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Actualité des médias n°17 (juin 2018)

par Benjamin Lagues, Jérémie Fabre,

Avec cet article, nous poursuivons notre série d’information mensuelle sur l’actualité des médias [1].

I. Du côté des journalistes, des médiacrates et de leurs œuvres

- Après trois ans d’agonie, les « Guignols » s’arrêtent définitivement – Vincent Bolloré a fini par avoir la peau des « Guignols » – ex « Guignols de l’info ». Dans un article revenant sur la longue période d’agonie des marionnettes de Canal +, le site Lesjours.fr rappelle que « c’est précisément l’annonce de la suppression des Guignols en juin 2015 qui a déclenché la prise de pouvoir de Vincent Bolloré à Canal + » et que « dès sa prise de contrôle à l’été 2015, Vincent Bolloré met les mains dans le latex, rencontre l’équipe, serre des mains, promet monts, merveilles et internationalisation aux marionnettes. Elle ne se fera jamais. À la place, il diligente un manuel de refonte des Guignols, révélé par Les Jours, qui fixe une nouvelle ligne éditoriale excluant la politique de l’émission (à part Chirac, la marotte de Bolloré) pour en faire un pauvre castelet où s’ébattent Kim Kardashian et des footballeurs du PSG. » Après trois ans d’agonie pendant lesquelles les équipes de l’émission ont subi « un sabotage en règle de la part de Vincent Bolloré » (des promesses mirifiques qui ne se réaliseront jamais, moins de moyens et plus de contraintes), les « Guignols » s’arrêtent donc définitivement.

- TF1 promeut discrètement ses vidéastes – Dans un reportage diffusé lors de son journal télévisé de 20h, TF1 a vanté les mérite de la vidéaste Zoé et du Studio Bubble Tea, une chaîne Youtube dont les vedettes sont des enfants de huit et cinq ans. Des reportages particulièrement élogieux, d’après Arrêt sur images, qui relève que ces vidéastes sont en contrat avec Studio 71 France, un réseau de chaînes Youtube dont le propriétaire n’est autre que… le Groupe TF1.

- François Lenglet passe à TF1 – C’est le début du mercato d’été des éditocrates. L’économiste multicartes de France 2 François Lenglet [2] va rejoindre le Groupe TF1 pour intervenir dans les JT de 13h et 20h, ainsi que sur la chaîne d’information en continu LCI. Des chaînes qui manquaient cruellement jusqu’ici de pédagogie néolibérale...

- Grève à L’Etudiant – Les salariés du magazine L’Etudiant ont massivement débrayé le lundi 18 juin. D’après France Info, le mouvement aurait en effet été suivi par 92 % de la rédaction, pour s’opposer à une restructuration du groupe décidée par l’actionnaire Marc Laufer qui envisagerait de supprimer une trentaine de postes. D’après le Syndicat national des journalistes (SNJ), les salariés du magazine « refusent une réorganisation basée sur la suppression de nouveaux postes (...) À terme, c’est la fin d’une marque plurimédia, forte et reconnue depuis plus de 45 ans, qui se profile. Réduit à la seule activité d’organisateur de salons, L’Étudiant n’aura désormais plus de valeur ajoutée par rapport à ses concurrents ».


II. Du côté des entreprises médiatiques et de leurs propriétaires

- L’Équipe livré par Amazon – Le quotidien sportif L’Équipe a intégré fin juin l’offre « Amazon Prime Now » du géant américain de la vente sur internet. Le journal pourra être livré en moins de deux heures dans Paris et sa petite couronne. Si c’est une première en France, Amazon n’en est pas à son coup d’essai en Europe, d’après Le Figaro : « Un accord similaire avec la presse a été conclu l’an passé en Espagne. Là-bas, les utilisateurs de Prime Now pouvaient se faire livrer en moins de deux heures à Madrid et Barcelone le principal quotidien national du pays, El Pais, le quotidien économique Cinco Dias, et le quotidien sportif As, tous trois édités par Prisa. (...) La nouvelle avait suscité la colère des marchands de journaux espagnols, qui y voyaient une concurrence déloyale et menaçaient Prisa de boycott. L’éditeur leur avait alors proposé des contreparties financières sur chaque vente réalisée sur Amazon. Depuis, les quotidiens de Prisa ont été retirés de Prime Now. »

- Suites de la réforme de l’audiovisuel public – La réforme de l’audiovisuel a été annoncée le 4 juin par la ministre de la Culture Françoise Nyssen. Le contenu de cette réforme est cependant partiel. D’après BFM Business, « les deux sujets les plus sensibles, le budget et la nomination des dirigeants, ne sont toujours pas tranchés et ont été renvoyés à plus tard. La nomination des dirigeants sera au menu de la future loi sur l’audiovisuel, promise jusqu’à présent pour fin 2018, mais qui est reportée à "courant 2019" » et « la question du nombre de chaînes publiques sur la TNT n’a même pas été tranchée. Certes, la fin de la diffusion hertzienne de la chaîne jeunesse France 4 a été annoncée (...). Mais la question reste ouverte sur la chaîne ultra-marine France Ô. »

Les décisions annoncées concernent la suppression de la chaîne France 4 – qui conserverait une version uniquement web – et des diffusions communes entre France bleu et France 3 (dont une matinale). Toujours d’après BFM Business, plusieurs nouveaux programmes web ont par ailleurs été annoncés : « Une offre pour les 13-30 ans avec "des programmes courts, de la comédie, de la musique, des webséries, des documentaires immersifs, des écritures interactives...", à partir des offres existantes (Mouv’, Slash, Mashable, Studio 4) ; une offre d’éducation grand public, "en lien avec l’Education nationale", lancée en 2019 ; une offre de "décryptage de l’information et de lutte contre les fake news", hébergée par le site france info, et lancée dès ce mercredi 6 juin ; une offre culturelle, avec "des captations, des webséries, des podcast", lancée fin juin. »

Des annonces cohérentes avec le « plan de transformation » de France Télévisions annoncé par sa présidente, Delphine Ernotte, très portée sur le numérique. Un plan par ailleurs guidé par un mantra : il y aura toujours moins d’argent pour l’audiovisuel public. Selon le site Offre média, la présidente de France TV a en effet assuré que « la collectivité a mille priorités à financer et n’a plus les moyens d’accompagner les dynamiques budgétaires de l’audiovisuel public ».

- Point sur la loi fake news – La loi sur les « fausses nouvelles » a été votée mercredi 4 juillet à l’Assemblée nationale. L’objectif, tel qu’il est communiqué par le gouvernement, est de « faire cesser "un trouble objectif" en période électorale » comme le rappelle La Croix. La justice aura pour objectif de « faire cesser la diffusion de fausses informations sous 48h » détaille Le Figaro. Par ailleurs, le CSA pourra « suspendre la diffusion d’une chaîne contrôlée par un pays étranger si elle propage de fausses informations. » La définition d’une fausse information continue de poser problème. En l’état, la définition retenue concerne « toute allégation ou imputation d’un fait inexacte ou trompeuse », de « manière délibérée » selon Les Échos.

- Buzzfeed licencie toute son équipe en France – La direction du site d’information et de divertissement Buzzfeed a annoncé début juin qu’elle comptait fermer sa filiale française et licencier ses 14 salariés. La direction américaine s’est justifiée en parlant d’un manque de rentabilité. Une explication qui ne tient pas la route d’après Libération, qui assure que Buzzfeed France n’est pas dans le rouge financièrement, et a même réalisé 69 000 euros de bénéfices en 2017… Après le lancement d’un grève des salariés menacés, le Tribunal de grande instance de Paris a suspendu la procédure de licenciement économique « jusqu’à ce que la maison mère américaine fournisse aux salariés des documents justifiant la fermeture de la filiale française ».

- Orient XXI et Arrêt sur images attaqués par Le Point – Pour avoir écrit sur « la complaisance de certains médias et journalistes français à l’égard du pouvoir marocain », les sites d’information Orient XXI et Arrêt sur images ont été attaqués en diffamation en décembre 2014 par la journaliste Mireille Duteil et par le magazine Le Point. Déboutés de leurs demandes financières en mars dernier, les plaignants ont décidé de faire appel de cette décision. Orient XXI a donc lancé une campagne de dons pour supporter la charge financière de ce nouveau procès-bâillon.

- Lagardère prend la tête de ses médias d’information – La réorganisation continue du côté de Lagardère Active. Après l’arrivée le mois dernier de Laurent Guimier à la direction de la radio en crise Europe 1 [3], c’est le propriétaire Arnaud Lagardère lui-même qui va assurer la direction de son pôle « news ». D’après BFM-Business, la branche médias de Lagardère Active va être divisée en cinq pôles : « Les activités se répartiront entre un pôle "Presse" (les magazines), un pôle "News" (JDD, Paris Match, Europe 1, Virgin radio et RFM), un pôle "Télévisions" (Gulli, Mezzo...), Lagardère Studios (production audiovisuelle) et un pôle "Pure Players" (Doctissimo...). » Cette division du groupe en pôles doit permettre de faciliter la vente à la découpe du groupe entamée depuis plusieurs années et dont l’épisode le plus récent est la vente du magazine Elle à Czech Media Invest [4]. Autre changement notable : le retour de Jean-Michel Aphatie [5] après deux ans passés sur le service public. D’après Le Figaro, l’éditocrate « rejoindrait Nikos Aliagas et Audrey Crespo-Mara – qui a hérité de l’interview politique – dans la matinale pour tenir un édito quotidien traitant de politique et de sujets de société tout en ayant carte blanche. » Avec un énième expert en rien pérorant sur tous les sujets, Europe 1 ne fait pas vraiment le choix de l’originalité pour redresser ses audiences…

- Le CSA avertit RT France – La chaîne de télévision russe RT France vient d’être mise en demeure par le CSA. En cause, « des "manquements à l’honnêteté, à la rigueur de l’information et à la diversité des points de vue" dans un sujet sur la Syrie », selon CBNews. Le journal en ligne ajoute que « selon le CSA, l’ensemble des éléments diffusés dans ce journal traitant de la situation en Syrie "faisait apparaître un déséquilibre marqué dans l’analyse, sans que, sur un sujet aussi sensible, les différents points de vue aient été exposés". » Une préoccupation pour « l’honnêteté, la rigueur de l’information et la diversité des points de vue » louable de la part du CSA. À quand l’application des mêmes critères aux médias dominants, dont on ne peut pas dire qu’ils se distinguent par leur objectivité et leur respect du pluralisme ?


Jérémie Fabre et Benjamin Lagues, grâce au travail d’observation collective des adhérent.es d’Acrimed

 
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Notes

[2Au sujet de François Lenglet, lire nos articles sur son oeuvre.

[5Au sujet de Jean-Michel Aphatie, lire nos articles sur son oeuvre.

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