissant que les pages de publicité du Nouvel Observateur, moins aguicheur que les pages « people » de l’austère hebdomadaire qui ne manque jamais une occasion de se conformer à la définition qu’en donna Laurent Joffrin lui même à des étudiants en journalisme : un « Gala pour riches » [19].

Cette démocratie du contrepoint se transforme, comme par magie, en « équilibre », quand il devient évident que le pluralisme doit au moins être apparent pour mettre le débat au service du juste combat : « Faute de cet équilibre, explique l’éditorialiste, les défenseurs du non peuvent dénoncer – c’est de bonne guerre – la "dictature de la pensée unique" et gagner dans la bataille le prestige de ceux qui sont négligés, censurés, bâillonnés même par "l’information officielle". » À la guerre comme à la guerre ! Joffrin propose alors un relevé opportun du champ de bataille, car selon lui les partisans du « non » peuvent « d’autant plus facilement » protester contre la domination des gentils éditorialistes « qu’ils disposent de leurs propres canaux d’expression ».

Que sont ces redoutables « canaux d’expression » ? C’est ce que Joffrin va nous apprendre. Car, voyez-vous, « depuis au moins dix ans en France, il n’y a pas un système médiatique mais deux ». « Le premier est composé des grandes chaînes de télévision, des principaux réseaux radiophoniques, des quotidiens et des hebdos généralistes. Pour des raisons diverses – influence des actionnaires dans certains cas, convictions des éditorialistes dans d’autres, choix délibérés des équipes rédactionnelles dans d’autres encore, le oui domine ce qu’on pourrait appeler le système "classique". » Là, tout est simple et, croit-on comprendre, concentré, alors que « le second système est plus complexe et diffus » : « il compte des journaux militants, des radios moins traditionnelles, des réseaux associatifs ou d’éducation politique et, surtout, une myriade de sites Internet, collectifs ou individuels, permanents ou éphémères, dont l’influence n’a cessé de grandir au fil des années. Dans ce système médiatique "alternatif" ou "dissident", le non domine de manière écrasante ». Dans le brouillard qui baigne cet océan de complexité, notre spécialiste des médias poursuit : « Mais pourquoi, dira-t-on, introduire les partisans du non à égalité dans le système classique ? ». Pas simplement parce qu’un véritable équilibre serait plus démocratique. Pour le grand stratège, la raison est autre : le « système classique » obéirait en effet « à des règles professionnelles qui l’obligent à pratiquer l’information équilibrée et la délibération rationnelle », alors que le « système dissident » « charrie ce qu’il y a de meilleur et de pire en matière d’information ».

Ne croyez pas que notre spécialiste des « systèmes » et des « règles » se satisfasse d’une opposition aussi sommaire. Il sait que, dans le « système classique », les règles professionnelles obligent très peu, que l’information est déséquilibrée et que la délibération rationnelle est une chimère. Gagné par le sens de la nuance, il argumente alors : « Instrument incomparable de diffusion et de culture, les médias dominants sont aussi le royaume de la rumeur, de la manipulation, de l’arrogance pathologique et de l’invention pure et simple. Assujettis à la financiarisation et à la publicité, ils entretiennent les modes de domination les plus archaïques, à la fois hyper libéraux et moyenâgeux. Premier vecteur du système de domination idéologique, ils flattent les penchants irrationnels autant que les virtualités créatrices. »

Erratum ! Laurent Joffrin n’est pas l’auteur de cette citation ! Il écrit au contraire : « Instrument incomparable de diffusion et de culture, Internet est aussi le royaume de la rumeur, de la manipulation, de la protestation pathologique et de l’invention pure et simple. La "toile" est une réalité à la fois futuriste et archaïque, hyper technologique et moyenâgeuse. Premier vecteur du système dissident des médias, elle en flatte les penchants irrationnels autant que les virtualités créatrices. »

En réalité, Laurent Joffrin se soucie du pluralisme comme d’une guigne. Seule l’intéresse la victoire du « oui » et le maintien de la domination d’un « système » médiatique dont il est un fier défenseur et un éminent bénéficiaire. Son plan de bataille est prêt ; faraud, il ne peut s’empêcher de le dévoiler : « L’intérêt des partisans du oui, au-delà des principes, c’est donc de ramener le débat sur le terrain rationnel, en pleine lumière, à armes égales entre le oui et le non. […] Au lieu de laisser s’ébattre sans contradicteurs les pythies et les gourous du Net, il faut les contraindre au débat. Et cette fois, plus ils s’exprimeront, moins ils convaincront ». La pauvre théorie des « deux systèmes » n’était donc que cela : l’alibi d’un projet, dérisoire mais significatif, de domestication de la dissidence.


Extrait de Médias en campagne, Henri Maler et Antoine Schwartz, Acrimed, Syllepse, 2005, p. 49-83.

 
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Notes

[1Sur le site « expression-publique.com », janvier 2005. Cité par PLPL, « Le grand cirque des oui-ouistes », n°23, février 2005, p. 6.

[2Cité dans Le Bêtisier de Maastricht, Paris, Arléa, 1997.

[3Cité par Serge Halimi, « Médias en tenue de campagne européenne », Le Monde diplomatique, mai 2005.

[4Philippe Val, Le Référendum des lâches, Paris, Le Cherche midi, 2005, p. 49.

[5D’après l’article de Denis Perais et Henri Maler, publié sous le même titre sur le site d’Acrimed le 6 avril 2005, et celui de Denis Perais « Oui dit Elle. Une propagande totalitElle » publié le 23 mai 2005.

[6Cité par Pierre Marcelle, « Elle, folle de son oui », Libération, 9 mai 2005.

[7À comparer avec celui d’un autre magazine « féminin » : Marie Claire. Lire Christiane Restier-Melleray « Oui ou non ? = oui. L’équation de Marie Claire », texte publié sur le site d’Acrimed le 25 mai 2005.

[8Selon la formule employée par Serge Halimi dans son article, « Médias en tenue de campagne européenne », Le Monde diplomatique, mai 2005.

[9D’après les calculs de Pour Lire Pas Lu, « Les tigres de papier », n°25, juin-août 2005, p. 5.

[10Voir notamment : « Comment Le Midi Libre cajolait les partisans du "oui" », par Mathias Reymond, publié sur le site d’Acrimed le 28 juillet 2005 ; « Paris-Normandie en "mission d’information" », par Denis Perais (publié le 4 mai 2005).

[11Remarquons d’ailleurs que ces commentaires ne sont que des échos à peine assourdis des propos de certains responsables politiques : en cas de victoire du « non » au référendum, prédit François Bayrou, « il pleuvra plus de 40 jours » (Le Monde, 31.03.05), tandis que Dominique Strauss-Kahn parle sans sourcilier d’« un souffle de bombe atomique » (France 2, 17.02.05).

[12Pour un exemple régional, lire : Pierre Huron et Alain Thorens, « Cachez ce Traité que je ne saurais voir (Les Dernières Nouvelles d’Alsace) », publié sur le site d’Acrimed le 10 mars 2005 ; ColMar et Stanislas , « Les DNA méprisent les lecteurs et l’électeur » (14 février 2005).

[13D’après l’article de Philippe Monti, publié sous le même titre sur le site d’Acrimed le 25 avril 2005. Voir également « Bernard Guetta célèbre sa propre importance » par Yves Rebours et Mathias Reymond, publié le 21 février 2005 ; « Bernard Guetta parle de Bernard Guetta », par Yves Rebours, publié le 27 mai 2005.

[14Sur les sondages d’intention de vote, leur validité scientifique et leur portée démocratique, lire les contributions de Patrick Lehingue sur le site d’Acrimed : « Les coûts cachés des coups de sonde (1) » publié le 8 avril 2005 ; « Les coûts cachés des coups de sonde (2) : tout bouge, rien ne bouge », publié le 12 mai 2005 ; « Les coûts cachés des coups de sonde (3) : Exclusif : les sondages ne se sont pas trompés » publié le 8 juin 2005.

[15Patrick Lehingue, « Les coûts cachés des coups de sonde (2)… », art.cit.

[16D’après l’article de Denis Perais, Colmar et Alain Thorens, publié sous le même titre sur le site d’Acrimed le 30 mars 2005.

[17Sur ces exemples et quelques autres, voir aussi « Deux poids, deux mesure » (Documentation d’Acrimed et de PLPL) sur le site d’Acrimed. Publié le 28 mai 2005.

[18D’après l’article d’Henri Maler, publié sous le même titre sur le site d’Acrimed le 6 mai 2005.

[19Propos rapporté par François Ruffin dans Les petits soldats du journalisme, Éditions Les Arènes, 2003.

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