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RER D - 5. L’info en direct : de la « rigueur » des radios et télévisions

par Arnaud Rindel,

Lundi 12 juillet - Grands consommateurs de dépêches de l’AFP et grands lecteurs de journaux, les journalistes et présentateurs de la radio et de la télévision prétendent « savoir », au gré des circonstances, des rumeurs et du vent...


« 
Le moindre détail peut avoir son importance  »

Alain Acco (Europe 1, 12.07.2004, 7h)


Les petits matins : La nuit ne porte pas toujours conseil

Dès le petit matin, l’information est à nouveau sur toutes les grandes stations de radio et chaînes de radio et de télévision.

Sur Europe 1, les flash-infos se chargent, dès 4h30 de nous rappeler les principaux points de cette « agression raciste et antisémite ». Il n’y a toujours aucun témoin, mais cela ne saurait tarder, puisque, nous rappelle le présentateur, « les auteurs seront retrouvés et jugés avec la sévérité qui s’impose, selon Jacques Chirac ».
Nous entendons à nouveau Nicole Guedj confirmer la version de la jeune femme. « Elle a été victime d’une agression violente », nous assure la secrétaire d’Etat au droit des victimes. Elle précise que « les services de police font ces vérifications et n’émettent a priori pas de doutes, autant que les services de la justice », et conclu donc que « cette jeune femme a fait l’objet d’une agression ».
Puis le présentateur nous rappelle qu’« un appel à témoin est lancé depuis hier soir. Les services de police demandent aux passagers du train qui ont été témoins des faits de se manifester. »

Ils n’auront pas à attendre longtemps, puisqu’à peine une demi heure plus tard, la présentatrice du flash de 5h nous annonce triomphalement que « deux personnes seraient déjà venu livrer leur version des faits ».

A 5h30, le présentateur note désormais que « les témoins sont rares » (et non plus introuvables), et Alain Acco nous confirme que « deux témoins ont été entendus hier soir par la PJ de Versailles. » même s’il concède que « l’information n’a pas été confirmée officiellement », notant à regret que « les enquêteurs préfèrent rester discrets sur le sujet. »

A 6h, « on ne sait pas s’ils ont pu livrer des information précises sur l’agression », mais à 7h, Alain Acco revient nous en dire un peu plus. « L’enquête avance, doucement mais elle avance », affirme-t-il, grâce à ces deux fameux témoins, « deux personnes qui se trouvaient à bord du RER. Il pourrait s’agir d’un couple qui a porté assistance à la jeune femme après le départ de ses agresseurs. »
A nouveau, Alain Acco note qu’il lui a été « impossible de savoir si leur déposition a permis de faire progresser l’enquête », car rappelle-t-il, « les policiers préfèrent rester discrets sur le sujet », ajoutant aussitôt : « On les comprend. »

Néanmoins, galvanisé par l’existence de ces témoins qui lui semble acquise, Alain Acco s’embrase, nous décrivant pas le menu l’immense vivier de témoins qui se présente désormais au enquêteurs. « Il y a ceux qui ont tout vu, mais qui n’ont pas osé réagir sur le moment. Il y a aussi ceux qui étaient à l’étage supérieur ou dans un autre wagon et qui ont peut-être été importuné un peu plus tôt par la même bande. ».
Puis Alain nous explique que le dénouement est proche : « Dès aujourd’hui tous les services de police vont activer leurs contacts, leur indics sur le terrain. Dès que les auteurs de cette agression se vanteront de leur exploit dans leur quartier , il y a de fortes chances pour que cela remonte très vite aux oreilles de la police.. ». [souligné par nous]

Sauvageons des “banlieues sensibles” et “d’origine maghrébine”, prenez garde ! Vos heures son comptées...

Alors qu’Europe 1 harangue ses auditeurs, France Culture rassure les siens. A 7h, les informations sur le « RER de la haine, RER de la honte » sont sans ambiguïté. « Même s’il subsiste encore des zones d’ombre et des incertitudes, la réalité des faits est implacable ».

Après une revue de presse consacrée à cette « ignoble » agression, et à « la passivité, l’indifférence des autres voyageurs », vient vers 7h45, le moment pour Alain-Gérard Slama, de déverser son fiel. Nous y reviendrons [1].

A peine les auditeurs de France culture ont-ils terminé d’écouter ce brillant analyste, qu’ils peuvent enchaîner sur France 2, où à huit heures, dans l’émission « Télé-matin », Olivier Galzi, nous replonge lui aussi dans « l’implacable » réalité : « Les agresseurs du RER courent toujours ».

Dans le reportage qui suit, le journaliste ne cache d’ailleurs pas son étonnement devant la passivité des passagers. « Il aurait suffit pourtant d’un coup de téléphone discret à la police, de s’arrêter dans une gare pour prévenir les secours, ou tout simplement de tirer la sonnette d’alarme. »
Mais ayant sans doute lu la presse, puis écouté ses confrères d’Europe 1 et de France culture, il a retenu la leçon et sait que la réalité des faits ne saurait être remise en cause.

Quant à l’incontournable Franck Carabin, du syndicat de police Synergie-Officiers, il est déjà sur les écrans, pour expliquer qu’il est impossible de « mettre un policer dans chaque wagon [...] Il y a actuellement des caméras de vidéo surveillance sur les quais. Il va falloir qu’on ait des caméras de vidéo surveillance à l’intérieur des wagons. »

Pendant que les PDG des sociétés privées de sécurité se frottent les mains, les auditeurs peuvent écouter Jean-Louis Ezine, sur France Culture, Yves Decaens, sur France Inter, Jean-Yves Chaperon, sur RTL et Nathalie Chevance, sur Europe 1, égrener les titres des « unes » dans leurs revues de presse matinales : « Le train de la haine » (Le Figaro), « Antisémitisme. Une histoire française » (Libération), « Riposte à l’ignoble » (L’humanité), « Le défi barbare » (Le Journal du Centre), « Ignoble et idiot » (France-Soir), « L’intolérable » (l’Est Républicain), « Antisémitisme. L’écoeurement » (La Provence), « La Barbarie banalisée » (Le Républicain Lorrain), « les lâches » (la Dépêche du midi)...

La plupart rapportent avant tout les faits (supposés) et les réactions d’indignation. Jean-Yves Chaperon choisit lui de centrer sa revue de presse essentiellement sur la demande de plus de sévérité et de plus de répression, car, explique-t-il, pour la majorité des éditorialistes « l’indignation est nécessaire, mais pas suffisante ».

Puis, vers 8h40, un retour sur France 2 s’impose pour ne pas rater « les 4 vérités » (autre rubrique de l’émission Télématin) où Jean-Paul Chapel interroge Ségolène Royal, récemment élue présidente de la région Poitou-charente, sur son « sentiment personnel  », puis enchaîne sur cette subtile question : « la France est-elle selon vous, antisémite ? »

A la mi-journée : tarot, astrologie, voyance...

Pour ceux qui auraient échappé au matraquage matinal, et qui ne liraient pas la presse, commence en fin de matinée une séance de rattrapage audiovisuelle.


A midi, France 3 se distingue cette fois par sa sobriété et sa prudence. Un contre-exemple qui met en évidence, pratiquement (et pas simplement en théorie), qu’il était possible de ne pas « s’emballer », comme le dit le terme un peu trop à la mode. [2]

L’affaire du RER occupe la deuxième position derrière la nomination de Raymond Domenech en tant que sélectionneur de l’équipe de France, et se limite à un commentaire laconique : « Trois jours après l’agression d’une jeune femme dans le RER D, les enquêteurs cherchent toujours à identifier ses 6 agresseurs. Un appel à témoins a été lancé.. Par ailleurs, la victime a été reçue par Nicole Guedj, ce matin, la secrétaire d’Etat au droit des victimes, tandis que la présence policière a été renforcée sur cette ligne. »

En revanche, à la même heure, sur Europe 1, Alain Acco nous offre un « point complet de l’enquête » et nous en dit enfin davantage sur les deux fameux « témoins » dont il nous rebat les oreille depuis le début de la matinée : « Il s’agit d’un couple qui a prêté assistance à la jeune femme après le départ de ses agresseurs. Et ce couple lui a laissé son numéro de téléphone au cas où, c’est comme ça que les policiers ont pu les retrouver ».
« Ce n’est évidemment qu’un début », nous précise-t-il aussitôt sans se départir de son optimisme matinal.

Une heure plus tard, sur France 2, Daniel Bilalian, ouvre à nouveau sur l’« agression antisémite » et y consacre 5’14’’ sur les 42’ que dure son journal.

Il commence par nous résumer le problème... à sa façon. « La question qui se pose est simple, pourrait-on dire, [car les problèmes paraissent toujours très simples quand c’est Daniel Bilalian qui les résume...] : comment se fait-il que personne ne soit intervenu, qu’aucun voyageur ne se soit manifesté après les faits. (...) ».
Mais, comme quoi la question n’était pas si « simple », « (...) Il apparaît par ailleurs que le témoignage de la jeune femme reste flou (...) ». Pourtant, ajoute aussitôt Daniel Bilalian dans un hochement de tête plein de compassion : « (...) on peut le comprendre.. »

Le reportage qui suit, tout aussi « compréhensif », nous précise que « pour l’instant la police judiciaire de Versailles n’a que le récit de la jeune femme, incapable de fournir une description précise de ses agresseurs », mais, assure le journaliste, la police cherche à « retrouver des témoins de l’agression », dont la réalité n’est toujours pas mise en doute.

Puis Daniel Bilalian, qui peste à nouveau contre « cette agression ignoble, révoltante », annonce les manifestations prévues, et rappelle que « le nombre d’agressions à caractères raciste et antisémite, notamment ont considérablement augmentées au cours du premier semestre de cette année ».

Il enchaîne : « Cette ligne du RER D, qui part de Paris vers la Seine-Saint-Denis, et le Val d’Oise, traverse des banlieues dites « sensibles » : Saint-Denis, Sarcelles, etc. etc. Les témoignages des voyageurs sont clairs : c’est une ligne à risque. »

Nous avons alors droit à un nouveau reportage, qui nous parle de « vol de portables », de « racket », d’« insultes » et de « sentiment d’insécurité », pendant que des usagers qui « refusent de céder à la peur », nous explique tout de même que « ça fait peur » parce que « c’est une loterie [...] quand on le prend tous les jours, effectivement, il y a un risque ».
Et le journaliste de conclure : « Sur les voies, les caméras de surveillance rassurent une partie des voyageurs, mais certains aimeraient aujourd’hui voir le dispositif élargit à l’intérieur des rames ». Si “certains” sont pour, d’autres sont donc contre. Mais ils ne seront pas évoqués.

Pendant ce temps, sur TF1, Jean-Pierre Pernaut ouvre comme toujours son journal sur la météo. Puis « avant de reparler des vacances (...) », il revient sur « les suites de cette épouvantable histoire d’agression », avant de lancer un micro trottoir sur la violence dans le RER en évoquant les « bandes de voyous font régner leur loi ».


Un après midi en compagnie d’Europe 1

Tout au long de l’après midi, tandis que l’AFP continue de reproduire les réactions syndicales et politiques qui continuent de se succéder, les flashs radio nous tiennent au courant des évolutions de l’affaire.

Sur Europe 1, en particulier, on assiste ainsi, en direct, à la volatilisation des deux fameux témoins, qui constituaient jusque là le fil rouge de la journée.
Ainsi, alors qu’à peine une heure auparavant, Alain Acco nous confirmait une fois encore leur existence, à 13h03, le présentateur n’est déjà plus très sûr... « deux voyageurs qui ont assistés à la scène se seraient manifesté pendant le week-end » [c’est nous qui soulignons].
Et dès 14h, la présentatrice nous explique que « les policiers lancent un appel à témoin ». Puis à 15h, c’est Nicole Guedj qui « lance un appel ». La journaliste nous précise que « la priorité des policiers c’est maintenant d’obtenir des témoignages. » et à 17h, relaie à nouveau l’appel à témoin des policiers.
On se dit que la pauvre n’a pas du croiser Alain Acco, et ne connaît donc pas la bonne nouvelle diffusée depuis le matin : deux témoins se sont manifestés ! L’auditeur attend donc avec impatience qu’il revienne lui-même lui en apprendre plus...

C’est le cas à 18h, et là, surprise... Le présentateur nous informe alors que « les policiers s’étonnent devant cette enquête qui décidément piétine » [souligné par nous], comme s’il s’agissait d’une information qu’Europe 1 nous communiquait depuis le début de l’affaire.

Et Alain Acco explique tranquillement qu’en effet « personne ne s’est manifesté [...] auprès de la PJ de Versailles. » Avant de préciser qu’« au ministère de l’intérieur, certains commencent à trouver ça embêtant, d’autant plus embêtant que les premières vérifications effectuées par les enquêteurs n’on pas permis pour le moment de confirmer le récit de la victime. Un exemple parmi d’autres : les voyous qui ont agressé la jeune femme. Ils sont descendu paraît-il en gare de Sarcelles. Le problème c’est que sur les enregistrements vidéos des caméras de surveillance qui ont été examinée à la loupe ce matin, on ne voit rien, ou plus exactement [car un journaliste se doit d’être précis et rigoureux...], on ne voit aucun groupe, aucune bande, qui pourrait correspondre au signalement qu’en a donné la jeune femme [...] Il existe un autre élément troublant qui intrigue les policiers. Il ont appris aujourd’hui seulement semble-t-il que la jeune femme a déjà porté plainte à plusieurs reprises ces dernières années pour des agressions. Aucune enquête n’a abouti. »

Si l’enquête a été longue au démarrage, les enquêteurs n’ont pas chômé depuis 13h... A moins que ces éléments soient antérieurs, mais n’aient pas été rapportés par Europe 1 ?

Le culot de la station radio est d’autant plus effarant que les auditeurs qui n’ont pas suivi les flashs précédents pourraient effectivement avoir l’impression que le travail d’investigation a été réellement effectué.

Impression qui va perdurer, grâce à Michel Field.

A 18h30, l’animateur sent le vent tourner. Il entame son émission de « libre-antenne » par cette mise en garde : « Nous resterons assez prudents sur le contenu même de cette agression, car on sait peu de choses, et des affaires récentes nous oblige à être très, très prudents »

A 19h, Jérôme Chapuis confirme que « l’enquête [...] piétine » et qu’« aucun voyageur ne s’est manifesté ». Alain Acco explique, toujours doctement, que « les policiers n’avaient aucune raison jusqu’alors de mettre en doute le récit de la jeune femme ».
En faisant mine de défendre les enquêteurs, il confirme subrepticement l’idée que les journalistes n’auraient fait que suivre la direction indiquée par la police et que s’ils n’avaient pas fait preuve de prudence, c’est parce qu’elle-même n’avait fait état d’aucun doute sur la véracité des faits.

Et Alain Acco rappelle, encore une fois, que les agresseurs ne figurent pas sur les bandes vidéo des caméras de surveillance des stations du RER, qu’il n’y a toujours aucun témoin, et que la jeune femme a déjà porté plainte à 5 reprises. Et comme les mauvaises habitudes ont la vie dure (même quelques heures à peine après s’être lamentablement planté...), il nous assène qu’« il est avéré qu’à plusieurs reprises, elle a menti (...) », avant de se reprendre (tout de même) et de préciser « (...) en tout cas, aucune des enquêtes menées à l’issue de ces plaintes n’a abouti. »

Michel Field reprend alors l’antenne. Aurait-il fait preuve d’autant de prudence si son émission avait eu lieu la veille ? Toujours est-il qu’ayant commencé à parler pour la première fois alors que les doutes commençaient à s’ébruiter, il a pu faire preuve de plus de prudence, et s’octroie du coup, la liberté d’une petite leçon de morale, en rappelant, au passage à qui l’ont doit les premières informations... « Vous avez entendu tout à l’heure Alain Acco. Quelques doutes sur la véracité de cette agression, donc il faut toujours être extrêmement prudent, vous m’avez entendu j’ai commencé la session à 18h30 en vous le disant, parce que évidemment entre la nécessité de réagir, et en même temps la nécessité aussi de bien vérifier les informations, et de ne pas tomber dans les pièges de mythomanes etc., la voie est étroite et il faut toujours, toujours s’y tenir (...) »

[Pour écouter la version sonore des rebondissements successifs de cette palpitante enquête d’Europe 1, voir (à paraître) : « Alain Acco mène l’enquête »]


Un soir dubitatif sur petits écrans

Alors que Michel Field se félicite lui-même de ses propres qualités, sur France 3 , Elise Lucet relaye elle aussi l’appel à témoin de Nicole Guedj, tout en reconnaissant que « pour le moment, la victime est la seule à avoir décrite les circonstances de l’agression de vendredi. »

Suit un reportage qui prend ses distances avec le témoignage de la jeune femme. Le journaliste nous rappelle que « Selon elle, aucun passager ne lui aurait porté assistance » tandis qu’un passant nous confie qu’il a « du mal à concevoir qu’il y ait eu une vingtaine de personnes et que personne n’est tiré le signal d’alarme.. » Le reportage rappelle néanmoins que « la ligne D est réputée peu sûre. Petite délinquance et incivilités y seraient fréquentes... »

Puis Frédéric Lagache, secrétaire national de France Alliance - Police nationale, estimant probablement que les journalistes ne maîtrisent pas certaines notions, explique que les policiers « effectuent ce... ce que l’on appelle “une enquête”, hein, à charge, et à décharge. »

Une heure plus tard, sur la première chaîne, Patrick Poivre D’Arvor tente, comme Europe 1, d’accréditer la thèse selon laquelle les journalistes auraient fait leur travail correctement. Tout en consacrant encore plus de 4 minutes à cette affaire qui n’en est peut-être pas une, il nous affirme donc qu’il y a «  Toujours de nombreuses interrogations ce soir après l’agression dont une jeune femme dit avoir été victime il y a trois jours dans le RER (...) » [souligné par nous].

Sous le titre : « Agression du RER : l’énigme », l’édition de 20h de France 2, aborde elle aussi « les interrogations des enquêteurs après l’agression dont affirme avoir été victime une jeune mère dans le RER »

« Que s’est-il exactement passé vendredi matin, sur la ligne D du RER ? », s’interroge David Pujadas.
Il serait temps, en effet, de se poser la question....

Car si « le jeune mère qui affirme avoir été victime de brutalités à caractère antisémite », David Pujadas nous rapporte lui aussi que « certains détails du récit intriguent les enquêteurs ». Toutefois, assure-t-il, « il est encore trop tôt pour parler d’emballement ».

Le reportage qui suit relaye l’appel de Jean-Pierre Raffarin puis donne la parole à Nicole Guedj, dont les propos, quelle coïncidence, vont dans le sens du présentateur. « J’ai trouvé face à moi une jeune femme effectivement très traumatisée, pour toutes les raisons qu’elle expose, et elle m’a parue sincère. Donc je pense qu’il faut effectivement attendre les résultats de l’enquête. »
Un avis partagé également par l’auteur du reportage, qui confirme que « la prudence est donc maintenant de mise », en sous-entendant lourdement qu’elle concerne avant tout les politiques (et en confirmant au passage que la prudence était auparavant absente).

Dominique Strauss-Kahn, nous y reviendrons, balaie le conseil d’un revers de verbe : si c’est faux tant pis, puisque cela fut vrai en d’autres circonstances.... Dominique Verdeilhan, le Alain Acco de France 2, nous explique en revanche, que (contrairement aux journalistes ?) « la police, la justice sont aujourd’hui dans une autre logique. Elle interrogent, recoupent, vérifient ». Bref, elles mènent comme qui dirait... une “enquête”.

On fait une pause...

Que retenir de cette journée audiovisuelle ?

D’abord - soit dit ironiquement - que la fabulation de Marie L. n’a pas été totalement vaine... puisqu’elle met cruellement en évidence certains traits du fonctionnement actuel de l’information radio-télévisée... même quand les faits sont ou seront vérifiés (et que leur présentation semble, pour cette raison, au-dessus de toute critique)

L’information « en direct », surtout quand elle est aux prises avec des événements « spectaculaires » - autour desquels la concurrence entre les médias fait rage - entraîne (inévitablement ?) une surenchère d’approximations (qui peuvent s’avérer fausses...) de rumeurs (qui peuvent s’avérées fondées... ou pas) de combinaison d’hypothèses (ou de simples spéculations invérifiables) et d’informations (mais dont on ne sait si elles portent sur des hypothèses ou sur des faits).

La recette de cette bouillie peut changer au fil des heures : c’est toujours avec la même assurance qu’elle est (inévitablement ?) administrée.
Certains journalistes sont un peu plus scrupuleux. Mais trop souvent, la mise en scène - toujours renouvelée - de leur soudaine (et sincère...) conversion à la prudence leur suffit pour s’absoudre eux-mêmes de leurs erreurs passées, aussitôt oubliées.

Deuxième « leçon » de cette journée audiovisuelle, parfaitement significative : la façon dont la mise en scène a été orchestrée.
A force de sous entendus, de questions orientées, de comparaisons douteuses et de préjugés livrés sans la moindre pudeur, ce tour d’horizon audiovisuel aura parfaitement rempli son office. Sous couvert d’information, tous les éléments de la grille de lecture médiatique sont mis - généreusement - à la disposition des auditeurs et téléspectateurs. Mais la constitution de cette grille de lecture est indissociable des commentaires d’éditorialistes avisés et de spécialistes convoqués pour la conforter.

Qu’importe les faits pourvu qu’on ait l’ivresse...

... Comme nous allons le voir

...après un intermède sonore : « Europe 1 mène l’enquête... » (à paraître)

Arnaud Rindel

 
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Notes

[1Lire (à paraître) : « La pensée de surplomb »

[2Ce contre exemple confirme celui que La Croix a fourni, dans la presse écrite (Voir : « RER D - 3. L’info en différé : de la « sobriété » de la presse écrite... [1] »).

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