[...] Entretien en « on » avec le journaliste britannique Paul Webster, 65 ans, qui a dirigé le bureau parisien du quotidien de gauche The Guardian de 1974 à 1999, auteur de Mitterrand : l’autre histoire, 1945-1995, aujourd’hui correspondant de l’hebdomadaire The Observer.
Que pensez-vous du livre de Daniel Carton ?
Ma première réaction est celle d’un journaliste. Pourquoi n’a-t-il pas raconté tout ça quand il était encore en poste dans un journal ? Quand on est détenteur d’informations, ce n’est pas une fois à la retraite qu’il faut les sortir ! Je sais, c’est sévère...
A-t-il raison d’épingler les journalistes politiques français ?
Je crois qu’il y a de vraies questions à se poser sur la façon dont ils s’abritent derrière la protection de la vie privée pour ne pas révéler certaines informations. [...]
Y a-t-il aussi une conception différente du journalisme ?
[...] Nous avons, nous autres Anglo-Saxons, l’idée très ancrée que nous sommes des empêcheurs de tourner en rond. Même dans les petits journaux province, on se fait un point d’honneur à chercher si le maire n’a pas trop dépensé pour une salle des fêtes, par exemple. Alors que prenez les journaux de province français : ils sont surtout très fort sur le programme de la salle des fêtes ! [...] En France, c’est différent. Pour être bien vu, et y compris des lecteurs, me semble-t-il, il faut être chroniqueur ou éditorialiste, analyser et débattre ! Ce n’est pas le journaliste de terrain qui a les honneurs. Je suis d’ailleurs très étonné tous les matins, quand j’écoute les revues de presse à la radio où sont cités toute une ribambelle d’éditorialistes de journaux de province. Tous ces gens qui parlent comme des papes sur la politique américaine, derrière leurs bureaux, en compilant les autres journaux du jour ! Ces journalistes feraient mieux d’écrire sur les scandales locaux. [...]
Vous avez publié un livre sur Mitterrand en 1995, était-ce si difficile d’enquêter sur lui ?
En 1994, j’ai décidé d’aller faire une enquête sur Mitterrand dans la Nièvre. Là-bas, tout le monde savait tout , depuis 1946 - dès sa première campagne législative dans le département -, sur ses relations avec Bousquet, sur son antimarxisme, la francisque... Aux archives départementales, il y avait ses « professions de foi » de candidat à la députation. Tout. N’importe quel journaliste aurait très tôt pu y trouver les « vraies » informations. En fait, sur Mitterrand, le Canard enchaîné a fait sortir ce qu’il fallait, l’Humanité aussi. Mais ça n’a pas été repris. Pas plus que les informations sur sa maladie révélées dès 1981 par Paris-Match. Les journalistes français ont vraiment été très complices avec lui. Il a fallu attendre la fin de sa vie, et notamment le livre de Pierre Péan en 1994, pour que ça sorte. [...]
Vos journalistes politiques seraient donc tout beaux tout roses ?
Nous avons des journalistes qui suivent le Parlement, le lobby. Ceux-là sont de vrais godillots, vivent là en permanence, pratiquent le off... On les critique beaucoup. Franchement, c’est honteux d’être lèche-cul avec des hommes politiques. Je dois cependant admettre que, chez nous, la plupart des journaux appartiennent à des industriels de droite, comme Rupert Murdoch par exemple. [...]
Par Catherine Mallaval
Lire tout l’entretien (lien périmé, 2008)
Pour attester des errements de la presse française dont témoigne Daniel Carton, la reporter de Libération a dû convoquer un journaliste britannique, plutôt que de mener l’enquête sur place... Il est vrai que dans Libération, Jean-Michel Thénard, journaliste politique, devenu directeur adjoint, avait déjà réglé son compte à cet ancien confère. Lire ici même "Bien entendu... c’est off. " Un bla-bla de "Libération"(Commentaire d’Acrimed).
Actualisation du 3 mars 2004.
Paul Webster est mort le 27 février 2004 à 67 ans d’une crise cardiaque. Correspondant en France du quotidien anglais The Gardian puis, plus récemment, de The Observer (voir Libération et le costard de Jospin), il est l’auteur de livres remarqués sur la France de Vichy, sur François Mitterrand, et sur Saint-Exupéry. Annonçant le décès dans son édition du 3 mars, Libération signale de façon elliptique que Webster était " intimement convaincu que le journaliste se devait de ne jamais être "un lèche-cul" - particulièrement avec les hommes politiques", sans renvoyer à ses propos de janvier 2003 dans Libération.
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"Bien entendu... c’est off". Extraits.
"Bien entendu... c’est off". Extraits (2).
"Bien entendu... c’est off". Un bla-bla de "Libération".