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Les médias et la mort de Pierre Bourdieu

Le Figaro se déchaîne

par Henri Maler,

Les éructations d’Alain-Gérard Slama sur France Culture et dans les colonnes du Figaro donnent déjà le ton. Mais on s’en voudrait d’oublier que Le Figaro, le lendemain de la mort de Pierre Bourdieu, a consacré plus d’une page à rendre l’hommage qui convient au sociologue... en le présentant à la “une” comme un philosophe : « Pierre Bourdieu – Ce que laisse le philosophe disparu ».

Ce que laisse le sociologue disparu ? Rien ou presque.

Pour l’établir, il faut néanmoins deux articles et trois entretiens. Le Figaro du 25 janvier 2002, p. 12 et p.13.

Deux articles pour penser

 1. Premier article : « Bourdieu : radicalité de la misère, misère de la radicalité ».

Sous ce titre prometteur, Joseph Macé-Scaron ne rate pas une occasion d’étaler son ignorance vindicative. Extraits :

«  Le point nodal de la démarche bourdivine tourne autour de l’idée qu’il existe un lien étroit entre les positions sociales et les dispositions individuelles. Un préjugé (sic !) qui assigne l’individu à résidence et appréhende, en fait, nos sociétés d’une manière fort peu sociologique : celles-ci ne sont elles pas représentées dans l’œuvre de Bourdieu comme aussi déterministes et invariantes que les sociétés traditionnelles ».

La question, en effet, mérite d’être posée !

- « On ne notera que là où la sociologie découvre des problèmes, Bourdieu révèle une machination ».
- « Bourdieu n’interprète même pas : il glose ».

Après 1995, c’est encore pire :

« Depuis cette époque, tout antibourdivin est un chien. Il faut choisir : on est dominant ou dominé (…) »

L’œuvre de Pierre Bourdieu étant nulle, son principal apport mérite un zéro pointé :

« Son principal apport reste à chercher du côté du premier Bourdieu, dans ce déterminisme naïf qui permet encore à la sociologie de régner en maître sur les sciences sociales et d’accueillir en son sein les travaux d’Elisabeth Tessier. »

 2. Second article : « Un itinéraire intellectuel et militant ».

Sous ce titre d’une sobriété alléchante, Sébastien Lapaque récapitule ce que fut Pierre Bourdieu :

- Le chef d’une secte solidement structurée et parfaitement disciplinée : « Autour de lui, intellectuels, journalistes et professeurs vivaient en réseau solidement structuré, diffusant la parole du maître avec une parfaite discipline ».

Le créateur d’un ramassis de concepts teintés de marxisme : «  Des premiers livres de Pierre Bourdieu, étaient sortis des concepts teintés de marxisme bientôt ordonnés en système : l’objectivation, la reproduction, la violence symbolique, la domination masculine, la communication pédagogique, le capital culturel. »

On s’étonne que Sébastien Lapaque ait oublié que Bourdieu est aussi l’inventeur du concept (« teinté ») de raton-laveur…

Un intellectuel engagé par lassitude : « Las des ors universitaires, il avait depuis quelques années investi le terrain militant. »

Et, pour finir cette pépite : « Ce n’est pas un hasard si c’est Patrick Champagne (...), l’élève le plus doué du sociologue, qui a rendu publique l’annonce de son décès. » La raison ? La voici : « Les adversaires de l’école bourdivine ayant souvent répété qu’elle ne survivait pas à son fondateur, son disciple préféré s’est manifestement (sic !) juré de prouver le contraire. »

Mais Le Figaro est aussi un quotidien où l’on « débat ». Ce qui nous vaut trois entretiens.

Trois entretiens pour débattre

 1. Premier entretien : avec Joël Roman, qui selon Le Figaro, « pointe les contradictions de la démarche sociologique de Bourdieu », peu attentive à « l’ambivalence du réel ».

 2. Deuxième entretien : avec Gilles Lipovetski, qui affirme, en toute simplicité que « Bourdieu (...) a hyperthéorisé sur le déjà connu » et qu’il « ne donne pas à penser parce qu’il n’a pas ouvert un champ de questionnement ». Manifestement, auteur de L’Ere du vide, Gilles Lipovetski s’est laissé happé par l’objet de ses propres études.

 3. Troisième entretien : avec Daniel Bensaïd, dont on se demande vraiment ce qu’il vient faire dans cette galère figaresque…, surtout quand on voit ce que le titre du Figaro retient de son propos : «  la tentation mandarinale ».

 
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