Dix jours plus tard, les enquêtes de Libération et du Monde ne semblent pas avoir progressé.
Aucun éditorial du Monde n’est venu porter la moindre condamnation du refus de toute commission d’enquête véritable par le gouvernement Sharon. En revanche Le Monde consacre l’éditorial de son édition datée du 28-29 avril à une sévère (mais juste) dénonciation de la Commission permanente des droits de l’homme de l’ONU, pour son absence totale de condamnation de la situation tragique que connaît le peuple tchétchène.
Au détour d’une parenthèse du même éditorial, on apprend que " la destruction d’une partie du camp de réfugiés Jenine " aurait provoqué " sans doute de 50 à 80 morts " : des chiffres que Le Monde déclarait invérifiables, mais qui coïncident avec la version israélienne...
Mieux : dans le même numéro, Le Monde, dans un article signé… " (AFP, Reuters) ", en page 24, se borne à reproduire un résumé des versions en présence :
" Les Palestiniens accusent Israël d’avoir perpétré un "massacre" dans le camp de Jénine. Les organisations non gouvernementales font état de "crimes de guerre". Israël dément, affirmant avoir tué des dizaines de Palestiniens, pour la plupart des "terroristes". "
Ainsi Le Monde n’est toujours pas parvenu à établir s’il y avait eu des " crimes de guerre " ou, plus simplement encore des violations de la Convention de Genève…
Certes, Le Monde reproduit scrupuleusement les témoignages et les prises de position d’organisations comme Amnesty International ou d’organismes internationaux comme l’Unrwa. Le Monde pousse même le scrupule jusqu’à faire état de témoignages de la presse étrangère, beaucoup plus précis et moins alambiqués que les enquêtes du Monde. Mais Le Monde ne parvient pas encore à porter un jugement précis…
Pour couronner le tout, pour " enquêter sur l’action de Tsahal (sic) dans le camp de Jenin ", Le Monde choisit Human Rights Watch, organisation de droits humains américaine, dont le parti-pris en faveur d’Israël ne cesse de s’affirmer. Le 3 avril, ils " condamnent les attaques palestiniennes contre des civils " mais " déplorent " les actions de l’armée israélienne contre des civils… Et dans Le Monde du 27 avril, ils trouvent qu’il n’y a pas eu de massacre, mais seulement des " dommages collatéraux " et que " les destructions ne sont peut-être pas excessives ". Les atrocités de Jénine sont ramenées à une bavure. Mais l’attaque elle-même est considérée comme légitime [1].
(23 avril 2002. Revu le 27 avril.)