Un premier inventaire qui, même rapide ne peut ici qu’être long - suffit à prendre la mesure de la distance - du gouffre même - qui sépare le travail accompli à cette occasion et la " couverture " maigrichonne du Forum par les autres quotidiens - pour ne rien dire du reste de la presse, de la radio et de la télévision.
Un long inventaire, donc suivi de quelques commentaires provisoires.
I. Un long inventaire
– 1. Le Forum avant le Forum
L’Humanité a commencé à rendre compte du Forum Social Européen très tôt : au moins depuis la fin du mois d’octobre.
Dès le samedi 26 octobre 2002, in article de Thomas Lemahieu le présente ainsi (surtitre et surtitre) : " Militants syndicaux, associatifs et politiques se retrouvent en Italie pour le premier Forum social européen, à l’instar du forum mondial. Porto Alegre souffle sur Florence " : un article de présentation générale, qui a fort peu d’équivalent dans le reste des médias, même à la veille du Forum.
Et cet article est accompagné - sous le titre " Que l’esprit de Gênes souffle sur l’Europe " - d’un entretien avec Salvatore Cannavo, rédacteur en chef de Liberazione, le quotidien de Rifondazione comunista, et membre du comité italien d’organisation du Forum social européen de Florence.
Dès le Lundi 28 octobre les pages consacrées au Forum Social Européen se répartissent en plusieurs rubriques. A coté de deux courtes rubriques consacrées l’une au programme du Forum (" Rendez Vous ") et l’autre à des brèves sur le contexte de sa préparation (" Sur le vif "), L’Humanité propose des articles généraux et des entretiens, ainsi qu’une chronique consacrée à diverses actions et expérimentations sociales et politiques : " L’utopie à portée de main ".
Aperçu de la série " L’utopie à portée de main "
Lundi 28 octobre : " La " banque du temps ", inventée par des femmes à Santarcangelo di Romagna (Italie) ; Mardi 29 octobre : " La gratuité des transports publics, revendiquée par le Collectif sans ticket de Bruxelles (Belgique) ; Mercredi 30 octobre : " L’expropriation collective des logements laissés abusivement vides, par les squatters de Genève (Suisse) " ; Jeudi 31 octobre : " Gestion collective des ressources de poissons par les pêcheurs, proposée par la branche française de l’organisation écologiste WWF " ; Vendredi 1er novembre : " Le revenu de citoyenneté, inconditionnel, individuel et substantiel, porté, entre autres, par le groupe Enquête de Milan (Italie) " ; Lundi 4 novembre : " Provoquer les jeunes pour qu’ils exercent leurs droits civiques et politiques, telle est l’initiative de la mairie de Cosalba (socialiste et gauche unie), dans la banlieue de Madrid, qui leur propose de " pratiquer le 48 " ; Mardi 5 novembre : " Troc-Actif en Suisse : réseau local des échanges sans argent. "
Aperçu des articles et entretiens
Lundi 28 octobre : " Stratégies de la tension ", un article sur la politique du gouvernement de Berlusconi.
Mardi 29 octobre : " Syndicats-ci, syndicats-là ", dont l’introduction résume l’essentiel : " Comme à Porto Alegre II, les grandes organisations syndicales européennes participent à Florence. Encore un pied dedans, un pied dehors. "
Mercredi 30 octobre : " Sans-papiers de tous pays... " Début : " A Florence, les associations et les collectifs de soutien aux sans-papiers se retrouvent, pour la première fois, pour tenter de coordonner leur action à l’échelle de l’Europe." Suit un entretien avec Claire Rodier, juriste au Groupe d’information et de soutien aux immigrés (GISTI) qui " s’apprête à se rendre au FSE ", et " figure parmi les initiatrices d’un appel à la régularisation de tous les sans-papiers en Europe lancé en septembre ".
Jeudi 31 octobre : " Le PCF se met dans le bain ". Entame : " Près de 300 militants et élus communistes vont participer aux rencontres et à la manifestation contre la guerre. "
Samedi 2 Novembre : " Pour le Forum social européen, une rencontre entre militants d’organisations associatives, politiques et syndicales jamais réalisée ". L’article est consacré à la participation française : " En France, la préparation du Forum social a créé un collectif nouveau de syndicats, d’associations et de partis politiques, qui pourrait devenir le comité français d’initiative pour le 2e forum européen de 2003 à Paris et à Saint-Denis. " Cet article est suivi d’un autre - " Ils nous disent pourquoi il seront présents à Florence dès mercredi prochain " - qui donne la parole à des militants de divers collectifs et associations : de l’association Riv’Nord, à Saint-Denis, collectif des droits des femmes des Bouches-du-Rhône, ATTAC Nice, membre du Mouvement jeunes communistes, une représentante des jeunes CGT à Florence
Lundi 4 Novembre : " Emilio Gabaglio : " Il faut prendre en compte l’Europe réelle " " un entretien le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats ; " L’info forteresse ", un article résume ainsi sa présentation : " Alors que la presse italienne continue, avec l’aide de la droite, d’alimenter un climat envenimé, les premiers militants arrivent de toute l’Europe à Florence. "
Mardi 5 Novembre 2002 : " Annick Coupé : " Occuper socialement l’espace européen ". Un entretien précédé de cette présentation " Porte-parole du Groupe des Dix et fondatrice, avec d’autres, de SUD PTT, Annick Coupé participe, depuis le début, aux réunions du comité d’organisation du Forum social européen " ; " Vittorio Agnoletto : " Nous parlons à des gens très différents de nous " " Un entretien précédé de cette présentation : " Porte-parole du Genoa Social Forum lors des journées de contestation du G8 et membre, aujourd’hui, du secrétariat du Forum social mondial de Porto Alegre, Vittorio Agnoletto veut profiter du FSE pour coordonner les mouvements. "
Le Mercredi 6 novembre, alors que le Forum Social Européen est sur le point de commencer (mais avec le décalage qu’implique la parution du quotidien), L’Humanité fait paraître notamment deux articles. Le premier - " Les expériences italiennes " - analyse la préparation décentralisée du Forum en Italie : " De la Sicile au val d’Aoste, des Pouilles au Trentin, dans toutes les villes, et parfois même les quartiers, l’Italie compte près de 250 forums sociaux locaux. " Le second article - " Les Dionysiens à Florence avant Saint-Denis " - met l’accent sur le rôle de la municipalité dans la préparation locale du Forum.
– 2. Le Forum pendant le Forum
Le Jeudi 7 novembre, L’Humanité revient sur le départ des Français pour Florence : " Une autre Europe pour un autre monde " et publie deux entretiens. Le premier donne la parole à Endre Sim¢, porte-parole du Forum social hongrois : " Endre Sim¢ : " Lutter ensemble avec patience et persévérance " ". Le second donne la parole à Paul Nicholson Fondateur de Via Campesina, un mouvement paysan international créé en 1993. Un dernier article - " Il est toujours bon, le jour où... " - rapporte les propos tenus la veille lors de la fête inaugurale du Forum, par de la mère de Carlo, abattu par les gendarmes italiens le 20 juillet 2001, à Gênes.
Vendredi 8 novembre. L’Humanité titre à la " Une " : " Florence ’Accusé libéralisme, levez vous ! ’ ". On peut ne pas apprécier, mais c’est dit. Et le quotidien consacre son éditorial - " Le coup d’envoi. de Florence " - et 3 pages au Forum . Plusieurs articles font le point des débats et des enjeux : " Les premiers débats entrent dans le vif des sujets " ; " Les " sans " s’installent pour devenir des " inclus " de l’Europe ". L’Humanité confie à un entretien avec Francis Wurtz le soin de rendre compte d’un des ateliers coorganisés, notamment avec Transform !, dans le cadre du forum social européen. : " Francis Wurtz : " L’Europe pourrait être un contrepoids au capitalisme dominant " " Enfin, L’Huma donne la parole à un participant au Forum : Horst Schmitthenner, secrétaire à l’organisation du syndicat de la métallurgie IG Metall et engagé dans Initiative pour un changement politique en Allemagne : " Horst Schmitthenner : " Quitter la troisième voie " "
Le Samedi 9 novembre. L’Humanité Hebdo titre " Un bateau pour le Sénégal ", mais annonce en bandeau à la " Une " la manifestation et consacre 4 pages au Forum social européen " A Florence, l’opposition à la guerre et les alternatives pour la paix sont omniprésentes et largement partagées par les 30 000 participants. " - présente les motifs et le contexte de la manifestation : " En mouvement, contre la guerre ". Un second article - " La politique et les Florentins " - tente de faire valoir " l’immense attente des mouvements sociaux vis-à-vis des partis politique ", en citant dans le débat correspondant François Houtad, Francis Wurtz et Paul Boccara. Un troisième article - " Ici, Florence "- recueille les propos tenus par des porte-parole de toutes origines. Enfin, L’Huma propose - sous le titre " Contre la loi du plus fort " - Un entretien avec Flavio Lotti, de Tavola della pace (" la Table de la paix") - l’ un des plus larges réseaux pacifistes italiens.
– 3. Après la manifestation, à l’heure des bilans
Le Lundi 11 novembre, à la suite de l’éditorial par Pierre Laurent -" Florence, le défi à Bush ", plusieurs articles tirent un premier bilan de la manifestation et du Forum :
" L’océan pacifiste au coeur de l’Europe " présente ainsi la manifestation : " Venus de tous les pays d’Europe, près d’un million de personnes, avec une proportion de jeunes jamais vue, ont manifesté samedi, en clôture du forum social européen, à Florence, contre la guerre. Les revendications sociales et pacifistes se sont entremêlées au cours de ce cortège aux accents festifs et joyeux. "
" La déroute de la manipulation ", revient sur la campagne du gouvernement et de la presse italienne contre " l’invasion barbare "
" Les communistes français sous le coup de l’émotion " met en valeur la participation du PCF à la manifestation. Cela commence ainsi : " Calé au beau milieu du défilé français, entre la FSU et la LCR, le cortège du Parti communiste, bruissant et frétillant, a marché pour la paix au son d’un Avanti popolo ! repris à l’unisson avec l’immense foule qui a envahi toutes les artères de Florence. "
Le mardi 12 Novembre 2002, éditorial de Patrick Le Hyaric : " Les espoirs de Florence. " et un article de Thomas Lemahieu, l’un des principaux correspondants, : " Sur la vague de Florence " dont les premières lignes donnent le ton : " Au bout des cinq journées d’échanges et de rencontres des mouvements européens, les perspectives des altermondialistes.
Difficiles à circonscrire, à définir sous une étiquette définitive, les militants du " mouvement des mouvements ", souvent très jeunes et rétifs aux formes classiques du militantisme, quittent la capitale toscane, la tête pleine d’idées de transformation."
Mais aussi et entre autres :
" Difficile dialogue avec les syndicats " s’ouvre sur le constat suivant : " A Florence, la place des syndicats dans le mouvement est restée sur un statut quo. Les grandes confédérations sont apparues en retrait malgré la participation de la Confédération européenne des syndicats."`
" Quelle constitution pour l’Europe ? " souligne ceci : " Dans toutes ses composantes et malgré des divergences de vues, le FSE entend peser pour que la paix, les droits sociaux et la laïcité constituent les principes fondateurs de l’Europe politique. "
" Du socialement correct à l’Europe sociale " revient sur la " recherche de pistes alternatives " sur la base de ce constat initial : " L’Europe a sacrifié la génération des moins de trente ans à la précarité pour défendre la finance. "
II. Commentaires provisoires
Ce catalogue n’a d’autre ambition - comme on l’a dit - que de mettre en évidence la distance qui sépare le travail accompli par L’Humanité et les comptes-rendus proposé par les autres médias. Il faudrait une patiente étude de l’ensemble des articles recensés et de leur contenu précis pour proposer une tentative d’évaluation rigoureuse.
Mais un premier survol fait apparaître, par delà l’abondance et la diversité des enquêtes, entretiens et commentaires réalisés par les journalistes de l’Huma, une ambiguïté très significative.
L’Humanité n’est plus le quotidien officiel du Parti Communiste Français : il donne très largement la parole au Forum lui-même et à divers participants. Mais L’Humanité est encore le quotidien du Parti Communiste français et ne peut se priver de valoriser ses représentants. L’Humanité n’est plus le quotidien officiel d’un parti politique : il donne largement la parole aux participants et aux représentants issus du mouvement syndical et du mouvement associatif. Mais L’Humanité reste de quotidien d’un parti politique déterminé : aussi insiste-t-il particulièrement sur les rapports entre les mouvement social et les forces politiques, quitte à ne prendre en considération qu’une seule force politique : le Parti Communiste lui-même.
Ce n’est pas tout à fait quitter le terrain de la critique des médias que de se demander si l’avenir de L’Humanité - quotidien que l’on sait en danger - ne dépend pas de sa capacité à dénouer franchement cette ambiguïté. Mais là, c’est manifestement affaire d’option politique.