L’inanité de « l’information en continu » – quand bien même des « envoyés spéciaux » sont sur le terrain, mais « à bonne distance des affrontements, on n’a pas pu voir », du propre aveu de l’un d’entre eux à 18h50 –, s’est donnée à voir sur BFM-TV le 25 mars de façon spectaculaire : l’« information » en direct, c’est l’information des autorités. Peu importe que d’autres sources existent... et peu importent les mensonges.
Deux exemples. À 13h38, Pascale de la Tour du Pin lance son interlocuteur, le délégué national CRS du syndicat Alliance : « Johan Cavallero, on apprend à l’instant, et c’est une source policière qui nous donne cette information, qu’en ce moment, ces activistes [...] utilisent des mortiers et des explosifs contre les gendarmes. [...] Quels sont les moyens de réponse face à ça ? » La journaliste se confondant totalement avec la police, la police est à son aise. Le syndicaliste déplore alors que « les moyens de réponse, on leur a retiré aux gendarmes ! [...] On leur a retiré les grenades offensives, notamment de désencerclement. » Et il ajoute : « Ce qu’on voit sur votre chaîne, c’est juste des grenades lacrymogènes. [...] De ce qu’on voit, y a rien d’autre. » Un « état des lieux » qui s’avèrera mensonger [1], qu’il répétera (au moins) à quatre reprises, et qui sera repris et endossé sans la moindre vérification par Pascale de la Tour du Pin : « D’accord. Ce sont des grenades lacrymogènes que les forces de l’ordre sont en train de tirer. » Heureusement que la chaîne disposait d’« envoyés spéciaux » à Sainte-Soline et qu’était présente, en plateau, Céline Pitelet, « journaliste fact-cheking de BFM-TV »... Le journalisme largue tellement les amarres que la présentatrice en vient à demander à des intervenants policiers, en duplex, de commenter les « scènes » du direct, auxquelles ces derniers, sauf erreur de notre part, n’assistent pas :
Pascale de la Tour du Pin : Le général Bertrand Cavallier est avec nous. Général de division de gendarmerie spécialisé dans le maintien de l’ordre. Merci d’être avec nous en direct, vous venez d’échanger avec l’état-major et vous êtes en mesure, général, de nous dire ce qui est en train de se passer très exactement à Sainte-Soline, de nous expliquer les images que nous voyons en direct sur BFM-TV. Que se passe-t-il ? Où en est-on, général ?
Autant lui confier directement les rênes et la présentation de l’émission, non ?
Second exemple. À 17h07, le présentateur Ronald Guintrange annonce :
On rappelle ce bilan, 16 blessés côté gendarmes, 6 nécessitant une évacuation vers l’hôpital et un gendarme qui a été héliporté, grièvement blessé. Deux blessés, deux manifestants dont le pronostic vital est engagé, c’est pour l’instant le bilan qui nous est communiqué.
Mais « communiqué » par qui ? À noter qu’en une demi-heure, le « bilan » de Ronald Guintrange passera de « deux manifestants dont le pronostic vital est engagé » à « un blessé grave côté manifestants » (17h36)... Même misère quelques instants plus tôt lorsque Dominique Rizet fait la part belle à la communication de l’Intérieur, déjà diffusée en direct sur l’antenne :
On peut peut-être donner des chiffres hein, qui ont été rappelés par le ministre [Gérald Darmanin] : 1 000 manifestants ultra et extrême gauche, 24 gendarmes blessés dont un en urgence absolue, 6 manifestants blessés dont un en urgence absolue, 15 interpellations à Sainte-Soline depuis hier [...], trois cortèges d’éléments radicaux qui se sont regroupés ce matin [...].
« Des » chiffres, en effet, à nouveau délivrés quoique largement sous-estimés s’agissant des manifestants blessés [2]... Dès 15h30 pourtant, Léna Lazare, membre des Soulèvements de la Terre (co-organisateurs de la manifestation) et présente sur le site de la méga-bassine, intervenait en duplex à l’antenne et dénombrait, à l’instant T, « au moins 50 [blessés] » dont « des blessés graves et [...] 3 urgences vitales et 3 personnes inconscientes ».
Si prompts à relayer sans aucun recul récits et chiffres de la Préfecture, les présentateurs et le service « police-justice » de BFM-TV laisseront davantage dans l’ombre les informations délivrées par les manifestants sur place concernant la répression. Présomption d’objectivité pour les uns... et de mensonge pour les autres ?
Il en est allé de même concernant les entraves aux secours. Dès 14h02, le compte Twitter officiel des Soulèvements de la Terre rapporte que « la police nous empêche d’accéder aux blessés, ils bloquent les routes et empêchent au samu d’arriver. » Une information dont dispose la rédaction de BFM-TV, puisqu’elle fit l’objet d’un entrefilet sur le fil actualité du site de la chaîne à 14h12.
Malgré l’existence de ce témoignage, la journaliste « police-justice » Mélanie Bertrand laisse la primeur de l’information à ses « sources policières » qui affirment, par sa voix, à 15h22, que des manifestants « vindicatifs » « empêchent » l’arrivée des secours. Quelques minutes plus tard, dans son intervention à l’antenne précédemment citée, Léna Lazare affirmera : « Ce qui est le plus frappant, c’est que les forces de l’ordre ont empêché les ambulances d’arriver et de prendre en charge correctement ces blessés, notamment les urgences vitales. » Recadrage immédiat du présentateur : « Alors la Préfecture dément hein, de son côté, que l’accès pour l’évacuation des blessés soit bloqué. » Léna Lazare ne s’en laisse pas compter, critiquant le dispositif policier initial, « extrêmement agressif » pour un simple « cratère vide » et réitère : « Il y a la Ligue des droits de l’Homme, voilà donc des observateurs indépendants qui ont confirmé cette histoire d’ambulance qui a été bloquée par des forces de l’ordre malgré le fait que la Préfecture démente. » Mais en plateau, après son intervention, la journaliste « police-justice » la reprend sur la base d’un « La Préfecture nous indiquait que », relayant donc à nouveau sans conditionnel le message de cette dernière, selon lequel « la progression des secours était compliquée en raison notamment de la présence de manifestants hostiles » (15h41).
Entrave des secours : les œillères de BFM-TV
BFM-TV pouvait encore creuser davantage. En l’occurrence, sur son plateau de 18h à 19h, animé par Pascale de la Tour du Pin. Sont présents Dominique Rizet, à nouveau, mais également deux représentants de la police – Jean-Christophe Couvy (secrétaire national du syndicat Unité SGP Police FO) et Jean-Paul Nascimento (secrétaire national CRS UNSA-Police), Sébastien Leurquin, « journaliste, auteur de "L’affrontement qui vient : de l’éco-résistance à l’éco-terrorisme" (Éd du Rocher) », et enfin, Bruno Jeudy et Mathieu Coache, tous deux éditorialiste et journaliste politique à BFM-TV [3]. Le premier reste, comme de coutume, au chevet des policiers, lesquels ont adopté selon lui une « attitude passive. C’est pas très élégant, c’est pas très beau, ça ne doit pas être très agréable pour [les gendarmes]. [Ils] reçoivent, reçoivent et donc ça donne ces images de personnes qui lancent des objets aux gendarmes qui ne bougent pas jusqu’à ce qu’on leur dise "allez-y". Et là, visiblement, on ne leur a pas dit ça. »
Tellement « passifs » qu’ils tirèrent 4 000 grenades selon le très gauchiste Figaro, chiffre que réhaussera Libération en relayant le décompte des autorités elles-mêmes – qui rapportent que « 5015 grenades lacrymogènes ont été tirées, ainsi que 89 grenades de désencerclement GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR » mais aussi « 81 tirs de LBD » [4]...
Noyé dans un entre-soi policier, le plateau est perturbé à 18h30 par l’arrivée de Benoît Biteau, eurodéputé écologiste présent dans la manifestation, qui jette un pavé dans la mare : « Les premiers à avoir déclenché des tirs sont les forces de l’ordre » argue-t-il avant de continuer, difficilement, son propos, interrompu par une présentatrice soucieuse de lui opposer « la bonne parole » :
- Benoît Biteau : [Les élus ont été] complétement gazés avec des grenades assourdissantes en plein milieu de la zone d’infirmerie, où il y avait des gens qui étaient en grave difficulté de santé. Et bien je vous le dis, ça ne respecte plus aucune éthique ! Ça ne respecte [coupé].
- Pascale de la Tour du Pin : Benoît Biteau, on comprend votre colère, et on ne remet pas en cause ce que vous avez vécu. Gérald Darmanin, lui, a dit l’inverse tout à l’heure. Il s’est exprimé aux alentours de 17h.
- Benoît Biteau : Gérald Darmanin était pas sur place ! Moi, j’étais sur place !
- Pascale de la Tour du Pin : Il a dit que c’était des manifestants qui avaient empêché les forces de l’ordre de faire évacuer les blessés et on ne remet pas en cause ce que vous dites...
- Benoît Biteau : C’est faux ! C’est absolument faux ! Vous voulez que je vous dise ? On a dû appeler le cabinet de madame Borne pour déclencher la venue du Samu sur place ! Et une fois qu’on a eu appelé madame Borne, le Samu s’est déplacé ! Donc c’est absolument faux, monsieur Darmanin, il était pas sur place, moi je peux témoigner et j’ai des images à votre disposition si vous voulez pour vous montrer ce que j’ai vu !
Cette propension systématique à décrédibiliser tout témoignage discordant (des voix institutionnelles) ne s’exerce évidemment que dans un sens... Et lorsque Benoît Biteau affirme que le gouvernement a contribué à créer « les conditions des affrontements [...] quand à ce point l’État piétine l’État de droit et la démocratie, quand la justice s’est prononcée et que malgré ça, on avance au pas de charge », c’en est trop pour la présentatrice :
Pascale de la Tour du Pin : Benoît Biteau, Benoît Biteau ! Benoît Biteau, l’État avance au pas de charge, c’est ce que vous dites, sur ce dossier, mais ça ne justifie pas les violences qui sont employées ! Vous ne pouvez pas cautionner ça ! Vous les avez condamnées...
Aucun des intervenants en plateau n’était sur place : « Je n’y étais pas, je ne vais pas parler de ce que je vois pas » dira par exemple le syndicaliste policier Jean-Christophe Couvy... avant de finalement parler de ce qu’il n’avait pas vu. Au milieu de cette cohue sécuritaire, le journaliste Sébastien Leurquin ouvre une brèche en remettant le sujet des entraves policières aux secours sur la table : « Les organisateurs, apparemment, expliquent que les ambulances du Samu auraient été bloquées et ça a été constaté, apparemment, par la LDH qui était sur place. » Le syndicaliste policier Jean-Paul Nascimento dément en affirmant : « On attend des consignes de la hiérarchie. » La présentatrice le relance : « Oui, mais enfin, quand même, quand il y a des blessés, c’est normal de laisser rentrer les ambulances non, même si vous n’avez pas reçu l’ordre ? » C’est alors qu’intervient « l’expert » pour recadrer l’animatrice :
Dominique Rizet : Vous ne parlez pas la même langue. Tous les deux, vous ne parlez pas la même langue ! Jean-Paul Nascimento a raison. [...] Est-ce qu’on peut imaginer une seule seconde que des policiers ou des gendarmes vont regarder des gens mourir sur le terrain, des manifestants blessés et empêcher le Samu d’approcher ? Bien sûr que non ! Ça n’existe pas ! Ça n’existe que dans des têtes farfelues hein !
Les « têtes farfelues » de la LDH, des organisateurs, de députés, de journalistes soucieux d’enquêter [5] et de bien d’autres témoins apprécieront. Les 28 et 29 mars, Le Monde d’abord et Mediapart ensuite publieront un enregistrement « qui prouve que le SAMU n’a pas eu le droit d’intervenir » et « enfonce les autorités ». Autorités qui, de leur côté, continuent de se défendre de toute entrave [6].
Mal à l’aise, la présentatrice s’auto-corrige, comme pour montrer patte blanche à Dominique Rizet :
Pascale de la Tour du Pin : Il s’agissait, en fait... le travail des forces de l’ordre, c’était de sécuriser évidemment l’évacuation des blessés et peut-être que Benoît Biteau a assisté à une scène où une ambulance n’a pas pu passer parce qu’elle n’était pas en sécurité pour aller évacuer des personnes.
Un journaliste de terrain intervient alors pour donner les deux versions [7] mais rappeler dûment la parole officielle de Gérald Darmanin, qui « dit qu’à l’inverse, ce sont les forces de l’ordre qui ont été attaquées au moment où elles voulaient faciliter l’arrivée des secours ». Après quoi l’un des syndicalistes policiers « corrobore » en parlant de « petit couac » – « les ambulances étaient sécurisées par des gendarmes, [...] donc il fallait que [...] eux puissent y aller sans que eux se fassent agresser » –, paraphrasé par Dominique Rizet :
Dominique Rizet : Non mais ça me paraît une évidence ! Il n’y a même pas à discuter quoi... je veux dire ! Si des manifestants sont blessés, des secours vont être autorisés à passer ! Si les secours n’ont pas été autorisés à passer à ce moment-là, c’est que les circonstances faisaient que ça n’était pas le moment pour les ambulances. Malheureusement pour les blessés hein. Et on le déplore. [...] Si on prend chaque élément et qu’on essaye de tordre la vérité comme ce micro pour en faire absolument un micro qui va aller par là plutôt que par ici...
Et en matière de torsion du réel, nous avons là un grand expert [8]. En tout état de cause, il y avait visiblement à discuter...
Tapis rouges pour les uns, rappels à l’ordre pour les autres
S’ensuivra, à 19h, un plateau tout chaud pour Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, intervenant seul face aux journalistes pendant plus de vingt minutes pour fustiger « des éléments très radicalisés » et vanter « le projet vertueux » des méga-bassines. Après quoi le porte-parole du collectif « Bassines non merci ! », Julien Le Guet, est invité en duplex pour n’essuyer qu’injonctions et sommations. Pascale de la Tour du Pin entame l’interrogatoire comme il se doit : « Je voudrais qu’on fasse un point sur cette journée, journée de violences, c’est quand même ce qu’on retiendra. Ces affrontements. » Ayant l’outrecuidance non seulement de pointer qu’il retiendra tout autre chose de cette mobilisation de 30 000 personnes, mais également de dénoncer les violences policières et le « piège tendu depuis trois jours par le gouvernement », la présentatrice ne se tient plus. Florilège :
- Pascale de la Tour du Pin : Julien Le Guet, euh... d’abord, est-ce que vous pouvez dire un mot sur ces violences ? Est-ce que vous condamnez les violences auxquelles nous avons assisté à la mi-journée ?
- Julien Le Guet : Je condamne les violences d’État. Je condamne notre gouvernement d’avoir [coupé]
- Pascale de la Tour du Pin : Mais toute forme de violence, Julien Le Guet ! Toute forme de violence ! Parce que les personnes qui étaient là en première ligne et qui en décousaient avec les forces de l’ordre étaient également armées !
- Julien Le Guet : Vous confondez la tyrannie et la résistance. [Soupirs en plateau.] Les gens qui étaient opposés aux forces de l’ordre, c’est pas eux qui étaient armés lourdement, c’est pas eux qui sont venus avec des bombes de désencerclement [coupé]
- Pascale de la Tour du Pin : Alors Julien Le Guet, si ! Si ! Effectivement y a 4 000 grenades qui ont été tirées du côté des forces de l’ordre, mais les activistes qui étaient en première loge face aux forces de l’ordre ont aussi jeté des projectiles. [...] Y avait des mortiers également, y avait des mortiers ! Il y avait des tirs d’artifice. Des machettes ont été retrouvées, des mortiers d’artifice. [...] Julien Le Guet ! Julien Le Guet ! Julien Le Guet ! Enfin, il faut reconnaître les choses ! Il y avait des activistes qui étaient là aussi pour en découdre avec les forces de l’ordre ! Qui étaient venues pour en découdre avec les forces de l’ordre ! Vous ne pouvez pas le nier ça !
[...]
- Julien Le Guet : On est face à un gouvernement [interrompu], non mais excusez-moi, c’est très important que vous vous en rendiez compte, on est face à un gouvernement qui depuis trois jours prépare l’opinion publique à ce qu’il y ait un mort en manifestation [coupé]
- Pascale de la Tour du Pin : Non ! Vous ne pouvez pas dire ça Julien Le Guet ! Vous ne pouvez pas dire ça ! Le gouvernement a dit que les affrontements seraient violents, il n’a pas parlé de mort. [Julien Le Guet : Vous êtes qui ?! Vous êtes journaliste ?!] Il n’a pas parlé de mort. Le gouvernement n’a pas parlé de mort ! Si vous le permettez, si vous le permettez [inaudible]
- Julien Le Guet : Gérald Darmanin a dit que des gens souhaitaient la mort de gendarmes dans nos rangs ! Il l’a dit textuellement, donc vous êtes journaliste, vous sourcez vos propos !
- Pascale de la Tour du Pin : Oui mais il n’a pas dit qu’il y aurait des morts après cette mobilisation. Juste, je voudrais, si vous le permettez, Julien Le Guet, écouter la réponse de Jean-Christophe Couvy qui est secrétaire général syndicat Unité SGP Police FO. Est-ce que vous pouvez expliquer, vous, du côté des forces de l’ordre ?
Tant la parole policière faisait défaut. Ce dernier affirmera : « Moi quand j’écoute ce monsieur, je me dis qu’on est vraiment dans l’idéologie ! On ne peut même pas parler de toute façon, il est sûr d’avoir raison ! » Une belle conclusion de type « réalité alternative ». Car si idéologie il y eut tout au long de la journée à l’antenne, ce fut indiscutablement celle du maintien de l’ordre. Quant à l’expression libre, elle ne fut, de toute évidence, pas du tout du côté des opposants.
Sur le plateau de 17h, déjà, Léna Lazare (en duplex) ne campait pas du tout le rôle attendu de la bonne opposante. Son refus de « déplorer » et de « condamner » la violence des manifestants tout en dénonçant « la violence du dispositif d’État » lui valut en effet plusieurs rappels à l’ordre. De Ronald Guintrange, d’abord :
Je vous entends avec attention Léna Lazare, mais je voudrais quand même revenir sur ce que vous voulez dire, c’est que vous ne condamnez pas des gens qui visiblement, viennent de l’étranger, qui n’ont pas grand-chose à voir, apparemment encore hein, avec le combat légitime que vous menez et qui vont brûler des véhicules de la gendarmerie, qui arrivent protégés, armés, qui s’en prennent directement à ces forces de l’ordre ! C’est quelque chose que vous ne condamnez pas ? Et que vous soutenez ?
D’Émilie Zapalski – « communicante, fondatrice de l’agence Émilie Conseil » – ensuite : « Bah c’est compliqué [...] d’entendre ça, parce que ça décrédibilise un petit peu la cause. » De Dominique Rizet, bien sûr :
Moi, je voudrais défendre un peu nos forces de l’ordre quand même ! Parce que quand on entend Léna Lazare [...] qui nous dit tout de suite « je refuse de condamner les violences » et qu’elle nous parle de l’agressivité des forces de l’ordre... ! Je vous rappelle quand même qu’on a vu des colonnes d’hommes en ordre de marche à Sainte-Soline, équipés, armés, avec des casques, des masques de ski, des masques lacrymogènes, qui transportent des marteaux, des haches, des hachettes ! Enfin ça n’a pas été inventé ces objets ! Ils ont bien été saisis sur eux ! Ces boules de pétanque, tous ces objets ! Donc ce sont des colonnes d’hommes en armes, préparés, qui montent dans la manifestation. Cette dame, [...] j’imagine qu’elle a marché comme on l’a vu ici, avec ses cheveux libres, un blouson, dans un groupe de personnes pacifiques [...]. Comment se fait-il qu’elle ne puisse pas dire : « Effectivement, on déplore que des gens s’habillent comme ça et nous accompagnent [...]. » ?!
Et de Roland Cayrol, enfin, qui pointera du doigt, après 22h, un discours « extrêmement grave ». Fermez le ban.
Les jours suivants, BFM-TV pourra recueillir des témoignages contradictoires, en particulier sur la temporalité des événements ou les entraves policières aux secours. Mais en tout état de cause, le mal était déjà (largement) fait : face à une répression d’ampleur – dont de nombreux reporters indépendants, collectifs des droits humains et titres de presse ont fait état – ayant y compris blessé et touché des journalistes [9], BFM-TV a instinctivement serré les rangs en piétinant le droit d’être informé, tout en légitimant la répression de A à Z.
Biberonné à la communication des institutions coercitives, le journalisme de préfecture a donné toute sa mesure et révélé, une fois de plus, le caractère oxymorique de « l’information en continu ». Si les journalistes et consultants « police-justice » sont en première ligne, les présentateurs sont leur porte-voix tandis que les « journalistes politiques » occupent la base arrière, entièrement occupés à disserter sur la fonction que pourrait remplir ce qu’ils appellent (et ne vivent que comme)... des « images » : « C’est important pour Gérald Darmanin et Emmanuel Macron de se placer en défenseurs de l’ordre et espérer, peut-être, qu’à un moment, l’opinion publique va se lasser aussi de ces images extrêmement violentes, et ne va plus soutenir autant ce mouvement contre la réforme des retraites, parce que c’est aussi de cela qu’on parle. Pour le moment, elle est largement soutenue. Ça peut changer avec ce type d’images. » (Mathieu Coache) Avec des médias comme ceux-ci – et d’autres, guère mieux disposés à exercer leur rôle de « contre-pouvoir » ainsi que le relevait Arrêt sur images –, les mensonges et l’autoritarisme de l’État ont encore de beaux jours devant eux...
Pauline Perrenot