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L’Usine Nouvelle et le groupe de presse GISI saignés par les fonds d’investissement

Le groupe de presse professionnelle GISI (Groupe Industrie Service Info), qui publie notamment L’Usine Nouvelle, est victime d’une restructuration drastique dont le seul but est d’enrichir les fonds d’investissement qui en sont propriétaires. 25 % des effectifs, 75 personnes vont être sacrifiées (et les caisses de l’Unedic vidées) pour une rentabilité à deux chiffres. Il n’est pas certain que le groupe survive très longtemps à la saignée qui lui est infligée. 110 personnes ont fait grève pendant trois jours (les 17, 18, et 21 mars 2005). Nous publions ci-dessous un appel des salariés en grève du groupe GISI (Acrimed).

Les salariés grévistes de GISI*, premier groupe français de presse professionnelle, demandent au Gouvernement d’intervenir dans le projet de restructuration qui vient de leur être présenté. Cette restructuration, dont le seul but est d’enrichir les fonds d’investissement Carlyle, Apax et Cinven, va contribuer à vider les caisses de l’Unedic et hypothèque sérieusement l’avenir de journaux majeurs dans le paysage économique français.

25 % de suppressions de postes pour une rentabilité à deux chiffres. 75 suppressions de postes sur un effectif de 355 salariés, ont été annoncées en CE le 15 mars par Philippe Santini, le PDG du groupe GISI* (premier groupe de presse professionnelle en France qui édite l’Usine Nouvelle, LSA, l’Argus de l’assurance, l’Echo touristique, Industrie et technologies, Néorestauration, Emballage magazine, Transport et technologies, Stratégies Logistique).

Parmi eux : 42 journalistes, 12 employés, 21 cadres (en plus de la vingtaine de licenciements réalisée depuis l’arrivée du nouveau Pdg en septembre dernier).

La restructuration drastique de GISI a pour objectif n° 1 la rentabilité à court terme avant la vente du groupe

- Pour preuve : le 23 février dernier, Carlyle, un des principaux actionnaires d’Aprovia, maison mère de GISI *, diffusait une publicité dans la presse économique pour dire : « Carlyle Europe remercie ses équipes de direction pour cette année exceptionnelle ». Aprovia figurait parmi les sociétés encensées.

- Philippe Santini tient un double discours depuis le début : à la presse économique, lue par ses actionnaires et par d’éventuels repreneurs (voir Les Echos du 28 janvier 2005), le PDG affirme viser un Ebitda (résultat opérationnel avant dépréciation et amortissement) à deux chiffres. Devant les salariés, il dit, sans rire, qu’il s’agit d’assurer la survie d’un groupe en péril.

- En CE, il ouvre la première réunion de négociation de la restructuration en disant qu’il s’apprète à faire des acquisitions de titres. S’il licencie 75 personnes, c’est dans un but de croissance externe. Il ne s’en cache même pas !

La restructuration drastique de GISI hypothèque sérieusement l’avenir des journaux. Le mal nommé « plan de redéploiement » n’évoque que des amputations, pas de perspective de développement des titres. Il faut s’attendre à une détérioration de la qualité des journaux et, à terme, à une fuite des lecteurs. Le redressement de la rentabilité, qui sera obtenu par l’effet mécanique de la baisse de la masse salariale, risque de masquer à d’éventuels repreneurs la dégradation de l’image des journaux. Ces repreneurs risquent à leur tour d’avoir à faire une restructuration. Et ainsi de suite, jusqu’à épuisement complet de journaux jusque là en bonne santé.

La restructuration drastique de GISI devrait vider encore les caisses de l’Unedic pour enrichir une poignée de financiers. 75 personnes vont être acculées à solliciter l’Unedic. Les citoyens cotisent-ils pour permettre à quelques habiles financiers de s’enrichir en tuant à petit feu les entreprises sur lesquelles ils s’acharnent ?

La restructuration drastique de GISI est une insulte aux lecteurs. Comme dans bien des cas de restructurations, le patron décide du nombre de licenciements. et il invente le discours justificateur après. Philippe Santini a confié cette mission à AT Kearney. Le cabinet d’audit a imaginé un concept : le Taux d’utilisation du journaliste (TUJ). Il s’agit de mesurer la productivité des journalistes au nombre de signes qu’ils publient. Or, les lecteurs savent bien que les journalistes peuvent passer des semaines à enquêter sur un sujet court. Pour augmenter leur TUJ, les journalistes devront-ils se contenter de copier des dossiers envoyés par les services de presse des entreprises sans rien vérifier ? C’est ce que préconise implicitement AT Kearney. C’est la porte ouverte aux dérives du journalisme. C’est une insulte faite au lecteur.

Pour ne pas voir tomber en décrépitude des titres majeurs de l’économie, pour ne pas vider inutilement les caisses de l’Unedic, les salariés du groupe GISI demandent à
Jean-Pierre RAFFARIN, Premier ministre,
Jean-Louis BORLOO, Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale,
Gérard LARCHER, Ministre délégué aux Relations du travail, auprès du ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale,
Thierry BRETON, Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie,
Patrick DEVEDJIAN, Ministre délégué à l’Industrie, auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie,
François LOOS, Ministre délégué au Commerce extérieur, auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie,
Léon BERTRAND, Ministre délégué au Tourisme, auprès du ministre de l’Equipement, des Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer,
Serge LEPELTIER, Ministre de l’Ecologie et du Développement durable,
Renaud DONNEDIEU de VABRES, Ministre de la Culture et de la Communication,
Christian JACOB , Ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat, des Professions libérales et de la Consommation,
Nicole AMELINE, Ministre de la Parité et de l’Egalité professionnelle,

d’intervenir auprès des fonds d’investissement qui s’apprêtent à démanteler le premier groupe français de presse professionnelle.

Les salariés en grève du groupe GISI

 Lire également : L’actualité des médias n°39 (16 mars au 6 avril 2005), L’Usine nouvelle et ses (quo)tas de mots à produire, L’actualité des médias n°36 (1er au 30 janvier 2005) (III. Presse écrite) et La presse spécialisée à l’encan (Acrimed).

 
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