Le mardi 25 janvier, 200 salariés de l’Agence France-Presse (AFP) votent à l’unanimité une motion de défiance contre leur direction présentée par l’intersyndicale (CGT-SNJ-FO-SUD-CFDT-CFTC soutenue par la Société des journalistes de l’AFP).
Motif ? Une « volonté d’opacité accrue sur les salaires de la haute hiérarchie ». En effet, « le personnel de l’AFP a constaté que le PDG Bertrand Eveno a décidé de sortir les directeurs du circuit ordinaire de traitement des rémunérations à l’agence ». Autrement dit, une « volonté du PDG de maintenir les mêmes pratiques condamnées par le personnel lors de la crise de l’automne (...) ». Conclusion : « "Le personnel met en garde la direction sur le maintien d’une politique de revenus parallèles pour la hiérarchie et exige le respect des minutes de discussions (...) sur la suppression des "bonus" et le retour à "un système de droit commun". »
Il n’empêche : la direction de l’AFP prétend que l’accord conclut en octobre est « parfaitement respecté ».
Le lundi 31 janvier, lors d’une assemblée générale, le personnel parisien de l’AFP vote pour la grève. Il est rejoint, le lendemain, par le personnel des bureaux de province. Appellent à la grève les syndicats CGT, SUD, CFDT, CFTC et SNPEP-FO.
Les personnels, dans un communiqué publié le 31 janvier, « exigent la communication immédiate à l’expert du comité d’entreprise des documents, prévus dans les minutes de discussion d’octobre 2004, sur les sursalaires versés à la direction, le rétablissement du circuit ordinaire pour le traitement des salaires et des notes de frais des directeurs". Ils demandent également "l’ouverture dans les plus brefs délais de négociations sur une augmentation générale des salaires", ainsi que le respect des minutes de discussion signées en octobre 2004. » [1]
Grève donc le Jeudi 3 février.
Nous publions ci-dessous, un tract de Sud-AFP [2].
« Ras-les-bonus ! » (Sud AFP)
[...] Après la forte mobilisation d’octobre contre ces bonus indécents, et la première motion de défiance, il faut un certain culot pour nous faire croire que cette décision a été prise sous prétexte qu’il faut « limiter les risques juridiques et pénaux que pourraient courir l’AFP et les gestionnaires de paie, en cas de divulgation, même involontaire de données nominatives confidentielles » (Communiqué de la Direction du 25/01/2005).
C’est un ajustement technique, pas politique, a dit Bertrand Eveno lundi à l’AG. Pas crédible !
[...].
Mais le problème de fond demeure : car un nouveau « cadre juridique » pour les rémunérations des directeurs a été adopté : la « prime mensuelle de fonction et d’alignement » des directeurs ! C’est la nouvelle appellation d’origine contrôlée - AOC - du cru 2005 des bonus !
Il n’y a donc plus de bonus et à présent « Circulez, il n’y a plus rien à voir » , dit la direction.
Tout cela après l’affaire de Caracas : la volonté de la direction de réviser à la baisse une convention collective signée il y a longtemps et qui n’avait pas été révisée depuis une dizaine d’années. Lock-out, sans consultation du CE, puis gel de cette décision et « retour à la normalité du travail », grâce à une deuxième « Motion de défiance » du personnel et aux pressions des ministères des Finances et de la Défense, contrats commerciaux obligent... [3]
Evénement significatif, puisque la fermeture du bureau n’avait pas de véritable justification financière. Nouvelle preuve que la direction est engagée dans une logique de casse :
- Suppressions d’emplois déjà appliquées au Mexique, en Argentine et au Chili.
- Fermeture du service des Cours-Matières premières.
- Projet de fermeture de la Reprographie.
- Externalisation partielle du service Magasin (les commandes de fournitures sont désormais faites par les secrétaires à un prestataire extérieur).
- Menaces sur des services rédactionnels comme le Hippique et les Sténos...
Et ce n’est qu’un début. Le Plan de départs en préretraite Perret-Gras Savoye se poursuit : chez les non-journalistes, les partants ne sont pas remplacés, contrairement aux journalistes où la direction s’est engagée à les remplacer un pour un. Logique ! Le texte du COM (Contrat d’objectifs sans moyens) avait annoncé des coupes dans les services non-rédactionnels.
Le PDG a jeté de l’huile sur le feu en AG : « Vous, les journalistes, vous êtes uniques au monde », a-t-il lancé avant de souligner que les autres catégories professionnelles devaient, elles, subir la comparaison avec les prestations extérieures. Quel mépris ! Il fut un temps où les développements techniques de l’AFP furent à la pointe et se vendaient bien. Tentative misérable de diviser journalistes et non-journalistes ! Pour nous, c’est l’AFP qui est unique, avec l’ensemble de ses personnels !
A la technique
, les développements internes sont gelés voire abandonnés : Symphonia 3, 2XML, le système de distribution par satellite Dreams vendu à Fileas, le système par internet Wires supplanté par « AFP-Direct » développé par la société extérieure Logilune, 4ème génération de consoles achetée à une société italienne...Et puis, il se passe des choses bizarres à la Photo :
- Un DRH particulier à son chevet.
- Un consultant extérieur payé très cher pour développer un logiciel de facturation.
- Des commissions Getty très élevées.
- Imageforum qui risque de disparaître au profit du serveur d’images Getty.
- Des archives qui pourraient en intéresser plus d’un.
- L’intention prêtée à Bertrand Eveno de partir avec un morceau de la Photo.
CA sent la filialisation, l’embrouille, le gros coup !
Financièrement, l’AFP maintient la tête tout juste hors de l’eau. Mais une tête vient de tomber... celle du directeur financier.
L’AFP accumule les déficits.
La marge d’exploitation est dans les clous du COM 2003-2007 uniquement grâce aux effets de change (euro fort par rapport au dollar) et à la baisse des dépenses de personnel qui sert de variable d’ajustement.
Même après la vente du siège par crédit-bail, il n’y a pas d’argent pour le développement de l’Agence : or, qui dit absence d’investissements, dit recul, déclin, casse progressive.
Une rumeur insistante fait même état d’un prochain plan de suppression de 150 postes toutes catégories !
Alors, quand reviennent les bonus...
Quand à l’urgence, la direction répond par la défiance.
Quand à la transparence, la direction répond par l’opacité.
Quand à l’effort collectif, elle répond par le privilège exorbitant.
Quand à la rigueur de gestion, elle répond par les gâchis.
Quand la bête est exsangue, mais qu’on la ponctionne encore...
Cela donne des grèves et deux motions de défiance en quatre mois.
Mais le personnel n’a pas à payer les conséquences de la politique de casse de la direction et du gouvernement.
A la pratique des bonus pour l’AFP d’en haut, plutôt que de lorgner sur des primes et promotions « à la tête du client », répondons par la demande d’une prime mensuelle de 150 euros nets pour les salariés d’en bas. Cette prime n’est pas une monnaie d’échange contre le retour à la transparence et la fin des bonus, dont nous demandons la restitution. Elle est un dû : il s’agit de récupérer la perte de pouvoir d’achat que nous avons subie malgré la forte hausse de notre productivité ! [...]
Paris, le 1er février 2005