Accueil > Critiques > (...) > « Indépendance ? » Procès, violences et répression

Luxleaks : un procès honteux (SNJ), un procès inique (SNJ-CGT)

Assez de duplicités ! D’un côté féliciter les lanceurs d’alerte qui ont révélé les « Panama Papers » et de l’autre adopter la directive sur le « Secret des affaires ». D’un côté, faire silence sur le rôle qu’a pu jouer Jean-Claude Junker (à l’insu de son plein gré), ex-premier ministre du Luxembourg et désormais Président de la commission européenne et de l’autre poursuivre deux lanceurs d’alerte (dont Antoine Deltour) et un journaliste (Edouard Perrin) dans « l’affaire Luxleaks ». C’est pourquoi Acrimed approuve les communiqués respectifs du SNJ et du SNJ-CGT que nous publions ci-dessous.

I. Un procès inique contre la liberté d’informer ! (SNJ)

Le journaliste Edouard Perrin ainsi que deux lanceurs d’alerte comparaissent ce mardi 26 avril devant le tribunal correctionnel de Luxembourg.

Les deux lanceurs d’alerte, Antoine Deltour et un second qui a souhaité rester anonyme, sont prévenus de « vol domestique, de divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et de blanchiment ».

Edouard Perrin a été inculpé en avril 2015 par la juge d’instruction luxembourgeoise Martine Kraus pour « complicité de vol domestique, violation du secret professionnel, violation de secrets d’affaires, blanchiment ».

Leurs crimes : avoir révélé dans une enquête réalisée par Edouard Perrin et diffusée par le magazine « Cash Investigation » sur France 2 en mai 2012 les pratiques d’évasion fiscale de grandes multinationales, telles que Apple, Ikea et Pepsi, établies au Grand-Duché. L’enquête est basée sur des documents fiscaux du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC) à Luxembourg. Ils risquent tous des années de prison et des énormes amendes.

Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, totalement solidaire de son confrère et des lanceurs d’alerte, constate que ce procès honteux ne peut tomber mieux :
- en plein scandale dit des « Panama Papers », qui décrit la voracité financière et la malhonnêteté de nombre de personnages publics : politiques, magnats d’industrie et même fonctionnaires de très haut niveau ;
- au moment précis également où la directive européenne liberticide sur le secret des affaires, votée par le parlement européen le 14 avril dernier, va être présentée pour validation devant le Conseil de l’Union européenne le 17 mai prochain.

Le SNJ constate que :

- les lobbys pro affairistes qui s’appuient sur la naïveté et l’ignorance de quelques éditorialistes, faiblesses grandement partagées par nombre d’élus européens et nationaux, ont presque réussi leur travail de corruption mentale.
- qu’après Denis Robert, entièrement conforté dans le bien-fondé de ses enquêtes et leur sérieux par la Cour de cassation, les journalistes sont toujours poursuivis et les lanceurs d’alerte stigmatisés, poursuivis et abandonnés, malgré toutes les promesses publiques.

Ce triste procès préfigure assez ce qui attend celles et ceux qui font un travail légitime pour l’intérêt public si la directive « secret des affaires » était validée. Le SNJ espère que les juges luxembourgeois seront sensibles aux opinions publiques et à l’intérêt général que les mis en cause ont servi. Le SNJ rappelle que le droit d’informer et d’être informé est la base de toute démocratie.

Découvrez le site du comité de soutien à Antoine Deltour, et signez la pétition.

II. Luxleaks : un procès inique (SNJ-CGT)

Le procès des deux lanceurs d’alerte Antoine Deltour et le journaliste Edouard Perrin s’est ouvert mardi 26 avril au Luxembourg dans le cadre de l’affaire du LuxLeaks.
Antoine Deltour et Edouard Perrin, qui sont poursuivis pour « vol domestique, d’accès ou de maintien frauduleux dans un système informatique, de divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et de blanchiment-détention des documents soustraits », risquent jusqu’à 5 ans de prison et plus de 1 million d’euros d’amende.

Edouard Perrin a révélé dans son enquête pour l’émission « Cash Investigation » diffusé par France 2 les pratiques des multinationales au Luxembourg concernant l’évasion fiscale.

Pour le SNJ-CGT, ce procès est infondé sur le fond et la forme. Comment admettre qu’Antoine Deltour et Edouard Perrin qui ont contribué à mettre en lumière des pratiques financièrement très dommageables pour les Etats, se retrouvent aujourd’hui sur le banc des accusés.

Inique ce procès car il intervient après la publication des fameux « Panama Papers » qui ont montré le besoin de transparence pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale des multinationales et la nécessité de garantir la protection des lanceurs d’alerte.

Il y a pour le moins une hypocrisie des gouvernements en Europe. D’un côté on se félicite, comme l’a fait François Hollande, des révélations des Panama Papers en affirmant : « Je remercie les lanceurs d’alerte, je remercie la presse qui s’est mobilisée (...) c’est grâce à un lanceur d’alerte que nous avons ces informations (...) ils prennent des risques, ils doivent être protégés ». De l’autre on traîne en justice les auteurs du « Luxleaks » dans le silence honteux du gouvernement français.
De plus, ce procès se déroule à l’issue du vote de la dangereuse directive sur le secret des affaires votée le 14 avril par le Parlement européen, un texte qui menace la liberté d’expression. Avec une telle directive, les révélations comme les Panama Papers seraient-elles encore possibles ?

Le SNJ CGT adresse un message de soutien à Antoine Deltour et Edouard Perrin. Il condamne ce procès et interpelle à ce sujet le Luxembourg.

Il appelle enfin à poursuivre la campagne avant la réunion du Conseil européen le 14 mai avec les 54 ONG et syndicats en Europe contre la directive Secret des affaires, qui constitue une menace pour la liberté d’expression et pour les lanceurs d’alerte.

Montreuil, le 25 avril

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

A la une

France Inter, Sciences Po et la Palestine : « nuance » ou calomnie ? (3/3)

Comment France Inter défigure un mouvement étudiant.