Du côté des journalistes, des éditocrates et de leurs œuvres
- Michel Cymes : aveu ou coup de pub ? – Dans un entretien paru dans Le Monde, le très médiatique expert santé Michel Cymes a esquissé une forme de mea culpa au sujet de ses prises de position douteuses sur la crise sanitaire du coronavirus : « Je me suis rendu compte que, depuis un an, je n’avais jamais dit “je ne sais pas” au public. On m’a toujours payé pour être l’expert qui sait et explique, ce qui fait que le jour où je me suis rendu compte que je ne savais pas, j’ai quand même fait comme si je savais. [...] Sur le Covid, je n’ai pas été à la hauteur de la confiance que les gens m’accordent. » L’excuse est bienvenue, compte tenu de ses déclarations à l’emporte-pièce (nous les avions alors relevées dans un article [2]). Le lendemain de la diffusion de cet « entretien vérité », Michel Cymes annonce qu’il sera à la tête d’une nouvelle émission sur France 2, intitulée Antidote. L’occasion de mieux faire ? On peut en douter : deux jours après son « repentir », Michel Cymes est accusé de plagiat. Il aurait recyclé un billet de blog du journaliste scientifique Marc Gozlan pour son émission radio sur RTL. Devant l’évidence des faits, Michel Cymes a dû une nouvelle fois présenter publiquement ses excuses. Ad lib ?
- Taha Bouhafs porte plainte contre Éric Zemmour et CNews – Le journaliste du Média Taha Bouhafs a porté plainte contre l’éditorialiste d’extrême droite Éric Zemmour pour injure publique, lui reprochant de l’avoir qualifié publiquement de « militant islamiste » dans son émission « Face à l’info » (CNews). D’après l’avocat de Taha Bouhafs, « ces propos ne peuvent que renvoyer à la vague d’attentats commis dans les semaines précédant la diffusion de l’émission ». Selon Pure médias, « la plainte vise aussi un responsable de CNews, en tant que directeur de la publication du site internet de la chaîne. » Une nouvelle condamnation en perspective pour l’indéboulonnable militant d’extrême droite ?
- Ruth Elkrief quitte BFM-TV – La présentatrice et éditocrate Ruth Elkrief quitte BFM-TV, après 15 ans de bons et loyaux service (qui lui auront parfois valu un article de notre part [3]). D’après Le Parisien, la raison serait double : « La frustration depuis la rentrée d’avoir été écartée du 19 heures de BFM-TV, en raison des mauvaises audiences de la tranche. Elle a notamment pâti de l’arrivée sur CNews d’Éric Zemmour, dont le rendez-vous quotidien est devenu le pic d’audience des chaînes infos. » Le Parisien indique par ailleurs que Ruth Elkrief préparerait peut-être sa candidature à la présidence de la chaîne Public Sénat. Une information non confirmée par La Lettre A, qui ne la compte pas parmi les candidatures déclarées. À suivre...
- Le Figaro met l’accent sur les faits divers – Depuis le 11 janvier, une petite équipe de cinq personnes rédige et publie des articles de faits divers sur le site web du quotidien Le Figaro. D’après Le Monde, la création d’une telle « cellule » n’est pas passée inaperçue au sein de la rédaction : lors du comité social et économique du 26 janvier, les élus du personnel ont vivement protesté. La direction du Figaro s’est justifiée en disant vouloir expérimenter de nouvelles techniques pour augmenter ses abonnements en ligne. Mais au vu du calendrier, certains salariés du journal, cités par Le Monde, évoquent une opération politique : « Développer la couverture des faits divers à dix-huit mois d’une élection présidentielle, cela n’a rien d’anodin [...]. Ces sujets-là, c’est vraiment "La France a peur" ». Les faits divers, et leurs (més)usages médiatiques, semblent encore avoir de beaux jours devant eux...
Du côté des entreprises médiatiques et de leurs propriétaires
- Google poursuit son bras de fer contre la presse française – Seize milliards d’euros : c’est le montant de l’amende à laquelle s’expose Google selon 20 minutes. En cause : « N’avoir pas respecté l’injonction qui lui a été faite en avril de négocier "de bonne foi" avec les éditeurs et agences de presse au titre du "droit voisin". » Les droits voisins, c’est-à-dire un paiement au titre d’un droit similaire au droit d’auteur mais pour la presse, sont en effet imposés depuis 2019 aux grandes plateformes numériques. Depuis, Google a engagé un bras de fer permanent pour rémunérer le moins possible les journaux. Le risque d’être soumis à une amende de 16 milliards a manifestement fait réfléchir l’entreprise. Alphabet, la maison-mère de Google, propose désormais à l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) « le versement par Google de 10 millions de dollars en échange duquel [l’APIG] s’engage à mettre fin à tout litige, actuel ou futur, concernant les droits voisins sur une durée de trois ans » selon BFM-TV. Une nouvelle preuve de la volonté de Google de ne pas respecter le cadre légal des droits voisins.
- C8 à nouveau condamné par le CSA – Ce n’est pas la première fois, ni probablement la dernière. D’après France 24, « le Conseil supérieur de l’audiovisuel a mis en demeure C8 de respecter les règles sur le parrainage par les marques, après que son animateur vedette Cyril Hanouna avait promu sur son antenne la compagnie aérienne fantôme Skyline Airways, sans préciser clairement la nature de leur partenariat. » Une décision qui, précise France 24, peut en cas de récidive exposer « C8 à une sanction qui peut aller d’une amende à une suspension de la diffusion d’un programme, en passant par une privation temporaire de publicité. » La chaîne de Vincent Bolloré n’a cependant pas de quoi être inquiète : face aux frasques des médias, le CSA est plus connu pour sa grande tolérance que pour son impitoyable sévérité.
- France Soir ciblé par le gouvernement – France Soir est-il encore un journal d’information politique et générale ? En octobre 2019, quand l’intégralité des journalistes de la rédaction de France Soir est licenciée, la question ne s’est pas posée au ministère de la Culture. Mais depuis que le site a publié, en janvier 2021, un appel à renverser Emmanuel Macron, la question est alors devenue urgente. C’est en effet ce texte, d’après le Huffington post, qui a conduit la ministre de la Culture Roselyne Bachelot à demander un réexamen du certificat d’information politique et générale accordé au journal. Un fait du prince, et un signe supplémentaire du rapport « intéressé » qu’entretient le gouvernement français avec la presse, lui qui a l’habitude de l’attaquer violemment depuis 2017.
- Altice rachète des télés locales en région Paca – Altice, l’entreprise possédant BFM-TV vient de racheter les télévisions locales Azur TV, Var Azur et Provence Azur. D’après 20 Minutes, l’objectif affiché est de concurrencer les antennes régionales de France 3 en région Paca, en développant des antennes locales de BFM-TV. Altice possèderait désormais un réseau très complet dans cette région : « Après le lancement de BFM DICI dans les Alpes de Haute-Provence et les Hautes-Alpes prévu en mars prochain, cette acquisition vient assurer une couverture quasi complète des autres départements de la Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur par les chaînes BFM : Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse. »
- Plans sociaux chez 60 millions de consommateurs et Euronews – Le magazine 60 millions de consommateurs risque de perdre entre 7 et 11 salariés. En cause, d’après Le Monde, les baisses de subvention couplées à celles des ventes. De son côté, la chaîne d’info en continu européenne Euronews risque de perdre 68 salariés sur 500, selon un autre article du Monde. Les problèmes financiers de la chaîne ne datent pas d’hier : cette dernière « a dû recourir à un premier plan social en 2017 avec la suppression de 90 postes ». Si la crise du coronavirus n’a pas aidé sur le plan des recettes, la Commission européenne ne compte pas non plus y mettre du sien : selon La Lettre A, l’institution a en effet « déjà informé la direction de la chaîne [...] que le montant [du partenariat en cours de renouvellement] sera inférieur à la subvention actuelle de 25 millions d’euros par an. » En réaction à l’annonce des licenciements, « plusieurs syndicats, SNJ, CFE-CGC, SNRT-CGT et SNJ-CGT, des salariés d’Euronews se sont mis en grève [l]e mardi 9 février » relate Lyon Capitale.
Du côté des publications sur les médias
Note : cette rubrique ne constitue pas une sélection, mais recense les ouvrages parus dans le mois sur la question des médias, qu’il s’agisse de bonnes ou de moins bonnes lectures.
- Cagé (Julia) et Huet (Benoît), L’Information est un bien public. Refonder la propriété des médias, Seuil, février 2021, 264 p., 15 euros.
- Colon (David), Propagande. La manipulation de masse dans le monde contemporain, Flammarion, février 2021, 448 p., 12 euros.
- Mougeotte (Étienne), Pouvoirs, Calmann-Levy, février 2021, 342 p., 18,90 euros.
- Pernaut (Jean-Pierre), 33 ans avec vous, Michel Lafon, février 2021, 280 p., 18,95 euros.
- Robert (Anne-Cécile), Dernières nouvelles du mensonge, Lux, février 2021, 224 p., 14 euros.
Jérémie Fabre et Benjamin Lagues, grâce au travail d’observation collective des adhérentes et adhérents d’Acrimed