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Quand BHL menace...

par Patrick Lemaire,

La France entière (au moins) retient son souffle. Dans quelques semaines, on saura tout sur Béachelle. Pas moins de trois livres sont en préparation sur le " philosophe " le plus familier, sinon de la philosophie, du moins des médias. Du coup, depuis quelques mois, le romanquêteur fait feu de tout bois, et multiplie les " tirs préventifs ", fort de l’arsenal dont il dispose, de plateaux de télévision en salles de rédaction. Morceaux choisis d’une polémique très parisienne, en deux actes [1].

1er acte.
" J’ai l’air policé, mais au fond je suis violent ". C’est le titre d’une interview donnée par Bernard-Henri Lévy à VSD (13-18 mai 2004).

L’hebdo plante le décor. " Bernard-Henri Lévy est à cran. Arielle Dombasle et lui sont contraints d’occuper une suite à l’hôtel Montalembert : leur appartement de 400 mètres carrés du boulevard Saint-Germain, à Paris, est en travaux. Plus grave : lors de sa dernière tournée américaine, il s’est senti vexé (sic). Seulement trois cents personnes ont assisté à la conférence qu’il a donnée à la New York University. Et le pire est à venir. Trois biographies le concernant sont en cours d’écriture. Celle du tandem Olivier Toscer/Nicolas Beau et celle de Philippe Cohen le rendent furieux. La parution de Récidives (Grasset, 24 euros), un recueil de ses multiples interventions, est annoncée comme une première riposte à ces enquêteurs. "

VSD, après avoir distillé quelques éléments peu connus de la biographie d’" un héritier milliardaire, un excellent homme d’affaires et de réseau, doté d’une ambition extrême ", donne la parole à la défense (dans un inhabituel souci d’équilibre...).
" Bernard-Henri Lévy répond à ses détracteurs en toute sincérité ", prévient le surtitre... Et, si l’on n’avait pas compris la solennité des déclarations béhacheliennes, le chapô de l’interview a valeur d’avertissement : " Bernard-Henri Lévy est un homme pour qui les mots comptent. Il ne cesse de ponctuer l’entretien de “on” et de “off”, relit et amende ses propos, rappelle pour préciser des informations. "
Le romanquêteur regretterait-il ses approximations passées ? [2]

VSD. Trois projets de biographie vous concernant sont en cours et vous accablent. Pourquoi ?
BHL. Il n’est pas agréable de savoir qu’il y a trois types en train de fouiller dans votre vie privée, votre passé, celui de vos proches. Surtout quand on connaît les méthodes pour le moins légères de l’un au moins des trois, Philippe Cohen, qui s’est illustré avec son livre La Face cachée du " Monde "... [3]
(...)
VSD. Dans son roman " Rien de grave ", votre fille Justine a ouvert la porte de votre vie familiale... Les noms ont été changés, mais on reconnaît au travers des personnages, Raphaël Enthoven - ex-mari de Justine et fils de votre ami Jean-Paul Enthoven - et son épouse Carla Bruni...
BHL. Vous vous trompez. Son livre est un livre d’écrivain. Comme tous les écrivains du monde, elle s’est servie des matériaux de sa vie pour fabriquer une fiction.

Il aurait été étonnant que l’attaché de presse n°1 de l’ " œuvre " de Justine Lévy ne reprenne pas fidèlement l’invraisemblable plaidoyer développé avec obstination par Josyane Savigneau dans Le Monde [4]...
(...)
VSD. Vous avez dit que vous pourriez tuer quelqu’un.
BHL. Je suis quelqu’un de policé dans mes relations avec le monde, mais je suis secrètement violent. (" le monde " écrit sans majuscules...)

2e acte.
" La traque au BHL ", titre Technikart (juillet 2004), qui, dans son style inimitable, a la bonne idée de poser en parallèle les mêmes huit questions [5] aux auteurs des trois livres annoncés : Philippe Cohen, " le bull-terrier " ; Nicolas Beau et Olivier Toscer, " les pitbulls " ; Philippe Boggio, " le cocker ".

Au préalable, la presse accueillant en été des " jeux-tests " d’une facilité démagogique, devinette :
Sachant que 1/ trois livres sont préparés par quatre auteurs, et que 2/ dans VSD, BHL ne trouve " pas agréable de savoir qu’il y a trois types en train de fouiller "... quel est l’auteur dont le travail pourrait ne pas être désagréable pour BHL ? (deux indices flagrants figurent dans ce qui précède).

Mais penchons-nous sur quelques réponses données au questionnaire de Technikart :
Technikart. Le BHL rend-il parano ?
Philippe Cohen. Aucune précaution particulière.
Nicolas Beau. Je fais très attention au téléphone. Il est suffisamment ami avec des gens qui ont le pouvoir de contrôler les communications. Autre précaution : tenir secret le nom de notre éditeur, pour des raisons de tranquillité. Quand BHL veut savoir quelque chose, il ne passe pas un coup de fil mais mille.
Philippe Boggio. Non, contrairement à d’autres, j’essaye de ne pas virer parano. A mon avis, il s’en fout un peu de tous ces bouquins.

Avez-vous essayé de rencontrer le BHL ?
Ph. Cohen. Je lui ai envoyé trois lettres, sans réponse.
N. Beau et O. Toscer. On est en train d’essayer.
Ph. Boggio. Pas encore.

Avez-vous peur du BHL ?
Ph. Cohen. Il dit des horreurs sur moi et il y a eu ce papier dans VSD que j’ai dû cacher à ma mère où il dit qu’il est " secrètement violent " et où il commence par parler de moi...
O. Toscer. Je pense qu’il est capable de me casser la gueule.
N. Beau. Pfff... Avec mon livre sur Pasqua, j’en sui à dix-sept procès, alors...
Ph. Boggio. Il est quand même ceinture noire de judo... Non, franchement, je crois que ça va surtout lui faire une pub énorme. Il doit déjà être en train de préparer un bouquin sur sa vie.

Une question est posée uniquement à Philippe Cohen, particulièrement opportune après les propos de BHL dénigrant Cohen dans VSD...
Qu’est-ce qui vous fait courir ?
Ph. Cohen. J’ai écrit La Face cachée du Monde avec Péan, mais je crois que, dans le milieu journalistique, tout le monde se dit que Péan a fait le travail d’enquête, et que Cohen, c’est l’idéologie. Ce coup-ci, je fais une enquête tout seul ! [6]

Soutien sans faille de l’actuelle direction du Monde, BHL a d’emblée choisi de lier son sort à celui des dirigeants du quotidien. Dans Le Point (10 juin), il concluait ainsi sa chronique : " Je n’aimerais pas être à la place des auteurs le jour où ils tenteront de nous refaire le coup en nous vendant, sur le même ton, leur prochaine ”face cachée” "... [7]. Un pari risqué...

Technikart donne lui aussi la parole à l’intéressé, Bernard-Henri Lévy. De cette interview (titrée " Même pas peur "...), on ne retiendra que la réponse à la question
Mais avec tous vos copains dans l’édition, vous pourriez les empêcher d’être publiés... (les livres qui lui sont consacrés)
BHL. Ce serait un trop mauvais service à rendre aux dits copains. Et trop de publicité pour ces gens.

Ainsi, Bernard-Henri Lévy, le héraut des libertés planétaires, non seulement ne nie pas qu’il aurait le pouvoir de faire interdire la parution d’écrits qui pourraient le déranger, mais encore ne s’élève pas contre le principe même de la censure...

 
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Notes

[5" Pourquoi le BHL, pourquoi maintenant ? "
" Qu’est-ce qui énerve chez le BHL ? "
" Le BHL rend-il parano ? "
" Le BHL cherche-t-il à nuire à l’enquête ? "
" Le BHL a-t-il des raisons d’être inquiet ? "
" Avez-vous cherché à rencontrer le BHL ? "
" Avez-vous peur du BHL ? "
" Combien ça coûte une traque au BHL ? "
Question posée uniquement à Philippe Cohen : " Qu’est-ce qui vous fait courir ? "

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