I. Avant
Le Nouvel Observateur est ce très étrange hebdomadaire qui voit venir de loin ce qui importe. Un article signé C.A (Claude Askolovitch), dans Le Nouvel Observateur n° 1983 (Semaine du jeudi 7 novembre 2002) voit venir le Forum à travers les lunettes … des démocrates de gauche italiens.
Cela donne, sous le titre " L’exemple italien " ce merveilleux articulet :
" Florence accueille cette semaine le Forum social européen. En juillet 2001, les démocrates de gauche italiens s’étaient prudemment tenus à l’écart des manifestations anti-G 8 de Gênes illustrant ainsi la coupure générale entre les gauches de gouvernement et les mouvements de contestation. Cette semaine, ces mêmes démocrates de gauche accueilleront le Forum social européen à Florence, une de leurs villes.
L’Italie a souvent été un modèle pour les gauches françaises. Dans les années 1960-1970, les socialistes étaient fascinés par l’ancrage populaire et la modernité du PC italien. Aujourd’hui, ce sont les radicaux français qui rêvent de la dureté italienne. Le mouvement social est fort, autonome, et structuré. Et le "pôle de radicalité" local s’est doté d’un parti politique, Refondation communiste, où trotskistes et libertaires imposent leur ligne. Refondation avait fait tomber la coalition de centre-gauche de l’Olivier. Depuis plusieurs mois, la pression de Refondation a poussé les socialistes à se réancrer à gauche. Le Forum social fait partie de cette stratégie de reconquête. Avec pourtant un risque majeur : celui d’un dérapage violent de la manifestation de clôture, samedi prochain. Si le Forum devait tourner à la guerre de rues, le gouvernement Berlusconi accuserait la gauche d’avoir livré Florence et ses chefs-d’œuvre aux casseurs. Et le rêve des révolutionnaires deviendrait le cauchemar des sociaux-démocrates. C. A. "
Le rêve des révolutionnaires ? Le dérapage violent… C.A est un extralucide.
Il faut dire que cette même semaine C.A a fort à faire avec l’ouvrage de deux professeurs de sciences politiques, Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, La France rebelle (Ed. Michalon). Ce qui nous vaut une sidérante enquête sur "Les rebelles de la gauche".
Et un second articulet : " A droite aussi ". Sous-titre : " Quand la protestation populiste de droite rejoint la rébellion d’extrême-gauche. "
On pourrait s’arrêter à ce sous-titre. Mais la fin de l’article mérite une mention spéciale :
" Certains, à la parution du livre, se sont offusqués de voir figurer l’extrême-droite aux côtés des mouvements sociaux, ou politiques d’extrême-gauche.
"Il y a quelque chose de nietzschéen dans l’exaltation de la force vitale, dans la célébration du mouvement pour le mouvement, explique Xavier Crettiez. On trouve ce culte aussi bien à l’extrême-droite qu’à l’extrême-gauche" Et les émergences conjointes d’une protestation populiste à droite, et d’une rébellion d’extrême-gauche, sont les deux faces d’un même phénomène. Le refus des évolutions, des consensus apaisants, le besoin de clivages et de réponses fortes ou simples. Le signe de la fièvre et des peurs symétriques d’une France inapaisée. ".
Le Nouvel Observateur est cet étrange soporifique indispensable aux " consensus apaisants ".
II. Après
Le Nouvel Observateur est (bis) ce très étrange hebdomadaire qui voit venir de loin ce qui importe.
Une semaine plus tard, Le Nouvel Observateur n° 1984 (semaine du jeudi 14 novembre 2002) qui n’a rien, vraiment rien à dire du Forum de Florence, a trouvé de nouveaux motifs d’inquiétude. C’est, une fois encore Claude Askolovitch qui officie. Avec un surtitre sobre - " Antimondialisation " -, un titre attirant " Le Complexe de Florence " et un chapô éloquent : " Le prochain Forum social européen de Paris risque de souffrir de la comparaison avec le happening italien ".
Toujours en avance sur l’événement, Le Nouvel Observateur n’est pas parvenu à observer ce qui s’est passé à Florence, mais observe déjà ce qui risque de se produire à Saint-Denis. Avec cette entame : " Ce n’est pas tout d’aller à Florence, il faut revenir intact. Après la griserie italienne, les militants français ressentent leurs propres limites. L’an prochain, le Forum social européen doit être organisé à Paris et Saint-Denis. Avec le risque d’une comparaison douloureuse. "
Suit alors cette comparaison - que l’on vous épargne. Car elle est surtout l’occasion d’une longue déploration dont l’issue est … désarmante : " Trotskistes, écolos, socialistes, communistes, chacun consolide sa boutique. Mais une autre gauche est-elle possible ? " On se le demande…