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L’actualité des médias n°8 (16 au 29 août 2003)

par William Salama,

Quelques brèves informations glanées dans la presse (lire les précédentes éditions).

I. LES MEDIAS

 Audiovisuel français et télé-réalité. « Quelle télévision demain ? » est le titre d’une série du Monde (du 26 au 30 août ) qui dresse de sombres perspectives. Problème : « demain », c’est aujourd’hui...
Ainsi en est-il du premier dossier, « la télé-réalité se banalise et bouleverse le paysage audiovisuel » (26 août), intéressant car il fourmille de plus d’informations internationales et de données globales que son titre ne le suggère. D’ailleurs, le quotidien débute par « les Français ont-ils la télévision qu’ils méritent  » ? Mais la faute à qui, au fond, quand dans ce contexte désolant, les « programmes hier jugés avilissants » sont aujourd’hui distingués (cf. Le Conseil d’Etat consacre une « œuvre » : Popstars).

Pour compléter, citons ce constat approprié, tiré d’une tribune d’Olivier Py et Christian Salmon (publiée le 22 juillet dans Libération ) et repris en édito par Beaux-Arts de septembre, dans un excellent dossier consacré aux intermittents : « La télé-réalité est bien plus qu’un programme de télévision ; c’est le programme intégré de toute la société ; absorber la réalité  ».
Enfin, voici, lancé en grande pompe dans des quotidiens ciblés (Le Parisien et France-Soir, 28 août), le nouvel avatar du genre par TF1 : « 48 heures », un programme censé faire vivre un homme politique au sein d’une famille lambda, pendant deux jours. Le pire n’étant, finalement, pas l’essence de ce show - plus rien ne nous étonne - mais le sens prêté à l’entreprise par Mougeotte qui confine à l’irresponsabilité la plus cynique : « réconcilier les français avec la politique » (France-Soir, 28 août). Jean-François Copé, porte parole du gouvernement, qui n’a que cela à faire, essuie les plâtres. Il se justifie dans Le Figaro par « l’occasion unique de s’expliquer ». Double constat d’échec, pour l’information télévisée et pour le gouvernement donc. Mais pas pour tout le monde... Le fait est que si Le Parisien et France-Soir se réjouissent, Libération, Le Figaro et Le Monde sont (pour l’instant) plutôt critiques. Bref, parce que l’émission fait couler de l’encre, TF1 a déjà gagné son pari.

Le deuxième article de la série du Monde est une interview de Marc Tessier (président de France Télévisons, 27 août). Ce dernier se montre pessimiste, craignant, face, d’une part, à la multiplication des chaînes thématiques (notamment d’information), d’autre part, à la mode de la télé-réalité (« des émissions attrape-tout »), enfin, au vieillissement des publics, une perte du « statut de référence » des hertziennes. Autre crainte, clairement énoncée, « l’économie des parts d’audience plus faibles ».

Etienne Mougeotte, vice-président de TF1, a également eu, grâce à son interview par « un panel de lecteurs » du Parisien (28 août), l’occasion de faire sa réclame sur les nouveaux programmes (voir plus haut), de dire qu’il « ne constate pas de marquage à droite ou à gauche » de sa chaîne, et de défendre la télé-réalité. Sa hantise : « dérouter notre public qui pourrait ainsi se détourner de nous  ».

 Presse et publicité. D’une manière générale, « la publicité a reculé de 4,5 % en volume au premier semestre » (Les Echos, 20 août, selon étude TNS média intelligence). Mais de manière plus précise, les différences apparaissent. Ainsi, en presse écrite, la PQR (presse quotidienne régionale) se stabilise et augmente même de 4 % en valeur. Concernant la presse magazine, c’est le segment TV qui tire son épingle du jeu avec une hausse de 4,5%. Notons que « les autres médias » se portent mieux comme la télévision (+ 4,8 %) et surtout la radio (+ 14,6 %). De fait, la PQN (presse quotidienne nationale) souffre le plus (« la crise semble plus profonde ») : avec une baisse de 9 %, elle en est réduite à écraser ses prix annonceurs : « du 1er au 31 décembre 2003, Les Echos, L’Equipe, Le Figaro et Le Monde offrent une cinquième insertion à tout annonceur achetant un produit Plein Cadre » indique la newsletter de CB News (25 août).

 Secteurs interdits. C’est officiel : « le gouvernement s’apprête à transmettre au conseil d’Etat le projet de décret permettant à certains secteurs, jusqu’ici interdits, [distribution et presse écrite] d’accéder au petit écran ». Mais pas avant 2007 pour les hertziennes. Ce sont les chaînes locales, du câble, du satellite et de la TNT qui en bénéficieront d’abord. (La Tribune, 29 août).

 RTL. Robin Leproux, pdg du pôle radio français de RTL, est interviewé dans Le Figaro Economie (25 août). Après s’être tressé des lauriers (« RTL affiche une santé financière record »), il s’en prend aux mesures d’audience automatique insistant sur la qualité d’attention (un nouveau produit d’appel, semble-t-il). Plus loin, déplorant le fait que sa station ne couvre que deux tiers du territoire, cette petite phrase étrange : « la station assume un rôle de service public et ne semble pas être entendue par l’ensemble des français  ». Rappel : RTL appartient au groupe privé allemand Bertelsmann. Entre parenthèses, on ajoutera qu’un des journalistes les plus en vue de la station, Christophe Hondelatte, se fait remarquer à l’antenne pour son militantisme anti-service public. Charlie Hebdo (20 août) rapporte ce courrier de lecteur : « dans son émission, les antifonctionnaires et antigrévistes crachent régulièrement leur venin sans risque aucun d’être contredits par l’animateur [...] Ce personnage fait même de la pub aux organisateurs de contre-manifestations ’’anti-grévistes’’ ».

 Edition 1. Nouvelle surenchère : « production pléthorique pour la rentrée littéraire » (La Tribune, 25 août) : 1285 nouveaux livres soit 51 de plus que l’année dernière. Un effet de masse qui n’est pas forcément synonyme de diversité (sur le livre-marketing, lire La concentration dans l’édition et ses effets, de Janine Brémond).

 Edition 2 (VUP et Largardère). Lagardère a enfin répondu au questionnaire de Bruxelles qui réamorce donc son examen approfondi du dossier. La nouvelle date limite du verdict est fixée au 13 janvier 2004 (cf. La Tribune ou Les Echos, 29 août).

 Vente en kiosque. Selon les NMPP, les quotidiens représentent 41,3 % d’invendus en kiosque. Le taux global (toute presse) augmentant de 1 % en 2002 (Challenges, 28 août).

 Audiovisuel International. Grande Bretagne : BSKyB, bouquet de l’américain Murdoch (goupe News.Corp) ferraille contre la BBC. Murdoch ne cède rien de ses ambitions hégémoniques, encouragé par la remise en cause du service public, notamment par le gouvernement " travailliste " d’Anthony Blair. Détails de cette bataille caractéristique des desseins qui menacent le paysage audiovisuel international (en voie de dérégulation), dans Le Figaro Economie du 28 août.

 Le Canard Enchaîné. Malgré une hausse de 5 ,2 % de ses ventes, l’hebdomadaire satirique paraissant le mercredi et qui « ne prend aucune publicité », « accuse un recul de 6,6 %, à 5,53 millions d’euros de son bénéfice net comptable de son exercice 2002  », a noté Les Echos (27 août). Le Canard, qui publie ses comptes (dans l’édition du 27 août), ce qui est loin d’être le cas de la plupart des journaux, met en avant une progression de 5,2 % de ses ventes, avec une diffusion payée de 446 000 exemplaires, qui se partage entre 332 976 de vente NMPP, 48 814 d’abonnements, et 64 541 de vente aux compagnies aériennes [1].

 Tendances. Après le rétrécissement des formats (L’actualité des médias n°7) , les kiosques se transforment en hypermarché. Voici venu le « temps des magalogues », comprendre une « augmentation des pages shopping façon catalogue dans les magazines généralistes » annonce Le Figaro (26 août) qui lui non plus n’est pas avare de suppléments promotionnels (exemple, parmi tant d’autres : « Envies de luxe », en octobre 2002).

II. LES INFOS

 Culture Générale. CNN a confondu Mattei avec Raffarin, déplore Le Figaro (25 août). Et d’en rajouter une couche : « il est vrai que la chaîne confond allégrement la Suisse et la République Tchèque ».

 De l’allégeance à la Résistance. Il y a la BBC contre Blair dans l’affaire Kelly, en Angleterre. C’est maintenant aux Etats-Unis que, rapporte Télérama (27 août), « la presse retourne sa veste » : « d’une clémence avec leur président frisant l’allégeance depuis le 11 septembre 2001, les grands organes de presse américains ont en effet profité de ses vacances pour dégainer ».
Et désormais, la France, cf. Le Canard Enchaîné (20 août dans « coup de chaleur à Matignon » et le 27 dans « le rédacteur en chef de Matignon ») qui a salué (or, il n’est pas coutumier du fait ) le cas de France 2 et France 3 ayant résisté aux pressions du gouvernement qui voulait empêcher la diffusion d’un reportage dévalorisant son action lors de la canicule. Un gouvernement qui semble paniquer, si l’on en juge par « La lettre de menaces à l’Afp » envoyée par le patron du SIG (Service d’information du gouvernement) au PDG de l’agence : il critique ouvertement le sens d’une dépêche jugée défavorable (lire aussi Libération : « Raffarin rêve de médias policés », 27 août).

 Remplissage d’été. Basé sur un bulletin payant et émis par Bourse Anticipations, Le Figaro Economie du 16 août propose un article, même pas ironique, intitulé « mauvais thème astral pour la bourse ». Et pour justifier sa présence, cette accroche : « Insolite ».

 Crédibilité des médias. Mais tout cela ne va certainement pas changer grand chose. C’est moins la pression gouvernementale que le fonctionnement de nos médias vis-à-vis d’elle qu’il faut surveiller. D’ailleurs personne, et a priori pas le lecteur « sondé » ne semble dupé : « Français et Médias, une passion orageuse » titre Libération, au vu d’un sondage sur la crédibilité, l’indépendance et l’image des médias, aussi critiquable sur son sens (lire Nos objectifs et " Impact et /ou manipulation médiatique " dans L’actualité des médias n°6), sa qualité " scientifique " et sa valeur informative (lire L’arroseur arrosé : le "baromètre" sur les Français et les médias (1) et (2) et notre rubrique Sondologie et sondomanie), qu’inutile (perclu de « contradictions » s’étonne Libération). Evidemment, la presse quotidienne arrive en tête (41 % de crédibilité), suivie par la TV et la Radio (22 et 19 %). Ce qui rassure le quotidien qui a beau jeu de claironner « les sondés estiment être mieux informés » quand 89 % d’entre eux pensent que les médias « parlent globalement tous des mêmes sujets au même moment », et que 49 % jugent que les journalistes « ne sont pas indépendants »...

III. LES JOURNALISMES

 Nominations 1. A la direction du Figaro littéraire, un académicien en remplace un autre : Angelo Rinaldi (ex-L’Express et le Nouvel Observateur) succède à Jean-Marie Rouart (Le Figaro, 27 août). Lire Le Figaro méprise aussi sa rédaction.

 Nominations 2. André Bercoff est nommé conseiller de la direction de France-Soir pour mener une « mission d’information et d’audit ». Ses propositions sont attendues dans un mois, ce qui déjà beaucoup pour se faire une opinion sur ce journal. D’autant plus que l’éditorialiste vindicatif aura moins de travail à effectuer si le journal, qui n’a pas atteint ses objectifs, baisse sa pagination comme le dit la rumeur (Libération, 26 août). Ce qui est certain, c’est le licenciement de trois journalistes, après beaucoup d’autres.

 Liberté de la presse. A l’international, les choses sont autrement plus sérieuses. Exemple : Cuba. Reporters sans Frontières attire l’attention dans un « point de vue » publié dans La Tribune (27 août) sur le cas du journaliste cubain Raùl Rivero, emprisonné depuis le 20 mars à La Havane, « dans des conditions de détention inhumaines ». Motif : « articles ’’tendancieux ’’ ». Et l’Algérie. L’Humanité (27 août) indique que « le pouvoir algérien a entrepris un coup de force contre pas moins de six journaux, dont Le Matin, qui ont révélé une série de scandales éclaboussant le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, ses proches et son entourage  ».

IV. LES RESSOURCES

 Livres. Un cran au-dessus. Nos délits d’initiés, mes soupçons de citoyens de Guy Birenbaum (Stock). Nouvelle variante, « trash » semble-t-il, sur l’Omerta et les connivences, présentée ainsi par le mensuel Technikart (septembre) : « un brûlot sur le who’s who du politique et des médias. La cocaïne et les partouzes auront-elles raison de la Ve République  ?  ». Passé ce chapô bien accrocheur, des propos assez percutants sinon pertinents de l’auteur : « 90 % des journalistes politiques ne délivrent pas d’informations, mais participent à la communication des politiciens  ». Vu son parcours (notamment « conseiller occulte »), et ses fréquentations hétérogènes, il semble savoir de quoi il parle, même si son passé éditorial laisse craindre que l’opportunisme n’est pas absent de ce " coup ". Plus intéressant, le livre va-t-il être médiatisé, et comment ?

 Médias et mouvement social. « Les médias face aux grèves. Gardiens de l’ordre social » par Pierre Rimbert et Gilles Ballastre (Le Monde diplomatique, septembre). Lire notre rubrique Les médias et les mouvements sociaux.

 Mémoire. Faute de moyens pour le restaurer (il faut 70 millions d’euros), le patrimoine audiovisuel de l’INA (soient 500 000 heures de programme) est menacé de disparition. France Culture « a décidé de se mobiliser aux côtés de l’INA afin d’alerter l’opinion et les pouvoirs publics » (Le Figaro, 27 août ou, pour plus de détails, La Croix, 29 août).

 
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Notes

[1Les compagnies aériennes achètent des exemplaires de la plupart des quotidiens, hebdos et mensuels généralistes, à des tarifs (très) préférentiels. Dans une logique de " vérité des chiffres ", cela devrait conduire à dissocier cette " diffusion " à tarif réduit, sur une ligne à part, par rapport à la " diffusion payée ". Faute de quoi, il est fréquent que des journaux connaissant une baisse de la " diffusion payée " réelle s’arrangent, à court terme, pour augmenter le quota " compagnies aériennes " (note d’Acrimed).

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