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L’actualité des médias n°26 (11 au 19 mai 04)

par William Salama,

Lire aussi : L’actualité des médias n°25 et les éditions précédentes.

I. Multimédia

 Arnaud Lagardère est ... mediaman ! Les organisateurs du Festival du film publicitaire de Cannes ont choisi Arnaud Lagardère comme « mediaman » de l’année (Le Figaro Economie, 12 mai). Sans commentaires ... Ledit « mediaman » présentait les résultats de son groupe - Lagardère Média, le 11 mai (revenu en progression de 2,8 % à 1,959 milliards d’euros). Et la stratégie, avec, en ordre de bataille : se consolider en France (la TNT voir plus bas), se bâtir un réseau de quotidiens gratuits avec la Socpresse, se chercher des opportunités aux Etats-Unis, et céder Editis (fait, voir plus bas).

 Vivendi Universal. La branche « Entertainement » du propriétaire de Canal Plus fusionne avec l’Américain NBC. Avec, un chiffre d’affaires pour 2003 estimé à 13,1 milliards de dollars, et un résultat d’exploitation de 3,2 milliards de dollars, cette opération de désendettement de Vivendi place le nouvel ensemble en « cinquième géant mondial des médias » (Le Figaro Economie, 12 mai). Lire également sur les rumeurs de rapprochement Lagardère-Vivendi : «  Vivendi revient en prédateurs des médias  » (Challenges, 13 mai)

II. Audiovisuel

 TDF/ Social. En raison des contraintes croissantes « au niveau de l’emploi, de la productivité, des conditions de travail et des évolutions salariales » un appel à une grève de 48 heures a été lancé par quatre syndicats de TDF. Elle a été suivie à 28,2% selon les syndicats (et, par conséquent à 68% selon la direction). Mais - quel soulagement ! - cela n’a pas eu de conséquences pour le grand public à Paris ou en province qui n’a pas été privé de TF1.

 Canal Plus et le cinéma. Canal Plus « sauve » le cinéma français en augmentant son offre et vend son câble aux fonds d’investissements américains... Le 7 mai : annonce radieuse de Bertrand Méheut. Canal Plus a eu le plaisir de sceller un accord de financement avec le cinéma français, suffisamment à temps pour amadouer les producteurs. C’est à dire, avant le Festival de Cannes [1].

Cette fusion, concomitante avec l’accord, permettra à Canal Plus de pouvoir diffuser le catalogue juteux de films (le 13 mai, La Tribune décrypte le deal VUE et NBC : « tous les films Universal sur Canal Plus »).

 Canal Plus et le câble. Canal Plus va par ailleurs bientôt s’enrichir de 500 à 700 millions de francs en vendant son câble (également co-propriété de France Telecom), et sans aucun doute à un fonds d’investissement américain. Rassurez-vous, « ils connaissent parfaitement le secteur câble en Europe  », avancent Les Echos (13 mai). Les syndicats du secteur déjà alertés par le récent achat de Noos par Liberty Media (Murdoch) [2] veillent. N’empêche Le Figaro Economie, chantre récent de l’interventionnisme français dans la défense de nos industries (Aventis), s’émeut : « Le câble préempté par les Américains » (14 mai). Trop tard. [3]

 Financement. Placements de produits dans les programmes, écrans séparés, etc. : la contamination est approuvée. En effet, Bruxelles dans le cadre de la directive Televison sans Frontières, révisée en 1997 a émis une « communication » visant à légitimer les nouveaux formats publicitaires - Les Echos (12 mai).

 TNT. « Soucieux de sa réussite », le charitable Lagardère est favorable à un lancement rapide des chaînes gratuites (qui comprend la sienne : i-MCM) sur la télévision numérique terrestre, et ensuite, une fois l’intoxication effectuée, les chaînes cryptées payantes (les siennes : Maison H, Match TV, Canal J, Nature TV), pour faire payer les accrocs .

Malgré ce « souci » de réussite, cette proposition obligerait revoir le dispositif des bouquets de chaînes pourtant arrêté par le CSA (Le Figaro Economie, 12 mai), contraint, en raison de ces atermoiements lobbyistes, de reporter sa décision de date de lancement au 10 juin : « Casse-tête de la TNT » (Les Echos ,17 mai).

Un casse-tête d’autant plus casse-tête que les positions diffèrent sur la technologie. Ainsi, TF1 plaide pour une norme que développe Thomson (mpeg-4). Un fait nouveau, révélé par CB News (17 mai) risque de pimenter la donne : « Philips aurait tout un stock de décodeur Mpeg-2 qui serait difficile à écouler si d’aventure le CSA exauçait les vœux de ...TF1  ».

 Audience. Problème conjoncturel ? Structurel ? Général ? Le fait est que France 3 ne se remet pas de sa gamelle (en un an, une perte de 1,7 % d’audience). La chaîne entre dans une période de « turbulences  » dit Le Monde (12 mai). Effectivement, elle est rattrapée par M6. Rémy Pflimlin, directeur général de France 3, explique qu’il s’agit d’ « une tendance lourde des chaînes généralistes » et affirme : « TF1 a programmé ‘’La Ferme célébrités’’ , car, pour la première fois, ce type de programme attire notre public  ».

 CII. Revoilà « la CNN à la française », présentée par Le Lay (TF1) et Teissier (France 2) aux députés, le 18 mai. Parmi le motifs de réjouissance : 70 millions sur le dos du contribuable pour une chaîne non diffusée sur le territoire (Les Echos, 19 mai). 240 journalistes y travailleront (-raient), en 2005.

 Radio France et RFI. Le 12 mai, jour de la nomination de son successeur (Jean-Paul Cluzel), le démissionnaire de la présidence de radio France, Jean-Marie Cavada la ramenait dans Le Figaro Economie : « Radio France : un bien public à protéger ». Opportunisme et culot (lire : « Des passagers inattendus sur le vaisseau de France Inter » : il devrait accomplir un grand destin politique !... Et Cluzel, lui, de grands travaux (« Attention, chantiers ! » - Libération du 13 mai). Sa place étant libérée, Claude Sérillon a écrit à qui de droit (les ministres de la Culture et de la Communication et celui des Affaires étrangères) pour mander la présidence de RFI. Le CSA tranchera. Question : Sérillon est-il, comme Cluzel, parrain d’un rejeton de Juppé [4] ?

III. Presse Ecrite

 Pagination publicitaire. Après tout ce qu’ils font pour eux, en critiquant le mouvement antipub), les journaux n’ont pas bénéficié de la reconnaissance des publicitaires : la pagination de la presse quotidienne a reculé de 7% en avril, et 4 % pour la presse magazine.

  Classement des groupes de presse. Le premier semble être Hachette Filipacchi Médias (1,01 milliers de chiffre d’affaires en 2003). Suivent, Socpresse (placé en second malgré un chiffre d’affaires « Non communiqué »), et Le Monde -VPC (idem, mais placé troisième). Le fonds d’investissement Aprovia est 8ème (400 millions). La suite dans Stratégies, (13 mai) page 44.

  Kiosquiers. Entre « 60 et 90% » des grévistes kiosquiers de Paris voulaient : « un taux de commission à 25 %, le réglage des flux et la distribution des gratuits supplémentaires  ». Ils ont eu : le soutien de Delanoë (merci) et une proposition de « Mediaman » (Arnaud Lagardère) qui via sa filiale Hachette SA se verrait bien reprendre la concession des ces kiosques actuellement gérés par la Mairie de Paris (La Tribune, 12 mai).

  Suppressions de postes. Dans les cinq années qui viennent, Le Républicain Lorrain ne remplacera pas 106 postes sur 745 mais promet investir 12 millions d’euros dans une nouvelle rotative (La Tribune, 18 mai).

  Presse gratuite. Nouvelles du front. Au moment où les projets se multiplient [5]..

- Le péril jeune ? Un dossier de CB news sur les 15-25 (mis dans le même panier...) s’alarme. Cette génération ne connaît plus la valeur de l’argent et s’adonne au gratuit. L’hebdomadaire titre « Les prémices du chaos » : un « chaos » qu’il constate déjà dans le multimédia (un joyeux piratage) et dans la presse (« péril en la demeure » avec compte-rendu des principaux gratuits).
- Le soutien du Monde  ? On peut s’en prendre aux jeunes pour expliquer et critiquer le phénomène gratuit mais les faits sont incontestables : à l’occasion de l’Eurofoot et des JO, Le Monde s’associe à l’hebdomadaire gratuit Sport pour lancer des offres commerciales baptisées « Supporters », avec une diffusion proche de 1 million d’exemplaire pour des tarifs nets compris entre 30 000 et 90 000 euros hors taxe (Stratégies Newsletter, 11 mai). C’est vrai qu’il a besoin de liquidités (voir plus bas).
- La résistance des patrons ? Le conseil d’administration du Syndicat de la presse magazine et d’information (SPMI) s’est « fermement prononcé contre toute hypothèse de prise en charge de la presse gratuite par le réseau des diffuseurs de presse  », en indiquant par que la question des magazines de marques devait être « réglée par une meilleure définition du produit hors presse » (Les Echos, 17 mai).

 Presse enfant. Pif gadget revient cet été (merci à L’Humanité, 15 mai). - Et, sur le modèle de la presse féminine, apparaît un nouveau segment : la presse de mode pour enfants. Des titres lancés notamment par Conde Nast (Milk) et pas au hasard : « l’enfant est prescripteur, les annonceurs se surpassent ». Lire Libération sur le sujet, 18 mai.

  Le Nouvel Observateur autogéré ? Les journalistes du Nouvel Observateur pourront s’opposer par vote (deux fois, pas plus) à la nomination du prochain directeur de la rédaction proposé par le PDG. De même, qu’ils pourront lui indiquer la sortie si les ventes baissent. Une constitution approuvée le 12 mai 2004 « inspirée du système en vigueur à Libération » : c’est ce que dit le quotidien, colporteur de cette nouvelle (le 18 mai).

  Le Monde à sec ? Il a perdu 23 millions d’euros en 2003 et 10.7 % d’audience en quelques mois, et pourrait être confronté à une « nouvelle crise de liquidités » en 2004 (Stratégies Newsletter, 11 mai)

 Bayard à flot. Bayard (La Croix, Côté Femme) va bien : bénéfice net de 0,76 millions d’euros, intégration de l’éditeur Milan (qui augmentera de 25 % son chiffre d’affaires), des nouveaux lancements de prévus (Les Echos, 13 mai).

IV. Edition.

 Castaldi. Le Figaro n’aime pas le livre de Benjamin Castaldi qui « démythifie » Yves Montand. Comme l’indique ce décryptage vachard de son plan média : « Le déballage bien orchestré » (11 mai). Un plan par ailleurs très bateau (teasing de L’Express, Une de Paris Match, émission de télé...) mais du genre yacht : « Si les 100 000 exemplaires de Maintenant, il faudra tout se dire, de Benjamin Castaldi, mis en place par Albin Michel se vendent, le livre réalisera un chiffre d’affaires toutes taxes comprises de près de 2 millions d’euros. Et, d’après les commandes effectuées auprès des libraires, les 100 000 unités risquent de partir très vite »
Castaldi , de l‘écurie Lagardère, trouve tout de même le moyen de se plaindre : « Benjamin Castaldi menace de quitter Europe 1 : Très mécontent du traitement réservé par Paris Match à son livre sur Yves Montand, son grand-père « adoptif », l’animateur Benjamin Castaldi a hier menacé Arnaud Lagardère de quitter Europe 1 et de rompre ses relations avec le groupe Lagardère, auquel appartiennent l’hebdomadaire et la station de radio » (toujours Le Figaro, 7 mai).

 Cession d’Editis / Fin. Un « écueil social » qui perisistait depuis avril, grâce aux syndicats de la Sejer (cf. L’actualité des médias n°22) retardait leur intégration à Hachette et donc la vente d’Editis. Selon La Tribune (18 mai), cet « obstacle » (sic) a cependant été levé par Lagardère le 18 mai : « Hachette livre peut entamer son intégration ».

Adieu projet industriel, place à la finance : la semaine dernière, si Gallimard reprenait la corde, La Tribune du 14 replaçait Wendel (sans préciser cette fois qu’il s’agit du fonds d’investissements du Baron Seillière) comme favori. Bingo : Wendel Investissements remporte la mise (19 mai). 600 millions d’euros sont en jeu, 60 % de l’édition française.

Dans un commentaire au titre déférent - « Coup de maître du baron » (sic) - , Les Echos pensent : « la chance sourit parfois aux néophytes » (tu parles, ndr), mais surtout « le premier vainqueur, c’est peut-être Lagardère lui-même. En vendant Editis à des financiers, il évite de renforcer un des concurrents et conforte sa position de leader de l’édition française ».CQFD.

V. Et pour finir.

 Sarko, mon amour (suite). Le Parisien (19 mai) : « Il voulait se rendre incontournable, il y est brillamment parvenu », titre en Une le quotidien, avec sondage CSA sur cet « homme d’Etat qui séduit les Français ».

 La vie est belle. « Les ménages français dépensent sans compter pour se faire plaisir » Le Figaro Economie, 12 mai.

 Renouvellements de l’information ? - Traitements de choc ou cautères pour jambes de bois ?

 Présenté comme un point de vue dans Les Echos (17 mai), l’avis de Luc Fayard (à propos du « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens », de Jean Léon Beauvois et Robert-Vincent, PUG 2002), pour porter remède au dégoût qu’engendrent les dérives constatées de l’information (après un diagnostic partiel mais sans concessions sur les dérives de l’information) : « devenir soi-même son propre créateur d’informations » en formant les élèves à la technique de frappe (traitement de texte) et dès lors faire confiance à la « pertinence linguistique » de l’homme.
- Pierre Assouline, lui suggère aux rédacteurs en chef de prêter plus attention aux courriers des lecteurs (Le Monde 2 , 15 mai) pour les enquêtes.
- A signaler aussi une nouvelle sortie de magazine : Figures, qui après, celles de Tous, Citron et Toc, fait parler les « vrais » gens (les autres étant donc des faux ? ). Lire dans L’Humanité : « Quand le singulier fait recette » (17 mai).

 Ordre national du Mérite [6]. Aux grands hommes méritoires, les copains reconnaissants. Une médaille pour René Pfimlin (Le Monde Entreprises), et Yves Sabouret et Anne-Marie Couderc (Lagardère).

 Appel. Manifeste pour une presse libre (en Chine) - Courrier International, 14 mai.

 
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Notes

[1Un festival qui permet de nous en apprendre de belles, avec un goût de déjà lu, sur les dérives de l’audiovisuel face aux intermittents (Le Figaro, 12 mai), le piratage puisque près de trois millions de Français téléchargent des films illégalement (Les Echos, 12 mai) et, sur la fusion de NBC et les studios Universal de Vivendi (voir plus haut). Un festival menacé par les méchants intermittents, comme nous ejn informe la Une de France-Soir : « Peur sur la ville » (12 mai)

[2Rachat autorisé cette semaine par Bruxelles (La Tribune, 19 mai)

[3D’ailleurs, dans « Guerre et intelligence économique , L’agressivité américaine, une référence », La Tribune du 17 pointe : « Les fonds d’investissement dans la bataille » .

[4Jean-Paul Cluzel, est parrain de la fille de Juppé comme le relève Libération du 15. (Lire à ce propos, « le Juppédégé », Le Canard Enchaîné, 19 mai)

[5Le gratuit Télévision, nouvel entrant de la semaine, vise carrément deux millions d’exemplaires : un bel appel publicitaire (La Tribune, 17 mai).

[6Créé par le général de Gaulle

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