48 heures seulement après les résultats des élections européennes offrant à Jordan Bardella le score de 31,4% des suffrages exprimés, la direction de Radio France a choisi de donner des gages à l’extrême droite et aux censeurs de tous bords en licenciant l’humoriste et chroniqueur de France Inter Guillaume Meurice pour « faute grave ». La « faute » consiste à avoir réitéré le 28 avril dernier sa blague sur le Premier ministre israélien (« Netanyahou est une sorte de nazi mais sans prépuce »), après avoir été acquitté en justice des plaintes déposées à son encontre.
En novembre 2023, alors que l’humoriste avait reçu un « simple avertissement » de la part de sa direction, Pascal Praud s’était insurgé sur la chaîne d’extrême droite CNews : « Honte à Sibyle Veil, PDG de Radio France ! Honte à Adèle Van Reeth, PDG de France Inter ! Le message est clair pour les antisémites, pour les antisionistes, pour ceux qui déversent leur haine contre Israël : continuez ! Sur France Inter, il ne vous arrivera rien. » (7/11/23) Et d’ajouter : « La lâcheté de la direction de Radio France illustre le rapport de force qui existe entre Mme Veil, Mme Van Reeth et leurs salariés. » Même argumentaire dans le journal d’extrême droite Causeur, qui dénonçait l’indulgence de Radio France assurant que « le plus grand risque à courir [pour Guillaume Meurice] est d’écoper d’un cruel "avertissement" » (13/11/23). Plus récemment, le philosophe médiatique réactionnaire Alain Finkielkraut s’était « étonné qu’aucune sanction n’avait été prise contre lui » (BFM-TV, 5/05). « Licenciement, sanction ? On attend ! » vociférait encore sur X (31/10/23) le député franco-israélien Meyer Habib, soutien et ami personnel de Benyamin Netanyahou, qui accusait Guillaume Meurice d’être un « héritier de Je Suis Partout et de la pire presse antisémite » et de « ressuscite[r] l’antisémitisme de salon », fustigeant un « service public [...] truffé d’antisémites ».
Aujourd’hui, la dirigeante de la radio publique tape fort et s’aligne sur les injonctions de l’extrême droite en excluant Guillaume Meurice de France Inter. Une censure qui n’est pas sans rappeler celle qu’avait subie Didier Porte en juin 2010 lorsqu’il avait été renvoyé de la même antenne par Philippe Val et Jean-Luc Hess.
La concordance des événements est frappante. Quand Jordan Bardella réclame la dissolution de l’Assemblée nationale, le président de la République s’exécute. Quand l’extrême droite médiatique ordonne le licenciement de Guillaume Meurice, la directrice de Radio France obtempère. Face à la menace d’une privatisation des médias publics en cas d’ascension au pouvoir du Rassemblement national, et face aux risques de censure à venir, cet épisode n’est qu’un tour de chauffe.
Contrairement à Sophia Aram et ses amis, Acrimed apporte son soutien sans faille à Guillaume Meurice et dénonce la censure dont il est victime.
Mathias Reymond
Addendum : le 12 juin, Guillaume Meurice a publié sur ses réseaux sociaux (ici sur X) une « Lettre à France (Inter) ».