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L’Écho républicain : la censure au secours de l’indépendance

par Philippe Monti,

Après avoir consciencieusement déformé les activités d’Attac et leur sens (Lire : « Les révélations et confidences de L’Echo Républicain sur Attac »), le quotidien beauceron rédige une « brève » venimeuse, qui lui vaut une demande de droit de réponse du Président d’Attac Eure-et-Loir. C’est une version caviardée de ce droit de réponse qui paraît dans L’Echo Républicain  : une censure dénoncée par Philippe Monti, au nom d’Attac 28 (Lire : « L’Echo Républicain et Attac : droit de réponse ou droit de censure ? » ) Et maintenant, la suite du feuilleton... (Acrimed).

Gilles Bornais, rédacteur en chef de L’Echo républicain, a écrit à Attac 28 pour justifier le caviardage du droit de réponse de l’association (publié dans l’édition datée des 4-5 octobre de ce journal). On y trouve deux arguments aussi « décapants » l’un que l’autre.

1/ Pour sauver l’indépendance de la presse, la « réalité » contre la loi ...

« Vos scrupules quant au respect des lois vous honorent. Ils se heurtent néanmoins à une réalité de notre métier : plus nous avons de lecteurs et moins nous sommes obligés de faire appel aux subsides de ce que vous appelez les « grands groupes industriels et financiers » publicitaires et autres ; et plus nous pouvons accéder à cette liberté à laquelle vous êtes attaché.
Malgré la qualité de votre texte, il nous a semblé que sa publication in extenso était de nature à contrarier l’attente et l’exigence de nos lecteurs. »

Résumons la construction déductive :
1/ Nous sommes attachés à notre indépendance.
2/ Or, plus nous avons de lecteurs, moins nous avons besoin de « subsides » (sic).
3/ Donc il nous faut privilégier les « attentes » et les « exigences » de nos lecteurs.
4/ Donc, si le respect de la loi sur le droit de réponse contredit l’attente (supposée) de nos lecteurs, c’est cette « attente » qui l’emporte sur la loi !
Et tout ça au nom du souci partagé de « l’indépendance » !

Notons d’abord que, selon la rédaction de L’Echo républicain, il entrait dans les attentes de ses lecteurs de voir Attac 28 violemment et sommairement attaquée et calomniée en septembre. En revanche, en octobre, le respect du droit de réponse n’entrait pas dans les exigences de ces mêmes lecteurs (qu’avec un zeste de mépris on nous dit, en passant, insensibles à la « qualité » des textes publiés !).

Plus généralement, nous sommes rassurés : dans la presse, l’indépendance n’est guère menacée, puisque là où il y a des propriétaires ou des actionnaires, le rédacteur en chef de L’Echo républicain ne voit que des « subsides », c’est-à-dire, dans la langue française, de simples aides financières !

Evidemment, notre observateur sagace de la réalité ne connaît pas de « grands groupes industriels et financiers », notion probablement inventée par les gauchistes qui rédigent Les Echos. Mais c’est quand même cette fine sagacité qui autorise notre ami de l’indépendance de la presse à censurer d’emblée tout ce dont il sait par avance et intuitivement que ça n’intéresse pas ses lecteurs...

Tout cela pour nous dire, sans sourciller, que dans le monde de la presse la « réalité » (que le journaliste du groupe Amaury perçoit sans doute mieux que tout le monde) l’emporte sur la loi. Il faut être bien certain de son impunité pour mépriser la loi avec une telle arrogance !

2/ L’indépendance de la presse n’est menacée que par de possibles rapports avec le pouvoir politique...


La suite du courrier est aussi croustillante :

« Je m’étonne enfin que vous puissiez citer Ignacio Ramonet (éminent rédacteur en chef au demeurant) éditorialiste d’un journal appartenant à un groupe de presse aussi important que controversé dans ses rapports avec le pouvoir. Des griefs qui n’ont jamais pu être formulés à l’encontre du groupe Amaury auquel appartient l’Echo Républicain. »

Là, on reste muet d’admiration : opposer les vertus du groupe Amaury aux turpitudes politiques du groupe Le Monde, en y dissolvant la ligne éditoriale du Monde diplomatique, il fallait oser !

On a de la peine à se retenir de rire. Une chose intéressante, cependant : selon Gilles Bornais, la seule menace qui pèserait sur l’indépendance de la presse est celle du « pouvoir ». On scotomise (voir le début de la lettre) l’existence de groupes industriels et financiers possédant les médias, mais on s’inquiète des rapports avec « le pouvoir ». Cela éclaire indirectement la véritable fonction de la fausse critique des médias et d’une certaine conception de la défense de l’indépendance de la presse (celle de RSF, par exemple) : focaliser toute l’attention sur les abus des pouvoirs politiques pour mieux occulter toute analyse des rapports de propriété dans les médias (et de leurs effets de dépendance, de connivence et de censure) : dénoncer « le pouvoir » pour mieux protéger les intérêts du capital. Un joyau de pensée libérale : l’Etat, c’est forcément le mal (dans la presse comme partout). La loi du marché, c’est forcément le bien et le bonheur (dans les médias comme ailleurs) ! Evidemment, si « le pouvoir » pactise avec les propriétaires et les actionnaires, alors il n’y a plus aucun problème et l’indépendance de la presse est nécessairement garantie !

Philippe Monti

 
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