Mercredi 13 avril 2016, une décision de l’Inspection du travail annulait le licenciement pour faute grave de Belinda Hafir, déléguée syndicale CGT du centre d’appels Webhelp, et ordonnait sa réintégration dans son poste dès le lendemain.
Des salariés de l’entreprise en question sont par ailleurs en grève, depuis le 8 avril, pour une revalorisation des salaires et une amélioration des conditions de travail.
Mercredi 13 avril, laquelle de ces deux informations a-t-elle suscité la rédaction d’une brève, publiée sur le site internet du Parisien ? Aucune. Sans doute n’y avait-il pas matière. Non, ce que Le Parisien choisit de traiter, c’est le lien entre les deux, lien qu’il a établi tout seul comme un grand journal. Et il est vrai que c’est cocasse :

Ce que ne saura pas le lecteur de cette brève [1], c’est que Belinda Hafir avait « mené » un premier mouvement de grève en décembre 2015, et que son licenciement pour faute grave est intervenu deux mois plus tard, la direction l’accusant d’avoir consulté le dossier personnel d’une cliente, provoquant une mobilisation récurrente de salariés dénonçant un « dossier monté de toutes pièces » pour se débarrasser d’une déléguée syndicale trop remuante.
On ne peut pourtant reprocher au Parisien de ne pas avoir suivi ces événements. Au moins par le biais de brèves, il a signalé le premier mouvement de grève, le second, et surtout s’est beaucoup intéressé au sort de cette « salariée protégée » :
Mais alors, pourquoi ne pas angler simplement sur la décision – attendue – de l’Inspection du travail ? Puisque Le Parisien nous informait, le 5 avril que « Bélinda Hafir, salariée protégée chez Webhelp, dans la ZAC de Mercières à Lacroix-Saint-Ouen, devra encore patienter pour savoir si elle est licenciée et si discrimination syndicale il y a eu », pourquoi ne pas titrer : « Lacroix-Saint-Ouen : l’Inspection du travail confirme la discrimination syndicale » ?
D’autant que Belinda Hafir n’a pas attendu le jour de sa réintégration pour être « déjà en grève » : elle se trouvait aux côtés de ses collègues le jour de la décision, et les jours précédents [2] – marque de solidarité qui n’a rien d’extraordinaire (mais qui l’honore) venant d’une déléguée syndicale. Aurait-elle dû briser le mouvement une fois réintégrée ? C’est ce que semble suggérer ce titre relevant au mieux d’une maladresse involontaire, et qui n’en illustre pas moins les réflexes anti-syndicaux en vigueur dans les médias dominants.
Léon Ben David et Olivier Poche