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Actualité des médias n°19 (septembre 2018)

par Benjamin Lagues, Jérémie Fabre,

Avec cet article, nous poursuivons notre série d’information mensuelle sur l’actualité des médias [1]

I. Du côté des journalistes, des médiacrates et de leurs œuvres

- Natacha Polony nommée à la tête de Marianne – C’est le premier coup de force du nouveau propriétaire de Marianne, le milliardaire tchèque Daniel Křetínský : la polémiste Natacha Polony a été nommée directrice de la rédaction de l’hebdomadaire. D’après Libération, la pilule n’est pas passée auprès de l’ancien propriétaire, Yves de Chaisemartin, qui a démissionné de son poste de directeur de la publication. « “Chaisemartin nous a dit qu’il allait quitter le journal mais continuer à travailler avec les Tchèques comme conseil”, raconte un journaliste de Marianne. “Du moins, c’est ce qu’il nous a dit. C’est très flou, tout ça. Il ne voulait pas de Polony, il a été désavoué, il en tire les conséquences.” Plusieurs journalistes, moyennement enchantés par l’identité de leur nouvelle patronne, seraient également sur le départ. »

- Les médias dominants ne vérifient toujours pas leurs sources – Le 30 août dernier, une fausse information, volontairement trompeuse, a été publiée sur Twitter : le cinéaste Costa-Gavras est mort. Immédiatement, certains grands médias ont relayé cette annonce… sans la vérifier. On a ainsi assisté à des articles de médias comme France Inter, le New York Times, Cnews ou encore l’agence Associated Press annonçant la mort de Costa-Gavras. Mal leur en a pris, puisque l’annonce était donc un faux. Le Monde est par la suite revenu sur l’auteur de ce canular : Tommasso Debenedetti, un « activiste italien » dont l’objectif est de « montrer que Twitter est devenue une agence de presse… et la moins fiable au monde. » Un combat qui, s’il est critiqué par plusieurs journalistes cités par Arrêt sur images, a au moins le mérite de montrer la négligence de certains journaux pourtant très réputés.

- Grève à RFI et Ouest France, grève de la faim à Radio France... – La rentrée sociale est chargée du côté des médias français. Dans un reportage, Les Inrockuptibles détaillent les motifs de la grève votée par les salariés non titulaires de RFI : « Plus de sécurité sociale ni de retraite automatiques, piges mal rétribuées, paiement en retard, santé en danger, problèmes administratifs… » À Ouest France aussi une grève a éclaté : 200 journalistes se sont rassemblés « devant le siège de Ouest-France à Chantepie. Ils ont répondu à l’appel de l’intersyndicale SNJ-CFDT-CGT et sont venus des locales de plusieurs départements, celles qui vont être impactées par la nouvelle organisation lancée par la direction. Ils ont reçu le soutien de journalistes des quotidiens qui appartiennent au groupe Sipa-Ouest-France, tel le Maine Libre, le Courrier de l’Ouest ou Presse Océan. Tous réunis pour dire "non" au plan annoncé jeudi dernier par la direction.  » Un plan qui prévoit la suppression de 56 postes… Enfin à Radio France, le représentant du syndicat CFTC a mené une grève de la faim et campé dans le hall de la Maison ronde pendant 12 jours. D’après L’Humanité, «  le geste de ce syndicaliste de 59 ans était dû au désespoir devant la dégradation du dialogue social, l’absence d’élections, les travaux sans fin et très chers de la Maison de la Radio, et surtout l’absence de prévention des risques psycho-sociaux. C’est sur ce dernier point que les négociations auraient abouti.  » Sans compter que d’après le Canard enchaîné du 19 septembre, la direction de Radio France l’a assigné en référé et demandé au tribunal « d’ordonner son expulsion sous astreinte de 800 euros par jour »...

- Patrick Buisson quitte la chaîne Histoire – Le sulfureux directeur général de la chaîne Histoire (Groupe TF1) a démissionné fin septembre, sans que les raisons de ce départ ne soient rendues publiques. L’ancien patron du journal d’extrême droite Minute est toujours mis en examen dans l’interminable affaire des sondages de l’Élysée...

- Maïtena Biraben obtient plusieurs millions d’euros de Canal+ – La chaîne du milliardaire breton Vincent Bolloré a été condamnée fin septembre à payer 3,4 millions d’euros à son ex-animatrice. Écartée du Grand Journal et licenciée pour faute grave fin 2016 après une chute de l’audience consécutive à la reprise en main brutale de la chaîne par son propriétaire, Maïtena Biraben a vu son point de vue confirmé par le conseil des prud’hommes, pour qui le licenciement était « sans cause réelle ni sérieuse ».

II. Du côté des entreprises médiatiques et de leurs propriétaires

- Le conflit continue au Média, qui se donne trois mois pour rebondir – Au Média, le conflit entre l’ex-directrice Sophia Chikirou et la nouvelle direction, composée entre autres d’Aude Lancelin, n’en finit pas [2]. « Miller et Poulain [co-fondateurs du Média] s’apprêtent à porter l’affaire devant le tribunal de commerce, plutôt que déposer une plainte pour abus de bien social, comme ils l’avaient envisagé » écrivait Libération le 7 septembre dernier. Le soupçon de Gérard Miller et Henri Poulain porte en particulier, selon l’enquête de Libération, sur « plusieurs milliers d’euros facturés pour des emplois au sein de Mediascop  » qui « correspondraient à des tâches effectuées en partie par des bénévoles au Média.  » De son côté, Sophia Chikirou « se dit [dans l’article de Libération publié le 7 septembre] prête à se défendre de toute accusation de malversation en justice.  » Dans un article du Point publié peu après, on apprend qu’elle a sauté le pas : l’avocat de Sophia Chikirou a ainsi déclaré au journal : « Nous avons proposé un échéancier pour protéger l’intérêt des socios. Le Média a refusé de discuter et refuse de s’acquitter de sa dette. Donc oui, nous sommes obligés de l’assigner pour qu’un juge sanctionne cette situation. » Au final, Le Média se donne trois mois pour décider si oui ou non le projet pourra continuer.

- Le Parlement européen approuve la directive du droit d’auteur – Le 12 septembre dernier, le Parlement européen a voté la directive qui approfondit le droit d’auteur. Les articles 11 et 13 de cette directive vont provoquer des changements dans la rémunération des journaux. «  L’article 11 oblige les plateformes Internet qui publient des extraits d’actualités à rémunérer les éditeurs de presse via des contrats de licence, alors que l’article 13 exige des prestataires de service qu’ils surveillent le comportement des utilisateurs afin de repérer les violations aux droits d’auteur  » explique ainsi le site Euractiv. Cette directive doit maintenant être adoptée par les parlements nationaux, qui décideront de ses modalités d’application. En France, l’éditocratie a fait campagne pour cette directive, en se faisant héraut d’une démocratie menacée en cas de rejet de la réforme...

- Reprise compliquée pour XXI et 6 Mois – En juin dernier, nous évoquions le sort des deux revues du groupe Rollin publication rachetées par La Revue Dessinée et l’éditeur Le Seuil [3]. D’après 20 Minutes, la situation s’est fortement détériorée dans le courant de l’été lorsque les deux repreneurs ont découvert plusieurs mauvaises surprises. Au premier rang desquelles, le nombre d’abonnés : « Au lieu des 10 000 abonnés promis par l’ancien propriétaire, on en a eu seulement 7 200 ». Les repreneurs et l’ancien responsable Laurent Beccaria se renvoient les responsabilités depuis des semaines. En attendant, ce sont les photographes, journalistes et illustrateurs des deux titres qui trinquent : il y aurait plus de 80 000 euros d’impayés… D’après 20 Minutes, les repreneurs auraient proposé aux salariés lésés «  de régler 50 % de la somme. Ces derniers refusent.  » À suivre...

- Le groupe Orpéa tente d’interdire la diffusion d’un reportage – L’émission de France 2 Envoyé spécial a subi une nouvelle tentative de poursuites bâillon, cette-fois de la part du gestionnaire de maisons de retraite Orpéa. D’après Télérama, « craignant sans doute que le film ne porte atteinte à son image, [...] Orpéa, a tenté de bloquer la diffusion du film quelques heures avant qu’il ne soit mis à l’antenne. En vain : le tribunal de grande instance de Nanterre a jugé [...] qu’il n’y avait pas lieu à référé.  » Pour Julie Pichot, réalisatrice du reportage, « Cela prouve que la liberté de la presse et d’informer reste un droit fondamental en France.  »

- Paris Première mise en demeure pour des propos d’Éric Zemmour – Selon Libération, « Paris Première (groupe M6) a été mise en demeure pour des propos tenus par Éric Zemmour sur l’immigration dans une émission de janvier 2018.  » D’après le CSA, les propos de M. Zemmour étaient alors « de nature à encourager les comportements discriminatoires et à inciter à la haine ou à la violence à l’égard d’une population expressément désignée pour des raisons de religion. » Des propos que les médias dominants se font une joie d’accueillir sur leurs antennes…

- L’Étudiant cesse sa parution papier – Le magazine L’Étudiant verra son dernier numéro papier paraître en janvier 2019. Selon un communiqué de la Société des journalistes du groupe, relayé par Le Monde, « la direction donne le coup de grâce avec un projet de plan de sauvegarde de l’emploi qui a pour projet la suppression des services de documentation, de secrétariat de rédaction, d’iconographie, de fabrication et d’exécution. » Un projet d’autant plus incompréhensible, que le groupe L’Étudiant « est rentable, avec un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros  » mais, ajoute Le Monde «  Marc Laufer [propriétaire du journal], 80 % de ses revenus proviennent de l’organisation de Salons.  »

- Sous-exploitation du cinéma européen et français par les chaînes françaises – Investir des millions d’euros dans la production de fictions… et diffuser celles-ci en pleine nuit. C’est le constat opéré par le CSA et relayé par BFMTV. Contraintes par la loi, les chaînes de télévision «  doivent [en effet] investir un pourcentage de leur chiffre d’affaires dans les films français et européens : 3,2 % pour TF1 et M6 ; 3,5 % pour France Télévisions ; et 12,5 % pour Canal Plus  » rappelle BFMTV. Pour quel résultat ? « Parmi tous les films co-produits par France 2 et diffusés pour la première fois à la télévision en 2016, 42 % ont été diffusés la nuit ; 25 % chez TF1 ; et 20 % chez France 3. » Le secteur public détient donc le record de la sous-exploitation des fictions qu’il finance...

- Closer et Grazia changent de propriétaire – Le groupe Mondadori France (Closer, Grazia, Science & Vie…) est en passe d’être racheté par Reworld Media (Marie France, Télé Magazine, Maison & Travaux, Auto Moto…). D’après Le Figaro, « c’est une opération d’ampleur pour Reworld, qui changera de dimension si les négociations aboutissent : l’ensemble pèsera près de 500 millions d’euros. » L’opération a cependant de quoi inquiéter les salariés et syndicats de Mondadori France, la réputation de Reworld Media en matière de dégraissage brutal n’étant plus à faire : remplacement des journalistes titulaires par des jeunes auto-entrepreneurs précarisés, publireportages, cadences infernales, suppression des titres les moins rentables… Si bien que d’après un élu syndical de Mondadori France, « si nos craintes se confirment, tous les journalistes prendront leur clause de cession  ».

Jérémie Fabre, et Benjamin Lagues, grâce au travail d’observation collective des adhérent.es d’Acrimed

 
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