Ligne éditoriale
Fakir traite de « faits sociaux locaux [...] des faits c’est à dire qu’il y a une enquête à la base. »
François Ruffin semble beaucoup tenir aux articles écrits sur la base d’enquêtes. Il est moins intéressé par les articles d’opinion, les billets d’humeur : « Je pense que la démarche qui consiste à dire on est moins un canard enchaîné local qu’un journal d’enquête sociale, je pense que c’est quelque chose qui est très rare. »
Les sujets sont choisis comment ?
F.R. : « Ca tient pas mal du hasard. Tu discutes avec des gens... C’est souvent les rencontres les plus quotidiennes qui sont souvent les plus riches. Finalement rencontrer un universitaire ou un cadre politique, ça va rarement t’ouvrir sur beaucoup de sujet. En revanche, il y a une personne qui est pour moi une mine de sujet parce qu’il lui arrive des tas de trucs. Les gens qui sont en bas, qui s’en prennent plein la gueule, constituent une mine de sujets. »
« J’ai vraiment apprécié la façon délicate, avec laquelle il posait les questions, le respect avec lequel il traitait les gens, sa patience. » indique Thérèse Couraud à propos des interviews sur les gens du voyage où elle a, en quelque sorte, servi de médiateur à François Ruffin.
Quid des détournements d’argent ?
F.R. : « J’investis peu sur le champ du détournement car le détournement relève du dysfonctionnement et que le dysfonctionnement m’intéresse moins que le fonctionnement normal de la société. Finalement il y a des choses qu’on peut voir à nu devant soi et qui n’en sont pas moins scandaleuses (le développement de l’emploi intérimaire, l’exploitation de certaines femmes dans le nettoyage, par exemple). Ce sont des choses en principe visibles par chacun, et qui justement ne le sont pas parce que, et c’est peut être là l’intérêt du journal, le public qu’on touche est dans sa sphère à lui. La réalité de ce que peuvent vivre ces personnes là, c’est quelque chose que ce public ne perçoit pas. Il suffirait de leur demander. Pas besoin d’investigations, de micros cachés mais c’est une réalité qui n’est pas mise en évidence. »
Fakir pourrait-il être lu en dehors d’Amiens ou de la Somme ?
F.R. : « La démarche c’est quoi ? Je vais regarder de très prés une ville ou un lieu, un espace. Si tu regardes à la loupe comment vivent les fourmis à un endroit, si tu te déplaces de 200 km, les fourmis elles vivent vraisemblablement de la même manière. » C’est sans doute dans cet esprit que dans le numéro 16, le chapô d’un article sur le logement social à Amiens plagiait Zebda « C’est ici, mais c’est pareil ailleurs. » [1]. D’autres articles qui traitent des accidents du travail, des délocalisations, des centres d’appel confirment eux aussi la démarche.
Et la critique des médias ?
F.R. : « Il me semblait insuffisant de se contenter de la critique du Journal Des Amiénois qui dit que la ville est rose ; mais il faut ensuite montrer en quoi elle n’est pas rose. Donc l’aspect critique des médias associé à un autre regard sur la réalité sociale. »
« Et puis quand tu critiques c’est que tu penses que le journalisme peut être fait autrement. Et on te dit "prouve le". J’essaye de le prouver. »
Quelle forme prend la critique des médias ?
F.R. : « On est passé du Journal des Amiénois au Courrier Picard, en gros [2]. Il y a eu, par exemple, un article sur un accident du travail [dans le n°12] qui n’a rien à voir avec le Courrier Picard. A la fin il y a un encadré sur le non traitement de cet accident du travail et de cette réalité sociale dans le Courrier Picard avec des statistiques. »
Et les dessins ?
F.R : « Pour toucher un public, pour faire professionnel, pour l’aération, je voulais qu’il y ait tout ça. Je voulais qu’il y ait de l’humour aussi. »
Quelques exemples de sujets
Les damnés des restos
Ils ont quinze ans. Ils font les 35 heures en un week-end. Ils sont payés des prunes. Pas en Thaïlande, à Amiens.
(n°1, décembre 1999)
Les OS du combiné
Dans les centres d’appels, l’emploi de demain ressemble à celui d’hier : répétitif et surveillé.
(n° 3, mars - avril 2000)
Tribunal Picard International
Les "talibans" imaginaires - Fakir devant le tribunal correctionnel.
(n° 9 1/2 - Edition spéciale procès, janvier 2002)
Rwandais-vous avec la vie
Liévin, 24 ans, réfugié rwandais, s’est faufilé jusqu’à Amiens entre les balles et les machettes.
(N°11, octobre 2002)
Courrier Picard : Le naufrage tranquille
L’idéal du Koursk Picard : couler sans faire de vague
(n°11)
Mort dans le parc à pauvres
Accusée, la ville se tait
« La faute à pas de chance. » C’est la version officielle, celle de la mairie d’Amiens : Hector Loubota, 19 ans, en Contrat Emploi Solidarité sur le chantier de la Citadelle, serait mort d’un accident imprévisible.
(n°12, septembre 2002)
Juge de comptoir
C’était juste une audience banale, où le magistrat digressait banalement. On avait déjà recueilli, et publié, du beaucoup plus saignant. Cette fois, pourtant, on recul : avec nos procédures pour diffamation au cul, on redoutait de se retrouver face au même juge.
On renonça donc lâchement. Et encore plus lâchement : on imprime l’article aujourd’hui, avec deux ans de retard, maintenant que nos affaires sont « dépaysées » sur Paris.
(n°16, juillet 2003, . Egalement publié dans le n°4 de CQFD, septembre 2003)
Rien ne va plus
(note d’Acrimed : un dossier sur la désindustrialisation et les délocalisations)
Même côté patrons (de la moyenne industrie, certains réclament « un frein à la mondialisation ». Rencontre avec Laurent Bernard, directeur d’OPF [note d’Acrimed : une entreprise locale] et président de l’UIMM (syndicat des patrons de la métallurgie).
(n°17, octobre 2003)
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