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En bref

Fusion TF1-M6 : tractations en cours

par Sophie Eustache,

L’autorité de la concurrence a remis fin juillet un rapport d’instruction défavorable au projet de fusion TF1-M6 et préconise la vente d’une des deux chaînes phares, TF1 ou M6, afin de ne pas créer un monstre monopolistique, qui détiendrait 75 % des recettes publicitaires télé et ferait la pluie et le beau temps sur les programmes. Les groupes TF1 et M6 « seront auditionnés par l’Autorité de la concurrence les 5 et 6 septembre, avant un avis définitif le 17 octobre » (Le Monde, 24/08).

Dans un article du 22 août, Les Jours [1] rappelaient que pour amadouer l’autorité de la concurrence, le groupe M6 avait déjà décidé « de mettre fin à la diffusion hertzienne de Paris Première et de mettre en vente 6ter, tandis que TF1 [avait] choisi de faire une croix sur TFX, soit deux chaînes à l’audience confidentielle » tombées dans l’escarcelle du groupe Altice [2]. « Parallèlement, TF1 a vendu ses activités dites de presse » (Marmiton, Aufeminin, Doctissimo et Les Numériques) :

La filiale Unify Digital Factory a été rachetée par Reworld Media, le groupe de presse qui s’est emparé de tout un tas de magazines (de Grazia à Biba en passant par L’Auto Journal, Maison et Travaux, Nous deux et Le Chasseur français) pour en faire des usines à débiter des articles comme d’autres des saucisses.

Pas suffisant pour attendrir l’autorité de la concurrence. « Les services d’instruction considèrent que l’opération soulève des problèmes de concurrence significatifs (en particulier sur le marché de la publicité). La nature et l’étendue des remèdes requis dans le rapport d’instruction feraient perdre toute pertinence au projet des parties qui, dans ce cas, l’abandonneraient » a déclaré le groupe Bouygues dans un communiqué le 26 juillet, mentionné lui aussi par Les Jours.


Négociations en cours


En août, le groupe Bouygues a proposé « onze remèdes à l’Autorité de la concurrence pour faire passer la fusion TF1-M6 » (Le Monde, 24/08). D’après Le Monde, le groupe BTP « s’engage à séparer les deux régies publicitaires de la Une et de M6 », ou encore à ce « "qu’un même film [français] ne soit pas diffusé sur plus de trois chaînes” après une première diffusion sur TF1 ou M6. » Et Le Monde de préciser que « le groupe de BTP ne prend aucun autre engagement dans la production ou dans l’information. Ce dernier domaine sera particulièrement examiné par L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle, également appelée à rendre un avis. »

Pour justifier leur projet monopolistique, les deux groupes jouent du violon, n’hésitant pas à se considérer comme des « nains » face aux géants américains, ou à agiter la figure du croquemitaine : si la fusion ne devait pas se faire, M6 risquerait bien de tomber entre les mains de Vincent Bolloré.

Croix de bois, croix de fer, les dirigeants de TF1 et M6 n’ont à cœur que l’intérêt de la France et l’intérêt général. Face à la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration dans les médias, en février, Martin Bouygues montrait patte blanche : « Le projet de fusion n’est pas un projet de puissance politique, médiatique ou économique. C’est différent, c’est un projet de souveraineté. » Mais encore ? TF1 « appartient, d’une certaine façon, au patrimoine de ce pays. » [3] Manquait seulement les trémolos dans la voix. Même couplet tenu par Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6, auprès de Télérama (29/08) : « Je reste convaincu que cette opération défend l’intérêt général. La question qui se pose, c’est : y aura-t-il encore en Europe une industrie audiovisuelle capable de faire face à des géants mondiaux comme Fox, Disney, Netflix ou Amazon, bientôt Paramount et HBO Max, et demain les groupes chinois ? Si l’on ne bouge pas, c’est non. »

Intérêt général ? « En fusionnant deux entreprises de 3 700 et 2 000 employés, l’opération TF1-M6 ne cherche-t-elle pas plus prosaïquement à permettre à des actionnaires privés de réaliser des économies d’échelle (en réduisant les effectifs), et de mieux valoriser leurs parts sans rien perdre de leur capacité d’influence ? » écrivait Marie Bénilde dans Le Monde diplomatique [4]. Cela paraît en effet plus réaliste.

Fin du suspense en octobre…


Sophie Eustache

 
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Notes

[1« TF1 ou M6 : maison à vendre », Les Jours, 22/08.

[2« Sous réserve que la fusion se fasse », précisent Les Jours.

[3Lire « Ballet de philanthropes médiatiques au Sénat », Acrimed, 8/03.

[4« Fusion TF1-M6, pour lutter contre Netflix ? », Le Monde diplomatique, octobre 2021.

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