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Antisémitisme : Langlois répond au Nouvel Obs

par Acrimed, Pascal Dillane,

Dans Politis, Bernard Langlois a pris le parti du chercheur Pascal Boniface, accusé d’antisémitisme parce qu’il a recommandé au PS de condamner la politique du gouvernement israélien. Résultat : Langlois est à son tour cloué au pilori par un collaborateur du Nouvel Observateur.

Le 23 juillet 2003, Bernard Langlois revenait dans Politis (lien périmé, extraits en bas de page), sur les ennuis de Pascal Boniface, que nous avons évoqués ici (Campagne contre Pascal Boniface : Les gardiens de la bienséance pro-israélienne).

Dans un article sur le rassemblement altermondialiste du Larzac, publié dans Le Nouvel Observateur du 14 août suivant, Claude Askolovitch s’en prend à " Bernard Langlois, directeur de la revue Politis, un des organes du mouvement altermondialiste ". Langlois " a récemment exécuté le PS, coupable de ne pas rompre avec Israël, pointant nommément trois de ses dirigeants d’origine juive - Moscovici, Fabius et Strauss-Kahn, " époux d’Anne Sinclair, elle-même militante sioniste acharnée " " (lire Le Nouvel Observateur de l’altermondialisme et de l’antisémitisme).

 Le 28 août, dans son " Bloc-notes " du numéro de rentrée de Politis (lien périmé), Langlois constate :

" Ça n’a pas manqué : suite à mon dernier bloc-notes sur Boniface, le PS et Israël (Politis n° 761), un peigne-cul me traite allusivement d’antisémite, dans un article du Nouvel Observateur (2). J’ai, bien sûr, expédié un droit de réponse, conformément à la loi. À vrai dire, je me contrefous de l’opinion de ce monsieur (sauf que ça me chagrine un peu que les gens de l’Obs, qui me connaissent bien, aient pu laisser passer ça). Je suis même plutôt content de cette attaque imbécile, qui démontre précisément ce que voulait illustrer mon papier : qui critique Israël (...) est quasiment un complice du génocide ! " (...)
(2) Le Nouvel Observateur du 14 août.

 Langlois poursuit dans son " Bloc-notes " du 4 septembre (lien périmé) :

" Il est faux, il est insupportable de répandre l’idée d’une France antisémite, d’une gauche mouvementiste antisémite, d’un parti écologiste antisémite, d’un altermondialisme antisémite, comme s’y emploient avec constance certains inconditionnels de l’État d’Israël, comparables en cela à ces pompiers pyromanes à l’œuvre dans les traditionnels feux de forêts estivaux. Quand ces absurdités proviennent d’obscures officines sionistes, on peut se contenter de hausser les épaules ; quand elles émanent d’un grand hebdomadaire comme Le Nouvel Observateur, sous la plume d’un de ses rédacteurs ordinaires, il n’est pas question de les laisser sans réponse : la mienne (puisque j’y suis nommément attaqué, voir bloc-notes n° 764) a été adressée sans délai à notre estimé confrère. J’entends bien et j’attends qu’il y soit fait droit. "

 Dans son édition du 11 septembre, Le Nouvel Observateur publie en effet le droit de réponse de Bernard Langlois :

" Au beau milieu d’un article consacré à la grande manifestation du Larzac (n°2023, du 14 août), M. Claude Askolovitch croit utile de placer une digression, où, à propos d’un de mes récents bloc-notes de Politis, il me taxe, de façon allusive mais fort claire, d’antisémitisme. Traitant de la récente démission du Parti socialiste de Pascal Boniface, suite au retrait de ses responsabilités militantes dans ce parti, je dénonçais en effet la complaisance sans bornes du PS envers l’Etat d’Israël et sa politique colonialiste et raciste à l’égard du peuple palestinien. Si, comme le relève M. Askolovitch, j’y " pointais nommément trois de ses dirigeants d’origine juive ", c’est pour la part personnelle qu’ils avaient pris dans cette lamentable affaire : M. Moscovici en endossant la responsabilité de la sanction envers Boniface ; M. Fabius en démissionnant du conseil d’administration de l’Iris que dirige Pascal Boniface ; M. Strauss-Kahn, enfin, pour avoir fait huer le nom de son camarade de parti dans une réunion publique des " amis d’Israël ". Je suis étonné et chagrin que le Nouvel Observateur abrite dans ses colonnes ce journalisme d’insinuation chafouin. "

 Immédiatement à la suite du texte de Bernard Langlois est publiée la réponse de Claude Askolovitch [1] :

" J’ignore si M. Langlois se considère comme antisémite ; il en connaît en tout cas le langage. Le mot " chafouin ", épithète qu’il m’inflige, après l’avoir attribuée dans Politis à Shimon Peres, ressort du plus vieux vocabulaire antijuif. A lire Langlois dans Politis, trois dirigeants juifs, et eux seulement, ont imposé à Hollande la chute de Boniface - pauvre Parti socialiste victime d’un lobby allogène. Anne Sinclair, épouse de Dominique Strauss-Kahn, est mise en cause à son tour, qualifiée au passage de " sioniste acharnée " ! Ajoutons la dénonciation d’un " lobby sioniste " et de ses " positions de pouvoir dans l’appareil d’Etat et dans les médias " - ah, les puissances occultes ! Enfin, Langlois revendique la détestable petite phrase de De Gaulle sur le peuple juif, " peuple d’élite, sûr de lui et dominateur " ! Etrange référence. La cause palestinienne, éminemment juste, possède heureusement d’autres amis et défenseurs - dont nous-mêmes, au Nouvel Observateur. "

 Réaction de Bernard Langlois le 18 septembre dans Politis (lien périmé) :

" Diffamation (suite)

Au jeu du " stop ou encore ", Le Nouvel Observateur a choisi " encore ". L’hebdo de Perdriel et Daniel publie bien, cette semaine, mon " droit de réponse " (passablement charcuté, mais avec mon accord : rien à dire).

Mais le peigne-cul récidive en y ajoutant un texte de même longueur, toujours dans le genre fielleux et hypocrite : " J’ignore si M. Langlois se considère comme antisémite ; il en connaît en tout cas le langage. Le mot "chafouin", épithète qu’il m’inflige, après l’avoir attribuée à Shimon Peres, ressort du plus vieux vocabulaire antijuif ", etc. D’abord, il n’ignore rien du tout, puisque je protestais justement contre son accusation injurieuse ! Ensuite, " chafouin " est un adjectif bien français, présent dans tous les dictionnaires ; même si la littérature antisémite a pu l’utiliser (ce que j’ignore, ni Drumont, ni Daudet n’étant mes auteurs de chevet), je ne vois pas pourquoi elle en aurait l’usage exclusif ; et ce n’est sûrement pas M. Askolovitch (le peigne-cul en question) qui va me dicter mon vocabulaire. Je n’attaque pas les gens sur leur gueule, ce qui est en effet une pratique assez courante de l’extrême droite. Je ne l’appliquais donc pas au physique du diffamateur du Nouvel Obs, pas plus qu’à celui de Shimon Peres : je parlais des pratiques journalistiques du premier, et de la politique du second. Quant aux autres " arguments " de M. Askolovitch, ils ne font que reprendre ses insinuations premières. Dans un pays comme la France, où les lobbies sont légions (on a vu récemment la puissance de feu de celui des viticulteurs !), seuls les sionistes n’auraient pas leur groupe de pression ? M. Askolovitch galèje. Ou l’ignore. Ou le connaît trop bien... Mais l’évoquer, pour cette âme sensible, revient quasiment à se dévoiler comme l’auteur caché du Protocole des sages de Sion ! On n’a même plus le droit de citer de Gaulle (" le peuple d’élite, [etc.] "), c’est une " étrange référence " ! Heureusement qu’il se présente comme un " ami et défenseur " de la cause palestinienne, on aurait eu des doutes.

On ne doute pas, en revanche, que les lignes qu’il me consacre constituent un cas flagrant de récidive. Il y a des lois contre la diffamation. "

 Le 20 septembre, Le Figaro Magazine se saisit d’une polémique qu’on aurait pu croire jusque là circonscrite à la presse " de gauche ". Au sein d’un dossier de couverture sur " les nouveaux poujadistes ", d’une finesse remarquable (en Une figurent en vrac les photos de José Bové, Marc Blondel, Karl Zéro, etc.), Elisabeth Lévy s’intéresse aux " discours de plus en plus simplistes " [2] que " nourrirait " la situation au Proche-Orient.

La journaliste a jugé l’affrontement Langlois-Askolovitch suffisamment éclairant pour y consacrer un encadré à part : " Le torchon brûle entre l’Obs et Politis ".

Extraits. " Dans le courant de l’été, Bernard Langlois, conseiller éditorial de Politis, vole au secours de Pascal Boniface, victime, selon lui, d’une odieuse campagne d’insinuation. " Elisabeth Lévy résume ensuite l’ " affaire Boniface " de façon partiale - mais elle n’est pas la seule, on l’a vu [3] : dans sa " note confidentielle ", Boniface " affirmait clairement (sic) que le PS devait choisir entre les " Feujs " et les " Beurs " (re-sic), non seulement pour des raisons morales (re-re-sic) mais aussi par souci d’efficacité électorale. " Et la journaliste assène : " Boniface, à vrai dire, a de la chance de vivre dans un monde où le principal problème est qu’on n’a pas le droit de critiquer l’Etat juif... Certes, cela ne fait nullement de lui un antisémite. " (dont acte !) " Simplement un irresponsable de plus. " Le PS ayant " écarté " Boniface, " certains, stupidement et faussement, l’accusent d’antisémitisme, ce qui lui permet de jouer le grand air de la victime et déclenche les échanges d’invectives habituelles ", écrit Elisabeth Lévy. Ainsi, Pascal Boniface, insulté plusieurs mois durant jusque dans les colonnes des journaux les plus en vue, menacé jusque dans son activité professionnelle, " joue le grand air de la victime " !
La journaliste retrace ensuite succinctement la bataille Langlois-Askolovitch dans les colonnes de Politis et du Nouvel Obs.

 La suite ne traite pas - ou, dirons-nous, encore moins - du fond de l’affaire, mais mérite évidemment d’être signalée ici :

" La polémique rebondit sur le site Acrimed, très radical-chic, qui se fait fort de démonter la propagande médiatique. Dans le cours de l’échange, on peut notamment lire cette gentillesse : " Cet article est paru dans un hebdomadaire que la rumeur prétend "de gauche". Cela commence par un couplet méprisant que - pluralisme de la presse oblige - l’on aurait pu lire dans Le Figaro. " La tolérance, il y a des maisons pour ça. Mais, au fait, a-t-on le droit de critiquer Bernard Langlois ? " [4]

Il y a de quoi rester ébloui par cette espèce de mise en abîme exécutée de main de maître au service de la maison Figaro. Initialement collaboratrice de Marianne, où elle continue à écrire, Elisabeth Lévy a gagné en notoriété grâce à un talentueux ouvrage sur le verrouillage du débat intellectuel [5]. Désormais, elle collabore aussi au Figaro et au Figaro magazine, et compte au nombre des chroniqueurs attitrés de " Culture et dépendances ", émission nocturne animée sur France 3 par Franz-Olivier Giesbert (directeur du Point).

Elisabeth Lévy faisait aussi partie des convives d’un récent déjeuner organisé par Jérôme Monod, conseiller de Jacques Chirac à l’Elysée, " pour tester les objectifs de la future fondation qu’il veut bâtir à côté de l’UMP " (Le Point, 10 octobre 2003, " Les carnets de Catherine Pégard " - article republié le 18 janvier 2007 sur le site du Point).

Une activité très œcuménique, à croire que de vastes espaces subsistent où ne sévissent pas les " maîtres censeurs ".


PS  : Bernard Langlois, dans Politis du 23 juillet 2003 (lien périmé) :

" On vous l’avait bien dit que le livre de Pascal Boniface allait faire du bruit (...)... Non, il n’est pas permis, en France, de critiquer Israël. Du moins, pas impunément. Un écrivain, un journaliste, un expert en relations internationales qui s’y risque (hors quelques remontrances de pure forme) doit s’attendre à de sérieux ennuis, dont l’inévitable accusation d’antisémitisme.
On vous avait raconté comment le directeur de l’Iris (Institut des relations internationales) avait dû faire front à une campagne virulente visant à le virer de son poste, suite à une note interne adressée à la direction du PS (parti dont il est membre depuis 1980, après avoir milité au PSU), en avril 2001. Dans cette analyse, qui n’avait pas vocation à être rendue publique, il la mettait en garde, en sa double qualité de militant et d’expert, contre sa complaisance envers l’État juif et son gouvernement et soulignait les risques électoraux que cette attitude faisait courir au parti. (...)
Donc Boniface pond sa note. Il fait face immédiatement à une campagne de déstabilisation, comme le lobby sioniste en France sait les mener, en profitant de ses positions de pouvoir dans l’appareil d’État et dans les médias.
Comme c’est un battant, il s’est battu (sait-on assez que certains journalistes très connus ont renoncé à traiter d’Israël après de semblables attaques de ceux qui prétendent parler au nom de la communauté juive ?). Il publie donc son bouquin, où il raconte l’histoire et réaffirme ses positions. Accueil gêné de la confrérie, attaques redoublées du lobby, pour qui dire du mal de Sharon équivaut à insulter la mémoire des gazés d’Auschwitz (la sempiternelle instrumentalisation de la Shoah !) : la revue juive L’Arche lui consacre quatre pages finement intitulées « Est-il permis d’être antisémite ? ». Pascal a aussi, heureusement, des défenseurs. Parmi eux, Alfred Grosser, autorité morale incontestable et membre du conseil de surveillance de L’Express, qui publie un article dans cet hebdomadaire pour le soutenir : à la grande surprise (et indignation) de l’éminent professeur Grosser, la direction de L’Express croit bon de publier une pleine page de courrier des lecteurs insultante pour l’auteur. Grosser n’a plus qu’à démissionner.
Se faire traiter d’antisémite, voire de négationniste, et devoir protester de sa bonne foi, n’est pas agréable (2). Quand ces accusations émanent des habituels porte-parole autoproclamés du philosionisme inconditionnel, on s’y fait. Quand l’accusation vient de certains de vos amis politiques, c’est insupportable.
C’est ce que Boniface a le moins supporté : que la campagne contre lui soit alimentée par des militants socialistes, et pas des moindres. Il devait pourtant s’y attendre : le PS est le parti le plus complaisant à l’égard d’Israël de la scène politique française. C’est une très ancienne tradition qui remonte à la création de l’État hébreu. (...) Mais nombre de dirigeants socialistes sont toujours restés des inconditionnels, tel un Strauss-Kahn avouant ingénument à Tribune juive « se lever chaque matin en se demandant comment il pourra être utile à Israël », ce qui est, on en conviendra, pour le moins incongru dans la bouche d’un responsable politique français de haut rang, qui ne cache pas ses ambitions... C’est du reste encore lui, élu de Sarcelles (rassurez-vous, il n’y habite pas), qui faisait récemment huer le nom de Boniface lors des « Douze heures pour l’amitié France-Israël » organisées par les institutions juives. Mais l’époux d’Anne Sinclair (elle-même militante sioniste acharnée) est loin d’être le seul sioniste socialiste. Fabius est plus prudent dans ses propos publics : il a tout de même cru bon de démissionner du conseil d’administration de l’Iris. Et c’est Moscovici, depuis Dijon secrétaire national aux relations internationales, qui a « débarqué » Boniface de son poste de délégué. Hollande a laissé faire. C’était donc il y a juste un mois.
Depuis, Pascal Boniface a rendu sa carte du parti socialiste. Si tous les militants socialistes que révoltent la politique de Sharon (le boucher de Sabra et Chatila : imagine-t-on Bigeard ou Aussaresses présider la République française ?) et presque autant la mollesse chafouine de Pérès et des travaillistes, si ces militants avaient des couilles, ils en feraient autant.
Ce n’est pas là l’affaire du siècle, et elle ne fait pas les gros titres. Mais elle est tellement significative d’une évolution malsaine, d’une montée des communautarismes (3), d’une importation dans la vie de la société française du conflit israélo-palestinien (que je ne crois pas du tout en voie de règlement, malgré les récents développements autour de la « feuille de route »), que j’ai voulu en entretenir mes lecteurs : le procès fait à Pascal Boniface est inacceptable. "

(2) « Cette note - écrit Boniface - allait concentrer contre moi colère et même haine. J’allais devenir l’objet d’une campagne organisée. C’est une véritable fatwa qui fut lancée. Comment expliquer que le rappel de principes élémentaires ait pu susciter de telles réactions ? » (p. 196).
(3) Le Mrap dénonce ces jours-ci la floraison sur Internet de sites violemment anti-arabes, orduriers et alimentés par la fraction la plus extrémiste du lobby sioniste...

 
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Notes

[1Une pratique fréquente dans la presse bien que contestée par des spécialistes du droit de la presse comme peu conforme à la loi sur le droit de réponse.

[2Extrait du " chapo " de l’article, page 40.

[4L’article cité par Elisabeth Lévy : Le Nouvel Observateur de l’altermondialisme et de l’antisémitisme.

[5Les Maîtres censeurs, par Elisabeth Lévy, Lattès, 2002, paru depuis au Livre de poche.

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