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Luc Ferry ou la constante normalisation de Marine Le Pen

par Maxime Friot,

« Je pense pas du tout que Marine Le Pen soit raciste, je pense qu’elle est absolument pas antisémite. » Ainsi parlait Luc Ferry le 10 avril 2023, sur LCI. Rebelote ce 2 janvier, sur CNews-Europe 1 : « Je la connais un peu, je sais très bien qu’elle n’est ni raciste ni antisémite » ; puis, le lendemain, sur RTL : « Elle n’est ni raciste ni antisémite ».

Depuis quelques années, et particulièrement depuis quelques mois, une petite musique se diffuse sur les plateaux : « Le Pen ne fait plus peur ». Le philosophe médiatique et ex-ministre Luc Ferry n’est pas le dernier à jouer (et rejouer) sa partition :

Moi, je suis pas sectaire, je ne pense pas que Marine Le Pen soit fasciste. Je la connais un peu, je sais très bien qu’elle n’est ni raciste ni antisémite, je suis désolé de dire ça à mes amis intellectuels de gauche qui veulent à tout prix dire « c’est le nazisme qui revient ». Regardez madame Meloni en Italie : c’est pas le fascisme qui est revenu en Italie. Tout ça est assez ridicule. Marine Le Pen, c’est la droite populaire et républicaine. (CNews-Europe 1, 3/01)

Et de se livrer à un grand exercice de réhabilitation :

- Luc Ferry : Elle est moins à droite que Pandraud et Pasqua en 1970, voilà c’est la vérité. Et ça n’a rien à voir avec l’extrême droite. L’extrême droite elle était antisémite, elle était raciste.

- Sonia Mabrouk : C’est quoi votre définition de l’extrême droite, d’ailleurs ?

- Luc Ferry : L’extrême droite, comme l’extrême gauche, était révolutionnaire…

- Sonia Mabrouk : Factieuse ?

- Luc Ferry : Elle était factieuse, elle assassinait les opposants, elle voulait prendre le pouvoir par les armes et par la violence, elle était antisémite et raciste. Ce n’est absolument pas le cas de Marine Le Pen, qui n’est ni antisémite ni raciste, qui est évidemment républicaine. Maintenant on peut avoir… moi, j’ai des désaccords avec le Rassemblement national, mais beaucoup plus sur le plan économique que sur le plan moral ou politique. Il faut arrêter de dire que c’est le fascisme et que c’est l’immoralité, c’est pas vrai ! C’est simplement faux ! Et les 42% qui ont voté pour elle savent que c’est faux. Et donc quand on insulte ces gens-là, on les renforce… à la limite, on va les rendre racistes si on continue. Voilà, c’est idiot comme raisonnement. Cette espèce de moralisme débile des intellectuels de gauche est fascinant pour moi. (CNews-Europe 1, 3/01)

Luc Ferry ne détient pas le monopole de la banalisation médiatique de l’extrême droite. Mais il en est, indéniablement, l’un des artisans. Tout comme le sont les médias et les journalistes qui se repaissent de ce type d’intervention… et d’intervenant. À l’analyse solide et étayée, portée par des spécialistes – des historiens, des politistes ou des sociologues dont l’extrême droite est le sujet de recherche –, les médias dominants vont préférer inviter un toutologue, sans aucune autre légitimité que celle de disposer d’un capital médiatique et de maîtriser l’art du prêt-à-penser. Bon client par excellence, Luc Ferry répond à tout, s’inscrit parfaitement dans l’air du temps… et sait se rendre disponible. C’est ainsi que, le lendemain (3/01), on le retrouve sur RTL. Yves Calvi : « J’aimerais revenir sur vos propos hier. Marine Le Pen, nous dites-vous, c’est désormais la droite populaire et républicaine. Elle n’est plus ou pas d’extrême droite, pour dire les choses très simplement ? » Et Luc Ferry de se répéter, encore : « Marine Le Pen, c’est une droite populiste, une droite populaire, c’est une droite nationaliste, c’est une droite souverainiste mais ça n’est pas… elle est absolument républicaine, elle est pas contre-révolutionnaire, elle est pas contre l’héritage des Lumières, elle n’est ni raciste ni antisémite ».


Maxime Friot

 
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