Minc a encore frappé. Condamné comme " plagiaire servile " pour avoir bêtement recopié dans un de ses " livres " des passages entiers d’une "biographie imaginaire" de Spinoza [1], le président du conseil de surveillance du Monde a assigné en diffamation, vendredi 11 avril, les auteurs de La face cachée du Monde et leur éditeur, rapporte l’AFP (14 avril 2003) qui tient l’information de son avocat, Me Georges Kiejman (ancien ministre de François Mitterrand).
Or, c’est Le Monde qui avait ouvert la bataille judiciaire le 3 avril, plus d’un mois après la parution du livre, réclamant dans son assignation en diffamation des dommages-intérêts exceptionnellement élevés (lire "Face cachée" : Le Monde réclame un million d’euros).
Sans doute moins impécunieux que Le Monde, le président de son conseil de surveillance demande que la partie adverse soit condamnée à verser un euro en réparation de son " préjudice moral " et à payer les frais liés à la publication d’un extrait du jugement les condamnant dans plusieurs publications et périodiques.
" Parmi les pages contestées, indique l’AFP, on trouve celles où les auteurs suggèrent que M. Minc a usé de ses fonctions au Monde à des fins personnelles, distribuant les "articles assassins" ou "louangeurs" au grè des intérêts de ses clients ou proches. M. Minc dénonce également le passage où les auteurs l’accusent d’avoir, avec Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel "utilisé tous les moyens, plus ou moins licites, dont ils pouvaient disposer : lapidations médiatiques, contre-vérités, trafic d’influence, maquillage des comptes et des chiffres de diffusion, menaces, etc".
(Actualisation du 20 avril)
Edwy Plenel attaque à son tour en justice "La face cachée du Monde", selon l’AFP (18 avril 2003).
Le directeur des rédactions du Monde, Edwy Plenel, a assigné vendredi [18 avril] en diffamation les auteurs de La face cachée du Monde et leur éditeur, a-t-on appris de source proche du dossier.
Evoquant les "nombreuses et graves accusations" de Pierre Péan et Philippe Cohen, Edwy Plenel dit ne s’attacher qu’aux plus graves, en particulier les passages où les auteurs suggèrent qu’il est un "agent de la CIA", qu’il "fait régner la peur" dans la rédaction et que ses méthodes relèvent de "la filature policière et de la dénonciation publique". Les pages où les auteurs affirment qu’il aurait œuvré pour une présentation favorable par le quotidien de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, sont également évoquées. M. Plenel s’attache aussi aux passages évoquant ses liens présumés avec Bernard Deleplace, ancien secrétaire général de la puissante Fédération autonome des syndicats de police (Fasp). Les auteurs, selon lui, insinuent que M. Plenel "rétribuerait sous la forme d’articles louangeurs la révélation d’informations obtenues par la violation du secret professionnel". "M. Plenel est présenté sous les traits d’un journaliste n’effectuant aucune enquête, qui s’écarte de toutes les règles déontologiques pour sacrifier à l’autel du sensationnel des affaires à scandales", lit-on dans cette assignation [...] "Les auteurs prétendent que M. Edwy Plenel aurait mis au point, au sein de la rédaction du Monde, un système despotique en infraction à la déontologie de la profession, utilisant - par exemple - des méthodes de commandement lui conférant un rôle central et déterminant tel un - big brother ", affirme l’assignation dont l’AFP a eu connaissance.
(Actualisation du 20 mai)
" Jean-Marie Colombani attaque en justice La face cachée du Monde ", selon l’AFP (20 mai).
Le patron du Monde, Jean-Marie Colombani, a assigné en diffamation l’éditeur et les auteurs, Pierre Péan et Philippe Cohen, de La face cachée du Monde, qu’il qualifie de " long, violent et haineux réquisitoire ", a-t-on appris mardi de source proche du dossier. [...] L’action, déclenchée vendredi dernier devant le tribunal de grande instance de Paris par M. Colombani, vient après celle du Monde, du président de son conseil de surveillance Alain Minc et de son directeur des rédactions Edwy Plenel. Pour M. Cohen, interrogé par l’AFP, " il s’agit d’une sorte de harcèlement judiciaire, car selon lui, le livre est l’objet d’une dizaine d’assignations, émanant notamment de journalistes du Monde et de personnalités citées dans le livre ". Pour lui, il " va y en avoir d’autres ". " On est déjà au-delà des 2 millions d’euros de dommages et intérêts et de publications exigibles, ce qui est un record absolu de toute l’histoire de l’édition française ". M. Colombani, directeur de la publication du Monde, président du directoire, demande au tribunal de constater que les auteurs ont tenu des propos diffamatoires. Il demande de les condamner à lui verser un euro symbolique à titre de dommages et intérêts et à publier et diffuser le jugement dans dix journaux et/ou périodiques, choisis par M. Jean-Marie Colombani (pour un coût maximum de 100.000 euros), ainsi que sur 5 radios et 3 chaînes de télévision (200.000 euros), une demande inhabituelle en matière de diffamation mais qu’avait réclamée déjà M. Plenel. Il exige également que dans tous les ouvrages futurs, le jugement soit inséré. [...] M. Colombani estime que les auteurs " s’acharnent tout particulièrement " sur lui, en brossant de lui " un portrait d’une rare violence, le présentant sous les traits d’un ambitieux et d’un intriguant sans scrupules, d’un imposteur et d’un traître, d’un autocrate qui tiendrait son pouvoir d’un putsch, d’un affairiste cynique qui ne reculerait devant aucun moyen ni aucune méthode pour parvenir à ses fins ". L’assignation s’attache notamment aux passages qui accusent M. Colombani d’avoir " établi et publié des "comptes à la Enron" ", sa conduite personnelle et sa déontologie mises en cause, sa prétendue " haine de la France " et les événements de Corse. M. Colombani se dit également " victime d’une diffamation dirigée contre la mémoire des morts ", estimant que les auteurs se sont attaqués au passé de son père.
Le livre La face cachée du Monde est paru le 26 février. Pour les crimes, délits ou contraventions prévus par la législation sur la presse (notamment la diffamation), l’action est prescrite après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis, c’est-à-dire du premier jour de la publication.