Connivences
Si l’on excepte le témoignage d’un « cadre supérieur d’édition » (anonyme), le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen n’apporte guère d’informations nouvelles [1]. Les renvois d’ascenseurs pratiqués au sein du club des admirateurs réciproques, confortés par leur présence simultanée dans plusieurs médias, soumettent la critique des livres à des jeux de pouvoir dont les effets délétères ont été dénoncés depuis longtemps.
Le devoir de flagornerie est la morale de la connivence ; le réseau d’influence est son support.. C’est ce que suffisent à montrer quelques exemples [2] :
- Les émissions sous-traitées au Monde (sur LCI, sur France Culture) où Le Monde invite Le Monde ;
- La promotion des ouvrages de Colombani, Minc et Plenel par leurs cercles d’amis qui bénéficient ainsi dans Le Monde d’une rente de promotions à vie (et réciproquement) ;
- La promotion des oeuvres de Jean Daniel, en pleine période de tractations entre Le Monde et Le Nouvel Observateur.
A quoi il faut ajouter de véritables campagnes d’exécration, à tout le moins disproportionnées, comme celle qui est devenue « l’affaire Renaud Camus », pour quelques phrases aux accents indéniablement judéophobes.
Et les auteurs de rappeler que la critique de ces mœurs a valu à Pierre Jourde la menace d’un procès encore à l’instruction.
C’est désormais la règle : Le Monde répond aux critiques qui lui déplaisent, d’abord par des procès en diffamation, et secondairement par des mises au point … à côté des questions posées.
Statistiques
Ainsi, le petit encadré paru le 7 mars 2003, en guise de réplique, aux critiques du Monde des Livres, est une ode statistique à l’hypocrisie. Elle est courte et mérite par conséquent d’être intégralement citée :
« Le Monde des livres reçoit environ 250 livres par semaine, tous domaines confondus. Bien que ses choix ne soient pas effectués en fonction des éditeurs, le reproche de manque d’éclectisme qui lui est fait l’a conduit à se livrer à un calcul statistique à partir de la production 2002. Cette année-là, Le Monde des livres a rendu compte de quelque 2 000 ouvrages, publiés par 355 éditeurs (d’autres livres sont traités dans les pages quotidiennes du Monde ainsi que dans d’autres suppléments).
En dehors des maisons figurant sur le graphique, qui représentent une part importante des livres de littérature générale édités en France en un an, de nombreuses structures plus modestes retiennent l’intérêt de l’équipe du service littéraire. Des exemples : les éditions Verticales (20 livres publiés et 12 recensés), Arléa (31 et 8), Métailié (39 et 15), Buchet-Chastel (27 et 8), Phébus (52 et 26), Verdier (18 et 7), Allia (21 et 8), Bleu de Chine (5 et 5). »
Vous dites « Abus de pouvoir », Le Monde entend « manque d’éclectisme » ! Vous évoquez de pleines pages de flagorneries, Le Monde sort sa calculette pour chiffrer le nombre d’ouvrages et les éditeurs qu’il a mentionnés ! Vous parlez des Lettres, Le Monde répond par des chiffres ! Vous parlez de l’importance de certains livres, Le Monde répond par l’importance des éditeurs ! Vous l’interrogez sur le contenu de la critique, Le Monde dessine un graphique des maisons d’éditions ! Vous discutez de la qualité de ses critiques, Le Monde, en bon publicitaire, répond : l’essentiel est d’en avoir parlé !
La liste des ouvrages significatifs et des éditeurs courageux dont Le Monde n’a pas dit un mot ou qu’il a exécutés sans motifs méritera quelque jour d’être publiée : nous le ferons.