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EN BREF

Prix du livre politique : le microcosme médiatique s’auto-consacre

par Benjamin Lagues,

Des éditocrates consacrent une fois de plus l’un des leurs.

Le prix du livre politique est un concours organisé chaque année par l’association « Lire la société ». L’objectif de cette association ? « Raviver l’intérêt pour la chose publique » et « promouvoir le débat contradictoire » [1]
.

Pour atteindre ce noble but, les membres de l’association ont été choisis dans le microcosme médiatique et politique : des éditocrates, des sondeurs, des intellectuels médiatiques, des hauts-fonctionnaires et des parlementaires [2], sans oublier le directeur de Science Po Paris. Mieux, les présidents de « Lire la société » incarnent également la préoccupation de « promouvoir le débat contradictoire » : Marc Ladreit de la Charrière, milliardaire et président de la désormais célèbre Revue des deux mondes et Louis Schweitzer, président d’honneur de Renault. La liste complète est disponible ici.

Bref, un beau mariage entre deux microcosmes, politique et médiatique, qui semblent très bien s’entendre quand il s’agit de consacrer les pensées autorisées [3].

Quant au jury de l’édition 2017 du prix du livre politique, il est composé en grande majorité d’éditorialistes ou journalistes politiques (Laurent Joffrin, Yves Thréard, Françoise Fressoz, etc.) et d’un sondeur. La liste complète est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. La voici :



Préoccupé, donc, de « promouvoir le débat contradictoire », ce noble aréopage d’experts médiatiques ne pouvait que distinguer un auteur peu entendu dans les médias traditionnels, porteur d’idées nouvelles ! Surprise : c’est Brice Teinturier, sondeur omniprésent dans les médias que dirigent les membres du jury, qui a été primé. Qu’un autre vainqueur eut été désigné n’aurait cependant rien changé car les trois finalistes ne brillaient pas par leur diversité. Qu’on en juge : un membre de l’équipe de campagne d’Alain Juppé (Gilles Boyer), l’auteure d’un portait de Claude Perdriel [4](Marie-Dominique Lelièvre) et un sondeur (Brice Teinturier).

C’est ainsi qu’une fois de plus, le microcosme médiatique s’auto-consacre. Une fois de plus ? Oui : en 2016, c’est l’invisible médiatique Alain Minc qui a été choisi. En 2015, Béatrice Gurrey, une des cheffes du quotidien alternatif Le Monde. En 2014, Frédéric Mitterrand, un marginal médiatique. En 2013, Bruno Le Maire, ministre et député inconnu au bataillon. Etc.

La bouffonnerie a ses limites : l’association « Lire la société » nous a assurés que Brice Teinturier, bien que membre du jury de l’édition 2017, n’a pas pris part au vote ni aux débats préalables. Cette élégance minimale ne change cependant rien à l’affaire : les éditocrates ont consacré un auteur qu’ils croisent au quotidien dans les matinales radio et les émissions de télévision. Ils ont consacré l’un des leurs, prouvant une fois de plus que le microcosme médiatique tourne en rond dans son bocal, brassant éternellement les mêmes idées… et excluant les autres.


Benjamin Lagues

 
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Notes

[1C’est cette même association qui organise l’attribution du prix du livre économique, reçu cette année par François Lenglet, comme nous l’avions relevé.

[2Entre autres : Bruno Le Roux, Dominique Reynié, Jean-Pierre Chevènement, Stéphane Rozès, Aurélie Filippetti…

[3Par microcosme médiatique, nous entendons seulement les quelques éditocrates, économistes et sondeurs qui parcourent les plateaux télé et radio ; pas les milliers de journalistes produisant l’information qui permet à ces éditocrates de bavarder sur tous les plateaux.

[4Et non une journaliste politique comme nous l’avions initialement écrit, bien qu’elle collabore ou ait collaboré à des titres comme Marianne, l’Express et Libération. (révision du 23 mars 2017)

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