Depuis quelques semaines, des informations qui n’ont été ni officiellement confirmées ni démenties font état de discussions entre le fonds d’investissement Candover et la Socpresse, pour la reprise éventuelle du Progrès et du Dauphiné Libéré, les deux titres du pôle Rhône-Alpes du groupe récemment racheté par Dassault. Candover pourrait mettre 250 millions d’euros dans l’opération. [1]. « Candover confirme son intérêt pour le groupe Progrès », titrent les Les Echos du 20 avril 2005, tandis que, sur « Caractères », le site des professionnels de l’imprimé » on pouvait lire, sous le titre « Candover intéressé par le groupe Progrès » ceci : « Le fonds d’investissement Candover aurait lancé un audit de certains actifs de la Socpresse détenus par le groupe Dassault. Serait visé, le groupe Progrès. En revanche, le groupe Dauphiné Libéré ne serait pas concerné. [...] »
Bref, des informations conditionnelles et/ou raréfiées persistantes en lieu et place d’une information transparente. Inacceptable. Mais faut-il s’en étonner ?
Fonds d’investissement britannique, Candover n’est pas un inconnu dans le secteur des médias. Avec le fonds d’investissement Cirven, il a participé à l’achat de Kluwer Academic Publishers au groupe Wolters Kluwer, puis à celui de la division de presse professionnelle du groupe allemand Bertelsmann, avant que les deux entités ne fusionnent (Lire : La presse spécialisée à l’encan et Bertelsmann : recentrages de 2003-2004) [2]
Selon le dernier rapport annuel de Candover (2004), les médias représentent 22% des investissements du groupe. Une pacotille...
Course au profit et opacité. De quoi justifier la lettre suivante des salariés de La Tribune Le Progrès (Saint-Etienne) :

A ces Messieurs de Candover, candidats virtuels au rachat potentiel ;
Vous, qui passez sans nous voir...
Il faut que vous sachiez que Saint-Etienne (on nomme ses habitants les Stéphanois) se situe bien sur le territoire de la République française. Cette ville à l’honneur d’abriter un journal quotidien (vous savez, ce truc en papier couvert d’encre), La Tribune Le Progrès. Ce titre fait partie d’un groupe, la Socpresse, récemment acheté par Dassault, encore plus récemment mis en vente par appartements.
Il semble que vous, Candover, soyez attirés par l’odeur de cette vente. En tout cas, vous circulez beaucoup autour des journaux de la Socpresse, en ce moment.
Dans cette Socpresse, le membre Ouest vient de changer de mains. Ouest France est devenu l’heureux propriétaire des journaux Presse Océan, Le Maine libre, Le Courrier de l’Ouest, tous quotidiens de Bretagne.
Il existe un pôle dit Rhône Alpes, dont nous faisons partie, et pas de façon clandestine contrairement à ce que vous semblez penser, vous, les messieurs de Candover. Il nous semble étonnant que sitôt acheté par Dassault, notre groupe soit déjà sur le marché. Nous ne sommes pas spécialement attachés au propriétaire actuel. Autant Sénateur que son fils est député, Dassault fournit les avions militaires de la République et les jets aux milliardaires. Pas tout à fait notre monde...
Mais il nous semble spécialement désagréable de nous endormir le soir Hersant, de nous réveiller le lendemain matin Dassault et, le midi, de nous découvrir méprisés par le prochain éventuel propriétaire. Sommes-nous des serfs, vendus avec la terre des seigneurs ? Pourtant, d’expérience, nous savons que ces ventes mettent en péril les titres, que le pluralisme y laisse des plumes, que la vocation informative des journaux est soumise aux impératifs de rentabilité. Les candidats au rachat font leur marché, et mettent dans leur caddie ce qu’ils veulent, ce qui leur semble juteux, rentable.
Précisément, il nous apparaît que vous vous bouchiez le nez à la seule évocation de notre titre, La Tribune Le progrès. Notre titre ? Nous n’en sommes pas propriétaires, mais nous le défendons depuis tant d’années qu’il est un peu - et même beaucoup - devenu le nôtre. En tout cas nous y sommes plus attachés que les opérateurs des ventes en cours.
Nous ne savons pas si le mot « transparence » a un sens dans la langue pratiquée par votre fonds d’investissements Candover. Pour nous transparence signifie que nous entendons dès aujourd’hui mettre fin au secret, aux rumeurs, aux fausses nouvelles. Vos transactions peuvent avoir de très lourdes conséquences sur la vie de notre journal et sur nos vies professionnelles.
N’y allons pas par quatre chemins : nous voyons d’un très mauvais œil les transactions en cours, et si, de plus, une entente secrète Socpresse - Candover devait remettre en cause l’existence même du titre, nous nous battrions avec l’énergie de l’espoir pour la survie de La Tribune.
Messieurs de Candover, messieurs de Socpresse, vous n’avez pas le droit, dans la clandestinité de vos arrangements, de porter atteinte ni à la vie de La Tribune, ni de porter atteinte au pluralisme dans notre région. Avec nos collègues des titres du groupe Delaroche, nous vous faisons savoir, par la présente lettre, que La Tribune n’est pas ni à vendre ni candidate au sabordage pour des raisons d’opérations commerciales rentables.
La Tribune vivra à Saint-Etienne, avec tous ses salariés, du journaliste au rotativiste.