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Larzac 2003

Larzac 2003 : bavures de presse hebdomadaire

par Henri Maler,

La hauteur de vue de quelques journalistes, à la hauteur de l’importance du rassemblement...

Dans Paris Match

Dans Paris Match du 9 août 2003, on pouvait lire, sous la plume d’Elisabeth Lévy, parfois mieux inspirée, un article préventif, rédigé avant le rassemblement et destiné à nous faire savoir ce qu’il convient d’en penser avant qu’il ne se tienne et sans qu’il soit nécessaire de s’y rendre.

Titre : « Larsac : les archéos sur un plateau ».

Quelques extraits qui se passent de commentaires :

« Fraîchement libéré, José Bové devrait pérorer ce week-end sur le "causse mythique", où les vieux babas de 1973 et leurs héritiers se retrouvent pour fêter les trente ans du Larzac. Comme si le temps s’était arrêté... (...) A les entendre ânonner les mêmes slogans, se gargariser des mêmes joyeuses certitudes, piétiner la complexité du monde avec la même autosatisfaction qu’il y a trente ans, on a pourtant le sentiment qu’eux aussi ont réussi à se persuader qu’on pouvait arrêter le temps. Le plus effrayant est qu’ils semblent, à certains égards, y être parvenus. Larzac 2003 accomplit toutes les promesses de Larzac 1973. Après tout, il n’est pas surprenant que la révolution tourne en rond. (...) »

Après avoir évoqué sur le même ton le rassemblement de 1973, Elisabeth Lévy évoque celui de l’été 1978 : « Celle-ci [la manifestation] a alors déjà aussi peu à voir avec la lutte paysanne, respectable au demeurant, menée contre l’extension du camp militaire, que la grand-messe célébrée ces jours-ci sur le causse désormais mythique ; peut-être pourrait-on le rebaptiser le « causse toujours »... »

Et ça continue : « Larzac 2003 permettra aux luttants de toutes obédiences de ne pas se séparer trop vite, comme les derniers jours d’une « jolie colonie de vacances », ceux durant lesquels on échange adresses et serments. (...) « 

Après « causses toujours », un nouveau jeu de mots pour banquet d’éditorialistes : « Gauchistes ? Libertaires ? Alterophiles, puisque désormais leur credo est l’autre : l’autre monde, l’autre mondialisation, l’autre agriculture, cet « autre » qui n’est pas encore advenu et qu’il faut conquérir contre les forces du mal. »

Bref : « Rien de nouveau en somme, si ce n’est que le monde a changé. Les révolutionnaires de 2003 ressemblent au canard à la tête coupée qui continue à courir sur sa lancée au-dessus du précipice. »

Et encore : en 1973, « L’engagement n’est pas encore un divertissement. ». Ce qu’il est devenu manifestement depuis...

Tout cela pour conclure, avec l’inévitable mention du nom de Bourdieu : « Point n’est besoin, pourtant, de lire Bourdieu pour souscrire aux généreux mots d’ordre réclamant « un monde plus juste », (...) Seulement on ne peut guère espérer fonder un tel monde sur l’accroissement indéfini « des droits à conquérir, des droits à acquérir », l’un des thèmes retenus par les organisateurs de Larzac 2003. Ce monde merveilleux ne naîtra pas non plus par enchantement de la disparition de toute autorité ardemment souhaitée par tous ceux qui applaudissent à la victoire remportée par José Bové sur les institutions.  »

Voilà qui témoigne d’une vaste connaissance des idées que l’on invente à partir de quelques lambeaux de phrases. Voilà comment on peut offrir à ses lecteurs une vaste connaissance de l’événement dont on parle sans même avoir besoin d’y assister.

Dans Le Point

Le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy, dans Le Point daté du 15 août 2003, n’est pas mal non plus.

BHL-moi-je commence par rappeler ce que BHL-moi-je a dit : « J’ai dit », « J’ai dit ». Mais qu’est-ce qu’il a dit ?

« J’ai dit ici même, il y a deux ans, et à cette date, les réflexions contradictoires que m’inspirait le développement du courant altermondialiste. J’ai dit - et je n’en retire, bien entendu, rien - que, si tel ou tel aspect de son idéologie me semblait appeler d’expresses réserves, je me sentais d’accord, en revanche, avec nombre de ses buts affichés (...) »

Mais BHL-moi-je prend ses distances, au risque, on s’en doute, que cette défection soit lourde de conséquences. Un BHL de moins, c’ est un mouvement qui menace de s’effondrer. Et cela donne :

« Reste que deux ans, justement, ont passé et que le mouvement, loin d’avoir mis à profit ces deux années pour réfléchir, avancer, gagner en maturité, trouver peut-être des réponses aux questions qu’il se posait et se débarrasser, pour cela, de ses idées toutes faites, semble, comme on vient de le voir lors du rassemblement « Larzac 2003 », persévérer au contraire dans ce que son discours et ses pratiques pouvaient avoir de plus inquiétant. »

Et BHL de citer deux ou trois exemples « inquiétants », piqués dans la presse, pour s’indigner de ce « Barnum de la contestation » (BHL dixit) qui « a choisi de se placer sous le signe de l’infantilisme politique, de la démagogie populiste la plus débridée et, en guise de main tendue aux déshérités de la planète, d’un narcissisme communautaire qui, parfois, frisa l’obscène. ».

Encore un journaliste de terrain qui ne fréquente que les articles de ses confrères.

Mais qu’importe. C’est que voyez-vous, « les altermondialistes, en réalité, sont plus que jamais à la croisée des chemins. » Résumons : ou bien, ils se rallient au panache blanc de BHL ou bien ils s’obstinent à être ce qu’ils sont et « ils ne serviront, pour l’heure, qu’à accélérer encore un peu plus la décomposition du politique et la montée des extrémismes qui va toujours avec ».

Dans L’Express

 Dans L’Express du 14 août 2003, on pouvait lire un articulet signé « D.J. » et intitulé, avec finesse, « Le Justicier des Causses perdu ».

Et comme un jeu de mots en appelle un autre et que la personnalisation médiatique permet à n’importe quel journaliste d’ afficher sa superbe, l’article commence ainsi :

« La politique a, désormais son OGM : le succès du rassemblement des altermondialistes (...) fait de José Bové l’Organisateur du Grand Mécontentement [OGM : ouaf ! ouaf ! ] en France ». En effet, peut on lire quelques lignes plus loin, « il a réussi le tour de force (...) de mobiliser ses troupes altermondialistes ». José Bové et « ses troupes »... Qui nous dira à quel troupeau appartiennent des journalistes qui « pensent » et écrivent ainsi ?

 Heureusement, dans le même numéro de L’Express, Jacques Attali, chroniqueur maison (entre autres choses...), s’ébroue. Il tient - qu’il place sous le titre « Une mondialisation rêvée » - un sujet à sa mesure : les championnats du monde d’athlétisme. Dispensé de concourir, il nous offre en guise de mise en jambes, cette introduction :

« Alors que, sur le plateau du Larzac, écrasé par une canicule qui aurait dû être le principal sujet de préoccupation des manifestants, l’ « altermondialisation » est restée un joli néologisme vide de contenu, voici que s’annonce ... » ... les championnats du monde d’athlétisme.

Dans Le Nouvel Observateur

Claude Askolovitch, comme on peut le lire ici même sous le titre « Le Nouvel Observateur de l’altermondialisme et de l’antisémitisme » a tiré du rassemblement du Larzac des leçons empreintes d’une grande modération.

Au point que l’on avait oublié de citer cette trouvaille - que l’on peu découvrir dans son article « Larzac : les Pélerins de « L’autre monde » » :

« L’altermondialisme est l’étrange aboutissement d’une mouvance qui a nourri la gauche. La deuxième gauche, celle de Rocard et de la CFDT, qui refusait de mettre toutes ses billes dans la conquête du pouvoir d’Etat, a fini par se réincarner, pure jusqu’à la caricature, dans le Larzac de Bové !  ».

Les voies de cette réincarnation ne sont connues que du seul Askolovitch...

Henri Maler

 
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