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Laurent Joffrin ne sait plus ce qu’il a écrit (1)

La question que pose Acrimed n’est pas : " fallait-il ou non soutenir la guerre de l’OTAN ? ". Mais : " Etait-il souhaitable et possible de distinguer le journalisme et la propagande ? ".

Laurent Joffrin tente de croire ou de faire croire qu’il parvient à distinguer ces deux questions :

Laurent Joffrin écrivait en 1999 :

(Le Nouvel Observateur du 1er avril 1999) " Le travail des médias audiovisuels dans ce conflit a jusqu’à présent été exemplaire. Les leçons de la guerre du Golfe ont été tirées : beaucoup de prudence, de doute, de distance à l’égard des sources et de volonté d’équilibre dans l’interprétation. "

(Le Nouvel Observateur du 29 avril 1999) " Médias : la rigueur paie. Télé et radios ont tiré la leçon des dérives de la guerre du Golfe. Vérification des sources, modestie de ton : telles sont les consignes des patrons de l’info. Du coup, les Français se remettent à croire les journalistes. "

(Le Nouvel Observateur du 6 mai 1999) " Disons-le donc, au risque d’être accusé de solidarité corporative : le travail des médias audiovisuels dans ce conflit a jusqu’à présent été exemplaire.

(Le Nouvel Observateur du 26 mai 1999) " Je maintiens que le travail des médias pendant cette guère est dans l’ensemble correct (...) Je n’en tire pas gloire : c’est un simple retour aux critères normaux de la profession ".

Laurent Joffrin, un an après, déclare :

(France Culture, émission "Conférence de rédaction", dimanche 14 mai 2000) " (...) quand on regarde le traitement tel qu’il est apparu dans tous ces journaux, il y a plutôt beaucoup de précautions. C’est-à-dire qu’à chaque fois on dit : oui, les réfugiés font état de massacres épouvantables, d’une ampleur considérable, mais on ne peut pas vérifier sur place, on ne pourra le savoir que quand on pourra y aller. Et puis une fois qu’on y est allé on a découvert un certain nombre de charniers et on a dit, tous les journaux ont écrit : tant qu’on n’aura pas exploré tous les sites, on pourra pas se faire une idée du bilan global, et donc il faut attendre. Voilà comment ça a été traité. Et alors, je ne dis pas qu’il n’y a pas eu d’erreur. Il y a certainement eu beaucoup d’erreurs (...) Pour ce qui est du Nouvel Observateur, le premier numéro qu’on a fait, c’est pas un numéro va-t-en-guerre. Ca s’appelle " La guerre en procès ". On peut pas dire que ça soit vraiment une manière de mobiliser les gens. (...) Après coup maintenant, nous dire : vous avez été d’une seule voix pour l’OTAN, vous avez manipulé l’opinion pour entretenir un climat interventionniste, ça n’est pas vrai. " (en gras : souligné par Acrimed)

Laurent Joffrin est-il amnésique ?

Retour sur le numéro " La guerre en procès "

Le Nouvel Observateur n°1795, du 1er au 7 avril 1999.

 Titre : " Kosovo - La guerre en procès "
Surtitre : " Et pourtant, il fallait intervenir... "

Laurent Joffrin n’a pas seulement " oublié " le sous-titre (qui pourtant mettait en évidence que le procès en question est annulé d’emblée par un non lieu...), il a " oublié " que tout le dossier est inconditionellement belliqueux.

 Premier éditorial : " Les nouveaux munichois ", par Françoise Giroud.

Extraits : " M. Milosevic purifie. Chacun sa méthode, on doit manquer de chambres à gaz, en Serbie (...) La [guerre mondiale] suivante naquit de la lâcheté, celle de la France, celle de la Grande-Bretagne. Sinistre souvenir de ce qu’on appelle aujourd’hui d’un mot : Munich. Alors aussi, il y avait en France, en Angleterre, des pacifistes sincères qui tendaient leur rameau d’olivier (...) Je hais la guerre, comme quelqu’un qui ne l’a pas découverte au cinéma. Mais j’ai peur de ceux qui en ont peur. Elle les rattrape toujours. ". Ce qui permet à Jacques Juillard de se féliciter aujourd’hui de cette victoire du journalisme : Le Nouvel Observateur n’a jamais parlé de génocide...

 Deuxième éditorial : " Mars ou la guerre jugée ", par Jean Daniel.

Extraits : " J’ai fini, la mort dans l’âme, par me persuader, maintenant que cette intervention a commencé et depuis que l’on découvre la destruction méthodique des villages kosovars, de la nécessité suivante : pour sauver les Kosovars dons nous avons aggravé le sort, on ne peut plus éviter de faire une guerre totale contre ceux des Serbes qui demeurent encore envoûtés par Milosevic. ". C’est-à- dire, si ’on en croit Jean Daniel, la majorité des Serbes : " Milosevic n’est pas seul en cause. sans doute a-t-il eu, pendant un certain temps, des adversaires déterminés dans son propre pays. Mais dès qu’il s’est agi du Kosovo, alors, il n’y a pas eu une seule fausse note. " Une guerre totale pas va-t-en guerre du tout...

 Troisième éditorial : " La reine du monde ", par Jacques Julliard.

Extraits : " (...) Si violents que soient les bombardements actuels, ils n’ont fort heureusement rien à voir avec la destruction de Dresde ou de Coventry pendant la Seconde Guerre mondiale. Une guerre qui se donne pour conditions de n’avoir aucun tué de son côté et le moins possible dans la population adverse n’est pas tout à fait une guerre, mais une manœuvre d’intimidation destinée à faire céder l’adversaire à moindre frais (...) " Pas va-t-en guerre, puisque cette guerre n’est pas tout a fait une guerre...

 Quatrième éditorial : " La guerre en procès ", par Laurent Joffrin.

Extraits de la présentation du dossier : " Aussi légitimes qu’en soient les motivations, cette guerre est en procès. Ecartons la mécanique dénonciation des prêcheurs de la passivité, qui ne voient la France grande que dans l’absolution des dictateurs, de ces donneurs de leçons du patriotisme qui ne cessent de dénigrer leurs soldats dès qu’ils sont engagés quelque part. ". La guerre en procès, c’est le procès de ceux qui sont hostiles à la guerre...

 Cinquième éditorial : " Quand la télé fait son boulot ", par Laurent Joffrin.

On ne se lasse pas de le citer : " Le travail des médias audiovisuels dans ce conflit a jusqu’à présent été exemplaire. Les leçons de la guerre du Golfe ont été tirées : beaucoup de prudence, de doute, de distance à l’égard des sources et de volonté d’équilibre dans l’interprétation. "

 Article " Cette union sacrée dont rêvait Milosevic ", par Henri Guirchoun.

En conclusion, les remarques que Guirchoun attribue, sans guillemets, à Jovan Maric, neuropsychiatre et professeur de médecine, sur les " traits marquants du caractère serbe " :
" Avec mille précautions oratoires vraisemblablement justifiées par les événements, l’auteur consent à résumer l’essentiel de ses conclusions sur les traits marquants du caractère serbe. Il insiste évidemment d’abord sur les aspects positifs : l’émotivité, la chaleur, la convivialité, l’endurance, la résistance et la faculté de se dépasser dans l’effort. Mais le professeur reconnaît avec une honnêteté qui l’honore qu’en tant que médecin il s’est davantage attaché à décrire les symptômes qu’il faudrait, selon lui, soigner. Son diagnostic est édifiant : un comportement ostentatoire, une jalousie irrépressible, une tendance à la division, un rapport infantile au leader, la soumission, la peur envers le supérieur et la brutalité envers l’inférieur, un mépris total du temps qui explique le syndrome du passé, un narcissisme irrépressible. Et le plus inquiétant peut-être : une propension à tirer plaisir de sa propre souffrance qui confine au masochisme. ". Une psychiatrisation de l’ennemi, pas va-t-en guerre pour un sou...

Tous les autres articles du numéro - " La partition par les bombes ", par Henri Guirchoun, " La guerre au sol, nécessaire et impossible ", par René Backmann, " Le piège de la haine ", par Robert Badinter, " Entretien avec Alain Richard " - soutiennent la guerre de l’OTAN. A deux exceptions près : " Un pompier nommé Primakov ", par K.S. Karol (qui fait état d’un point de vue hostile à l’opération de l’OTAN puisqu’il répercute l’opinion de Moscou) et " Contre Milosevic ... et contre l’Otan ", entretien avec Zoran Tasic, opposant serbe à Milosevic (en dépit de questions de René Backmann comme celle-ci " Peut-être, mais c’est l’intransigeance serbe qui a fait capoter la deuxième phase de la négociation à Paris ... ")

 
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