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Attac dans la presse pensive et pensante (1)

Quand Le Point s’inquiète pour le réalisme de gauche

par Henri Maler,

Rendons grâce à la droite avérée qui ne dissimule pas ses détestations. Dans Le Point n°15776 du décembre 2002, l’hebdomadaire où chantent en chœur Claude Imbert, Jean-François Revel et Bernard-Henry Lévy, on peut lire un éditorial pontifiant du premier nommé, suivi de l’ « enquête » d’un grand investigateur.

Quand Claude Imbert défend " la mission d’une gauche moderne "

Cela s’intitule : " Ces anathèmes qui plombent la gauche "

"[...] La mission d’une gauche moderne est de retrouver ses marques perdues dans une société qui a changé plus vite qu’elle. Or le tropisme de la radicalité qui entraîne toujours la vieille gauche ressasse la même vulgate, les mêmes exorcismes de l’ancien dogme.

Le délit de " fascisme " prononcé depuis cinquante ans, à tort et à travers, et l’obsession maniaque de l’avant-guerre ont, à la gauche de la gauche, détraqué toute jugeote. Les maux, certes bien réels de notre actuelle démocratie, sont abordés avec un logiciel hors d’usage : le souci de sécurité y est déprécié comme un " fantasme sécuritaire " ; la persistance du chômage est traitée selon le principe éculé de la manie redistributrice (réduire, chez les uns, le travail par les 35 heures en donnera à d’autres...) ; le drame des ghettos urbains et des misères de l’intégration est escamoté pour ne pas prêter le flanc au prétendu " racisme " ; la menace du terrorisme islamiste, diluée dans le procès d’Israël ; l’échec du sous-développement arabe, imputé au capitalisme des pays riches, etc.

Cet archaïsme défensif, agressif, compulsif (" fascisme ", " racisme ", " réac ") signe les derniers feux d’une utopie en perdition. Elle tente en vain de se ranimer dans la dénonciation abstraite de la mondialisation abordée, là encore, non comme un état de fait, mais comme un complot ploutocrate. Ni Attac, de plus en plus livrée à l’ultragauche, ni les palinodies judéophobes de José Bové, ni l’antiaméricanisme passionnel ne seront de quelque secours pour soigner les désordres de la nouvelle donne mondiale. La fuite romantique dans les nuages, le recours à la hargne contre les socialistes réalistes - il y en a ! - ne concourent qu’à la ruine de l’opposition : d’abord, en la divisant ; ensuite, en l’isolant de plus en plus de ses voisins européens."

Claude Imbert, on le voit est désolé pour la gauche réaliste qui, en la personne de Jacques Julliard, lui sert d’interlocuteur pluraliste sur LCI. Mais Le Point a plus d’une larme à consacrer à son affliction...

Quand "Le Point" sonde la personnalité de Jacques Nikonoff

Page 46 du même numéro du Point, on peut lire un article signé Charles Jaigu, dont le titre délicat est à lui seul un éditorial :

" Attac - Jacques Nikonoff, le camarade-président "

Chapô : " Un professeur, ancien ouvrier, passé par l’Ena et le Parti communiste, prend la tête de l’association ". L’exercice de style qui suit vaut le détour.

A grand renfort de déclarations anonymes ou inventées, notre journaliste d’investigation trace ainsi le portrait du président d’Attac.

Cela commence ainsi :

" "Chers amis, chers camarades ", a lancé Jacques Nikonoff, le nouveau président d’Attac, lors de son discours de clôture aux assises du mouvement, le 1er décembre. Certains membres du conseil d’administration ont frissonné en entendant " cette adresse qui avait un parfum d’un autre temps, version stal ". "

Qui parle ainsi ? Nul ne le sait. Ces frissons et ces propos ont-ils jamais existé ? Qu’importe...Notre zélé journaliste est déjà passé à la phrase suivante :

" Attac, l’association issue des luttes sociales de 1995, et qui réclame la " taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens ", détient aujourd’hui un butin de 28 000 adhérents et vit dans la hantise des tentatives d’OPA inamicales de tous les partis de gauche qui ont pour elle les yeux de Chimène. "

Ainsi, " Attac, de plus en plus livrée à l’ultragauche " (Claude Imbert) détient un " butin "...

" Seule certitude : Bernard Cassen, l’ex-président fondateur et patron du Monde diplomatique, garde, avec cette nomination, la haute main sur cette " pépinière de l’antimondialisation ". " Les deux présidents d’honneur sont des journalistes du Diplo, il faut garder cela à l’esprit pour comprendre ce mouvement ", lâche un animateur de l’association. "

Quel est cet animateur, réel ou imaginaire ? Nul ne le sait. Notre journaliste protège ses sources...

(...)

" Appelé en 2000 par Robert Hue à la direction du PC, Nikonoff a retrouvé la maison mère après seize ans d’école buissonnière : " J’ai cru que l’on pourrait changer les choses de l’intérieur ", explique l’économiste - il enseigne à Paris-VIII -, qui n’a pas pu durcir la ligne du PC et obtenir la rupture de l’alliance avec le PS. " Il a cru qu’il avait une chance de prendre la place de Hue ", ironise un de ses collègues économistes. "

Quel est cet avisé collègue ? Réel ou imaginaire ? Nul ne le sait. Notre journaliste protège ses sources...

" Distingué par Cassen, Nikonoff s’inscrit dans la ligne très " intello " d’Attac. " Il a trop vite une opinion sur tout. Or une de nos fonctions d’éducation populaire, c’est d’expliquer qu’il n’y a pas de certitudes ", regrette un membre du bureau d’Attac. Mais le professeur, dans l’attente du rendez-vous à haute tension du G8 à Evian en juin 2003, continuera d’annoncer qu’" un autre monde est possible "

Quel est ce membre du bureau d’Attac ? Réel ou imaginaire ? Nul ne le sait. Notre journaliste protège ses sources...

Et laisse suinter son mépris pour " le professeur " qui n’a pas compris la leçon du Point : aucun autre monde n’est possible.

De là, cette alternative :

 Ou bien cet article à charge est fabriqué à partir de citations inventées ; et il est inutile d’insister sur ce qu’il convient de penser d’un tel journalisme ;

 Ou bien cet article à charge est fabriqué à partir de citations réelles ; et on est en droit de se demander quel autre monde serait possible, si tel " membre du conseil d’administration ", tel " animateur " ou tel " membre du bureau " prétend tirer parti du droit d’ingérence que s’attribuent certains journalistes, évidemment respectueux de la vie démocratique des formations collectives.

 
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