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Le personnel de La Vie et Télérama vigilant face à la mainmise du Monde

par Patrick Lemaire,

Contraint de revoir ses ambitions à la baisse, Le Monde tente de donner le change en accélérant sa prise de contrôle des Publications de la Vie catholique (PVC), en violation des engagements pris.

Les familles fondatrices des Publications de la Vie catholique (PVC), qui éditent notamment La Vie et Télérama, ont décidé de céder le contrôle du groupe au Monde, qui va monter à 56% du capital, annonce Le Monde daté mercredi 9 juillet.

" Le Monde n’a pas précisé le montant de la transaction ", indique le 8 juillet le site internet du Nouvel Observateur (dont Le Monde est aussi actionnaire), lequel fait état de la volonté de créer " un " nouveau groupe de presse puissant et indépendant ", qui aura pour nom La Vie-Le Monde, a précisé Jean-Marie Colombani ".

Le Monde détenait déjà 30% depuis octobre 2002. Dans un communiqué, les associations du personnel du groupe PVC s’étonnent d’avoir été informées le matin même par Jean-Pierre Hourdin (président du conseil de surveillance des PVC) " de la décision de vendre la totalité des actions (26%) encore détenues par les familles des fondateurs. Cette décision marque une accélération du calendrier initialement prévu. Pour notre part, nous avons à plusieurs reprises émis le souhait que les trois années d’inaliénabilité soient respectées. Il nous semblait, en effet, important que Le Monde puisse revenir à une structure d’exploitation équilibrée pour faire tomber les réticences qui s’exprimaient à son égard. "

Les associations du personnel prennent " acte des engagements pris par Jean-Marie Colombani et Jean-Pierre Hourdin de « continuer à garantir le respect des valeurs de chacun des deux groupes et l’indépendance éditoriale de chaque titre », ainsi que de « maintenir les effectifs actuels dans le cadre d’une politique de développement interne ou externe » "

Elles " entendent jouer un rôle majeur dans ce nouveau groupe en s’appuyant, entre autre, sur le « Pacte d’indépendance » signé entre elles et la direction du Monde le 24 janvier 2003 ", qui " devait entrer en vigueur le jour ou Le Monde détiendrait 56% au moins du capital de PVC ".

" Dans ses grandes lignes le Pacte d’indépendance prévoit :
- L’indépendance de la ligne éditoriale de La Vie et de Télérama, garanti notamment par le droit de veto des équipes rédactionnelles de ces deux titres sur la nomination de leur directeur de la rédaction et de leurs rédacteurs en chef.
- Le maintien et le renforcement de la place des Associations dans le capital de PVC et de ses organes représentatifs.
- La consultation plus étroite des Associations du personnel avant toute décision sociale importante afin de déterminer une position commune conforme à l’intérêt de PVC.
- La mise en place de majorité qualifiée conférant un poids déterminant aux Associations du personnel pour certaines décisions majeures.
(...)

Nous veillerons à ce que les engagements pris s’appliquent dans toutes leurs dimensions au nouveau périmètre du ’Groupe La Vie-Le Monde’ "

Mercredi 9 juillet, le directoire des Publications de la Vie catholique (PVC), venait " expliquer aux salariés de Télérama les raisons de la vente accélérée des PVC au groupe le Monde " (Libération, 10 juillet).

La grande majorité des salariés s’est " éclipsée après la lecture d’un texte intitulé : « Pourquoi nous ne vous écouterons pas ! » "

« Parce que nous sommes fatigués d’entendre invoquer l’"humanisme" et les "valeurs chrétiennes" alors qu’il ne s’agit pour vous que d’habiller une opération financière ».

« Parce que l’analyse des résultats financiers du Monde nous permet de comprendre que ce groupe, en proie à des difficultés financières structurelles, va accroître sa pression économique et sociale, et donc éditoriale, sur les titres historiques de PVC ».

Cependant, vendredi 11 juillet, les élus du personnel au Comité d’entreprise (CE) de PVC, dont la consultation est exigée par la loi en pareil cas, ont donné un avis favorable à la prise de participation majoritaire du groupe Le Monde, dans " le souci de préserver et de renforcer le dialogue social " (La Correspondance de la presse, 15 juillet). Il est utile de rappeler que l’avis du CE est consultatif, c’est-à-dire que la direction n’est pas obligée d’en tenir compte. Peut-être les élus ont-ils estimé que, l’opération étant inéluctable, il était plus sage pour le personnel, placé devant le fait accompli, de ne pas s’aliéner d’emblée le nouveau propriétaire... Ce que confirme une déclaration publique des élus : ils " considèrent que ce projet peut apporter de fortes possibilités de développement pour PVC et qu’il est de l’intérêt des salariés et de l’entreprise de ne pas créer une situation de blocage qui, de toute façon, n’éviterait pas cette prise de participation ".

La prise de contrôle était programmée, la surprise est née de sa rapidité. Le Figaro (9 juillet) voit l’origine de cette accélération dans... l’attitude du personnel des PVC (Lire Le personnel des PVC s’oppose au dépeçage par Le Monde, "Grogne chez les alliés du Monde", " Les projets du « Monde » inquiètent « Télérama » ") :

" Parmi les éléments déclencheurs de la vente figurent notamment les réactions du personnel du groupe PVC. Ces derniers dénoncent « une vente par appartement de PVC » et le font savoir. Dans une lettre ouverte aux actionnaires les élus du personnel estiment que « la recherche d’un partenaire pour Presse Informatique (NDLR : une société de service, filiale de PVC, qui gère 70% des abonnements de la presse française ainsi que ceux du groupe Canal+) prend aujourd’hui la forme d’une vente pure et simple ». Une manifestation du personnel est organisée sous les fenêtres du directoire du groupe. Face à l’hostilité du personnel, Jean-Pierre Hourdin comprend qu’il faut clarifier la structure capitalistique du groupe jugée trop bancale. Il parvient alors, sans trop de difficulté, à convaincre Geneviève Laplagne, actionnaire jusqu’à présent réticente, à céder ses parts au Monde. Il faut, aux yeux de Jean-Pierre Hourdin, un et un seul partenaire industriel puissant capable d’imposer ses choix. Ce sera Le Monde. Au final, « le personnel aura donc obtenu exactement l’inverse de ce qu’il espérait, que PVC reste aux mains des familles actionnaires », indique une source proche du dossier. "

Jean-Marie Colombani et Jean-Pierre Hourdin, les patrons des groupes Le Monde et PVC, annonçant solennellement la prise de contrôle du second par le premier (Le Monde daté 9 juillet), réaffirmaient le " rôle déterminant " des " personnels " des deux groupes et la " participation des salariés ", garantissaient " une large consultation des collaborateurs des filiales ", pour conclure que " les personnels conserveront un rôle déterminant à l’instar de ce qui existe au Monde ".

Ça commence bien.

 
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