La recette est rapide :
1. Prenez une grosse marmite, et versez-y toute l’information (pas besoin de vérifier la qualité ni la provenance) ;
2. À l’aide de formules choc et de flash info, touillez le mélange sans relâche. Laissez cuire pendant plusieurs heures sans jamais cesser de remuer ;
3. Ajoutez, de temps à autres, quelques doses « d’expertise » ;
4. À mi-cuisson, saupoudrez le mélange avec quelques interviews d’enquêteurs-romanceurs, le ragoût n’en sera que meilleur ;
5. Couvrez le tout avec des archives, et laissez cuire jusqu’au lendemain.
Une recette que France Info a respecté au pied de la lettre si l’on en croit la communication de la chaîne sur son compte Twitter !
- 21h03 : Le « flash » tombe et les conditionnels sont au placard :
![](local/adapt-img/550/10x/IMG/jpg/1-36.jpg?1679326652)
- 21h31 : Suite à une enquête au long cours, France Info met la main sur LA preuve. Celle qui a causé la perte de Xavier Dupont de Ligonnès :
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/2-30.jpg?1679326652)
- 21h40 : Premières mises en perspective historiques
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/3-33.jpg?1679326653)
- 22h06 : Premier face-à-face avec expert. Interview de Jean-Marc Bloch : « aujourd’hui présentateur de l’émission "Non élucidé" [Véridique ! NDLR] sur RMC Story, Jean-Marc Bloch n’a jamais cru à la thèse du suicide de Xavier Dupont de Ligonnès. »
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/4-25.jpg?1679326653)
Nous vous livrons l’intégralité des questions de France Info, tout en prudence et modération :
- Retrouver un fugitif après huit ans de cavale, est-ce rare ?
- Vous avez toujours pensé qu’il était vivant ?
- Qu’est-ce qui en fait une affaire exceptionnelle ?
- 23h00 : Deuxième face-à-face avec expert. France Info interroge Jean-Michel Laurence, « co-auteur de Le mystère Dupont de Ligonnès, paru en 2016 aux éditions de l’Archipel. »
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/5-23.jpg?1679326653)
Là encore, l’entretien témoigne d’une grande précaution :
- Vous étiez sûr qu’il était vivant. Pourquoi ?
- Quels sont les éléments que vous aviez ?
- 23h30 : Troisième face-à-face avec expert. Le récit médiatique est à point. S’ouvre le chapitre bien connu de la psychologisation. Entretien avec Anne-Sophie Martin, « journaliste et réalisatrice de France 2, qui a enquêté sur l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, également auteure d’un livre où elle raconte "sa déchéance sociale" et sa "grande détresse psychologique" ».
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/6-19.jpg?1679326653)
Un entretien qui permet opportunément d’en remettre une nouvelle couche :
- C’est l’une des plus mystérieuses énigmes criminelles ?
- Est-ce que tout cela était prémédité ?
- C’est un personnage à plusieurs facettes ?
- 23h45 : Quatrième face-à-face avec expert. La psychologisation bat son plein : le criminologue fait son entrée !
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/7-14.jpg?1679326653)
- 00h20, le 12 octobre : Nouvelle mise en perspective à la radio publique. Les experts sont couchés.
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/8-13.jpg?1679326653)
- 8h20, le 12 octobre : les experts sont réveillés… et de retour !
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/9-12.jpg?1679326653)
Et il s’agit cette fois de l’un des plus fins limiers du Parisien. Dès le chapô de l’entretien, le suspense est à son comble : « "Je pense que l’on risque d’être surpris dans les jours et les semaines qui viennent", annonce le journaliste, qui suspecte la complicité du proche entourage du fugitif. » Reconnaissons qu’il n’a pas eu tout à fait tort…
- 8h30 : L’heure des premiers doutes...
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/10-8.jpg?1679326653)
- 10h56 : L’étau se resserre sur les premiers de l’info
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/11-6.jpg?1679326653)
- 12h36 : « Gloups »
Les sources d’Acrimed proches de l’enquête sont formelles : l’onomatopée se répand partout dans la rédaction.
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/12-7.jpg?1679326653)
- 12h48 : Patatras.
![](local/adapt-img/500/10x/IMG/jpg/13-5.jpg?1679326653)
Fin de partie.
L’affaire Dupont de Ligonnès pourrait prêter à sourire si elle n’était pas le triste reflet d’un système médiatique dominé par la course au scoop et le mimétisme ; de la capacité des rédactions à meubler aveuglément, pourvu que les plateaux soient occupés ; de la surface délirante qu’elles réservent aux faits-divers ; de la confiance inconditionnelle qu’elles accordent à la police et à ses déclarations, à l’origine du « journalisme de préfecture » ; de leur amnésie quant aux fiascos passés et aux pratiques professionnelles qui les ont provoqués ; de leur éternel talent, enfin, pour les mea culpa superficiels qui mettent en question à peu près tout… sauf le cœur du problème : nous y reviendrons dans un prochain article.
Pauline Perrenot