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Liberté d’expression et service public : Frédéric Taddeï face à Patrick Cohen

par Henri Maler,

La scène se passe sur le plateau de « C à vous » (France 5) le 12 mars 2013 et a déjà fait l’objet de nombreux commentaires médiatiques, notamment de la part des amateurs de « clashs ». Il convient pourtant d’y revenir car la scène et ses suites soulèvent de sérieux problèmes.

De quoi est-il question ce jour-là sur le plateau de « C à vous » ? De prime abord, de quelques-uns des invités, dont Patrick Cohen conteste la présence dans l’émission « Ce soir ou jamais », animée par Frédéric Taddeï. Autant le préciser immédiatement : notre propos n’est pas ici d’évaluer cette émission. Autant le préciser surtout : il faudrait mal connaître Acrimed pour croire un seul instant que c’est en raison d’une sympathie particulière pour les invités nommément mentionnés pour être récusés par Patrick Cohen que nous prenons position. Ce qui est en cause c’est une question de principe.

Mais d’abord, la vidéo :

Généreusement, Acrimed vous offre aussi la transcription intégrale de la séquence en fichier .pdf.

Vous pourrez ainsi juger si, en oubliant charitablement les saillies d’Alessandra Sublet et en les résumant, nous avons trahi les propos tenus, que voici en version commentée.

I. Question de principe

Selon quels critères choisir les invités des médias du service public (et, plus généralement, des médias qui ne défendent aucun parti pris explicite) ? Le résumé de l’échange est éclairant.

Une liste noire ?

À Patrick Cohen qui lui reproche, confondant au passage les médias et leurs publics, d’inviter « des gens qu’on n’entend pas ailleurs, et qu’on n’a pas forcément, que les autres médias n’ont pas forcément envie d’entendre » (en l’occurrence Tariq Ramadan, Dieudonné, Alain Soral, Marc-Edouard Nabe), Frédric Taddeï rétorque : « […] pour moi, il n’y a pas de liste noire, il n’y a pas d’invité que je refuse d’inviter par principe parce que je ne l’aime pas. Voilà, je me l’interdis, je suis sur le service public, ce n’est pas à moi d’inviter les gens en fonction de mes sympathies et de mes antipathies, voilà c’est tout […] »

Une question de responsabilité ?

Patrick Cohen soutient alors que « Ce n’est pas juste une question de sympathie ou d’antipathie » concédant ainsi, puisqu’elles ne sont pas seulement cela, que les prédilections ou les aversions personnelles de l’animateur jouent leur rôle. Puis il se retranche derrière cet argument : « Quand on anime une émission de débat, de débat public, on a une responsabilité »

Quelle responsabilité ? « Par exemple de ne pas propager de thèse complotiste, de ne pas donner la parole à des cerveaux malades, parce que dans les gens que j’ai cités, je pense qu’il y a des cerveaux malades. » Peu nous importe si l’opinion personnelle du psychiatre improvisé est fondée ou non, est-ce à lui de décider a priori de l’état mental d’interlocuteurs éventuels ? S’il existe, pour parler comme Patrick Cohen des « cerveaux malades », c’est qu’ils ne le sont pas tous. Comment trancher ? Le « complotisme » existe, à n’en pas douter. Mais comment éviter que la dénonciation d’un conspirationnisme imaginaire ne serve d’ arme de destruction massive de toute discussion rationnelle ainsi que nous l’avons déjà souligné. Comment par conséquent diagnostiquer le « complotisme » inacceptable et mortifère si l’on prive d’expression et de débat ceux qui sont soupçonnés ou soupçonnables d’y céder ?

De façon plus générale, la responsabilité des animateurs de débat dans un média qui n’affiche aucun parti pris est précisément de n’en afficher aucun, comme le souligne Frédéric Taddeï : « […] C’est un débat éternel on ne sera jamais d’accord sur ce sujet, j’anime une émission de service public, si j’étais sur Fox News, je serais comme vous, je déciderais que les gens qui regardent Fox News vont entendre un certain son de cloche et je le privilégierais. »

Des opinions hors la loi ?

À Patrick Cohen qui concède qu’« On a le droit de penser ce qu’on veut mais dans les limites de la loi », Frédéric Taddeï réplique : « En l’occurrence je n’ai jamais eu de problème de ce côté-là… ». Patrick Cohen reprend alors de plus loin : « Le négationnisme, c’est quelque chose…  ». Et comme Frédéric Taddeï lui répond que personne n’a jamais soutenu dans son émission que les chambres à gaz n’ont pas existé, Patrick Cohen soutient que les « complotistes » sont des négationnistes en puissance : « […] Complotistes, vous savez ce que c’est les complotistes, et les complotistes ça finit généralement… » Par quoi ? Par le négationnisme ? Condamner au silence une opinion au nom de sa conséquence éventuelle – au demeurant peu vraisemblable, dans le cas choisi, quand on amalgame tous ceux que l’on désigne, à tort ou à raison comme des « complotistes » – ouvre la voie à tous les arbitraires.

Manifestement, Patrick Cohen vise, sous la désignation de « complotistes », tous ceux qui, peu ou prou, à tort ou à raison, doutent de la version de attentats du 11 septembre ou lui opposent une autre version. Faut-il les interdire d’expression ? Frédéric Taddeï répond : « […], tant qu’il n’y aura pas une loi en France, et vous pouvez écrire à votre député si vous voulez que les gens ne puissent plus dire qu’ils doutent de ce qu’ils appellent la version officielle du 11 septembre, si vous voulez qu’ils n’aient plus le droit de le dire… ». Patrick Cohen doit alors concéder : « Ils ont le droit de le dire… » Et Frédéric Taddeïï de poursuivre, parlant de son interlocuteur : « […] il fait allusion à un truc avec Matthieu Kassovitz un jour qui a dit qu’il avait des doutes sur le 11 septembre. » Or « […] Il y avait des gens en face de lui qui lui ont dit qu’il était fou, le débat a eu lieu. Point. Terminé. »

Ce qui n’interdit pas d’enfoncer le clou :

- Frédéric Taddeï : « Si vous, si je disais là, si je vous disais là "j’ai des doutes sur le fait que Lee Harvey Oswald était le seul tireur le jour de l’assassinat de Kennedy", qu’est-ce que vous faites, vous m’accusez de négationnisme et me faites arrêter par la police ?  »
- Patrick Cohen : « Non évidemment pas, évidemment pas, évidemment pas. »

Arbitre des opinions ou animateur de débats ?

Patrick Cohen, qui a concédé auparavant que toutes les opinions (et donc tous les doutes) qui se tiennent dans les limites légales ont le droit de s’exprimer librement, change alors d’argument et déclare, ce qui est tout à fait différent : « Vous dites simplement que toutes les opinions se valent et qu’on peut entendre absolument toutes les opinions, moi je… ». Or affirmer que toutes les opinions sont libres ne signifie nullement qu’elles sont équivalentes… et qu’il appartient à un animateur du service public, siégeant au tribunal de la raison, d’arbitrer entre celles qu’il juge recevables et celles qu’il condamne au silence.

C’est donc une position de principe que défend à nouveau Frédéric Taddeï : « Toutes les opinions autorisées par la loi, et en France sont défendues par la Constitution, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé, et ce n’est pas moi, animateur de télévision qui vais décider de ce que l’on a le droit de dire, il y a des livres qui paraissent, des films qui sortent, vous avez le droit de faire le tri, c’est votre responsabilité […] Moi, ma responsabilité c’est que en tant qu’animateur d’une émission de débat sur le service public je m’interdis d’être le procureur ou le défenseur des uns et des autres et surtout de censurer qui que ce soir sur quelque sujet que ce soit, à partir du moment où il respecte la loi. »

Sans préjuger de la façon dont Frédéric Taddeï applique le principe qui le guide, force est d’admettre qu’il est fondé, même si la loi interdisant certaines opinions est elle-même discutable.

Condamnés interdits et condamnés autorisés ?

Or, s’agissant du respect de la loi, souligne alors Frédéric Taddeï, « il n’y a eu le moindre problème dans « Ce soir ou jamais » y compris avec les gens que vous avez cités, je parle de Dieudonné et d’Alain Soral qui sont dans des positions un peu spéciales… […] Je ne parle pas de Tariq Ramadan et de Marc-Edouard Nabe qui sont invités partout… »

Seulement voilà : si aucun invité n’a tenu des propos condamnables, Dieudonné et Alain Soral, eux, insiste Patrick Cohen, ont été « condamnés, condamnés plusieurs fois… » Faut-il pour autant les priver d’expression ? Cette position serait intenable : à ce jeu-là, combien de ministres et de responsables politiques – dont certains ont même été condamnés pour racisme et invités sur France Inter, comme le rappelle Taddeï [1] –, de chefs d’entreprises et d’éditocrates seraient déjà privés de micros et d’écran…

Peu nous importe par conséquent, du moins dans ce contexte, si les invités mentionnés défendent des idées que l’on est largement en droit de réprouver, car la question posée est bel et bien une question de principe : si un animateur du service public s’arroge le droit de choisir des invités selon son opinion, en interdisant d’expression certains d’entre eux, son arbitraire peut frapper n’importe qui.

Or cet échange est loin d’être passé inaperçu…

II. Des réactions significatives

… Et une réplique de Daniel Schneidermann suscita l’indignation de Patrick Cohen.

Censure ?

Dans une chronique parue les 17 mars dans Libération« La liste de Patrick Cohen », l’animateur d’Arrêt sur images, tout en défendant le droit le Patrick Cohen d’inviter qui il l’entend, soulignait qu’il était inacceptable de contester ce droit à Frédéric Taddeï et d’établir a priori une liste d’interdits d’expressions. Extrait :

Manchettes, sujets, invités : être journaliste, c’est choisir, trier, hiérarchiser. Mais aucune raison d’en faire une question de principe, et de proclamer que même la baïonnette dans les reins, on n’invitera pas Bidule. En reprochant à Taddeï d’inviter les proscrits, Cohen dit en fait « ce n’est pas parce que je ne les juge pas intéressants, que je leur barre l’accès au micro de France Inter. C’est parce qu’ils ont contrevenu à un dogme. Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle. Et non seulement c’est indéfendable, mais c’est contre-productif. Aujourd’hui, les dissidents n’ont plus besoin de Cohen et de ses homologues, pour trouver un écho sur Internet. Avant, il était possible de décider qui étaient les « cerveaux malades », et de les condamner pour crime de pensée, comme dans 1984. Mais aujourd’hui, pour un animateur en vue, déclarer qu’il n’invitera pas Bidule, c’est hisser Bidule sur le piédestal de victime de la censure. Le pré carré audiovisuel, s’il veut rester un lieu crédible de débat d’idées, n’a donc plus d’autre choix que de s’ouvrir aux paroles jadis bannies, quitte à leur opposer une contradiction vigoureuse et argumentée, ou à les prendre à leur propre piège de la dialectique. Et de s’en donner les moyens.

Le droit de choisir, mais sans censure préalable ? Sans doute mais à condition de préciser que, excepté dans les médias ouvertement de parti pris, un tel choix doit respecter la diversité des opinions. Cela va de soi ? Cela va mieux en le disant.

Hallucinant

La riposte de Patrick Cohen ne s’est pas fait attendre. Et ce fut une dépêche de l’AFP consultable sur le site de Libération qui nous en informa. On notera au passage ce que peut avoir d’incongru (pour ne pas dire plus…) une telle dépêche : faut-il comprendre que quand un journaliste met en cause un journaliste, ce dernier dispose via l’AFP d’un droit de réponse privilégié – un droit de réponse dont tant d’autres sont privés sur le fil de l’AFP ? Passons et lisons :

« L’animateur de la matinale de France Inter Patrick Cohen a jugé lundi « hallucinantes » des critiques du journaliste Daniel Schneidermann, qui considère comme une « faute professionnelle » le fait que le présentateur ne souhaite pas recevoir certains invités comme Dieudonné. « Je trouve hallucinant que l’on considère que c’est une faute professionnelle de ne pas recevoir Dieudonné », a dit Patrick Cohen, interrogé par l’AFP […]
« Si le nouveau critère de la déontologie façon Schneidermann, c’est recevons tout le monde même les plus marginaux, les plus délirants, les plus condamnables - y compris du point de vue de la loi, puisque Dieudonné a été plusieurs fois condamné - pour avoir une forme de crédibilité dans le pluralisme des idées et des expressions, alors je pense qu’il faut changer de métier […] », rétorque Patrick Cohen. « On ne doit pas forcément donner libre cours au n’importe quoi et aux rumeurs les plus folles », ajoute-t-il. « Je ne veux pas donner de leçons. Je parle pour ma propre antenne », a-t-il souligné. « Je ne dis pas qu’il faut supprimer l’émission de Taddeï ou qu’il faut censurer ses plateaux. Chacun juge et chacun fait comme il veut », dit encore Patrick Cohen. »

Avec une désinvolture « hallucinante », Patrick Cohen persiste à écarter, sans préciser ses critères d’évaluation, « les plus marginaux, les plus délirants, la plus condamnables ». Sans doute s’agit-il de ceux qui ne sont pas invités par ses soins sur France Inter : la liste doit être longue ! Avec une mauvaise foi « hallucinante », Patrick Cohen esquive la question de principe pour focaliser sa fatwa sur un seul cas, car ses propos seraient a priori condamnables puisqu’il a déjà été condamné : Dieudonné. Si l’existence ou non d’une condamnation est un critère de choix, voire le plus important de ces critères, la liste est longue – comme l’a souligné Frédéric Taddeï – des condamnés, pour leurs actes et pour leur propos que Patrick Cohen doit renoncer à inviter.

* * *

Un principe, il est vrai, peut en cacher un autre. Ce qui serait alors en cause, c’est le principe même de l’émission « Ce soir ou jamais » : les choix qui président à la composition du plateau et privilégient, à côté de quelques omniprésents, des personnalités méconnues et, souvent, réputées atypiques dont on ne sait si elles sont là parce que pour leurs activités et leurs œuvres le justifient ou parce que leur présence permet d’entretenir le spectacle : le spectacle de confrontations dont l’intérêt réside surtout dans le spectacle lui-même. À suivre…

Henri Maler, grâce à la transcription réalisée par Blaise Magnin


Annexe : Bruno Roger-Petit, chroniqueur « responsable »

L’entreprise hautement « responsable » de Patrick Cohen a reçu le renfort « hallucinant » de Bruno Roger-Petit, auteur d’une chronique publiée le 18 mars sur Le Plus du Nouvel Obs et intitulée « CSOJ. Taddeï invite une prof qui assimile les gays à des singes : acceptable ? »

Après un long détour, sur lequel on va revenir, le chroniqueur soutient ainsi l’animateur : « Dans l’émission "C à vous", diffusé cette semaine sur France 5, le journaliste Patrick Cohen (France Inter) a eu bien raison d’interpeller Taddeï sur le casting de certaines de ses émissions, et les invitations lancées à des personnalités peu recommandables d’un point de vue républicain. Malheureusement pour lui, il s’est laissé piégé par la rhétorique bien rodée de Taddeï, qui a reposé les termes du débat en question de principe portant sur la liberté d’expression et le droit de chacun, même ceux qui pensent mal, d’avoir accès à la télévision. Cohen s’est ainsi retrouvé peint en Fouquier-Tinville de la télévision, censeur a priori de toutes les paroles qui lui déplaisent. »

« Doit-on vraiment donner la parole à ceux qui soutiennent les thèses les plus extrêmes ?  », demandait au début de sa chronique, Bruno Roger-Petit qui élargit ainsi aux « extrêmes » – qu’il se garde de définir – la liste des proscrits potentiels. Une liste qu’il étoffe peu à peu, en ajoutant aux noms mentionnés par Patrick Cohen, Anne-Marie Le Pourhiet qui est « l’un de ces invités potentiellement à problème », dit-il, avant de préciser en donnant quelques exemples de ses prises de position : « Professeur de droit, elle affiche un conservatisme ultra, sur tous les sujets […]  » Plus loin, c’est Elisabeth Lévy qui est frappée d’interdit. Parce qu’on l’entend trop ? Ce serait défendable. Mais il en bien d’autres que l’on entend trop, y compris dans « Ce soir ou jamais ».
Mais ce n’est pas tout. Lorsqu’il entreprend une réfutation indignée des propos tenus par l’universitaire, c’est pour laisser entendre que l’on n’a pas le droit de dire n’importe quoi (comme si ce n’était pas le prix à payer de la liberté d’expression) et pour déplorer que ces propos n’ont pas été « contrebalancés », personne, sur le plateau ne lui ayant répondu comme il aurait fallu puisque Frédéric Taddeï a immédiatement donné la parole « à l’écolo-gauchiste radical de service, Paul Ariès, qui se lance dans un développement de khâgneux attardé sur... les tabous. » Encore un extrémiste à problème ?

De proche en proche, ce sont tous les « représentants des France extrémistes », dit-il, car elles sont manifestement multiples…, qui sont menacés pour qu’une plus large place soit faite à la droite et la gauche gouvernementales, dont elles seraient privées (on croit rêver !) : « Disons les choses comme elles sont : la gauche traditionnelle, celle qui est l’héritière directe de 1789, la gauche socialiste et social-démocrate, la gauche socialiste et républicaine, la gauche libérale et sociale, n’est jamais la mieux représentée et incarnée chez Taddeï. En revanche, les gauches et les droites de l’extrême, les contestataires du legs de 1789, les hostiles de tous bords à une certaine idée de la démocratie et de la République, ceux-là sont toujours incarnés par des personnalités calibrées pour la télévision, efficaces et redoutables […] »

Question de principe ? Non ! Place aux copains ! C’est vrai ça : la « gauche socialiste et social-démocrate » est quasiment inaudible sur le service public !

 
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Notes

[1_ - Frédéric Taddeï : « Vous voulez que je vous fasse la liste d’un certain nombre de ministres qui ont été condamnés, y compris pour racisme, ça ne vous a pas empêché de les inviter dans votre émission de radio le lendemain… »
- Patrick Cohen : « Ah, pas beaucoup. » […]
- Frédéric Taddeï : « Ah oui ? Vous voulez qu’on cite des noms, vous les avez invités le lendemain, ça ne vous a pas gêné, bon voilà, parce qu’il se trouve que c’étaient des ministres ou des élus de la république, point. ».

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