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Une guerre écologique ? (5) Des alliés " désinvoltes " ?

"Syndrome des Balkans" et symptôme d’un certain journalisme

Les révélations de cancers et leucémies soufferts par les soldats occidentaux obligent Le Monde a s’interroger sur les informations de l’OTAN au moment de la guerre du Kosovo. On les croyait pourtant exemplaires. Cela s’intitule :

" La guerre et ses syndromes

[éditorial du Monde, vendredi 5 janvier 2001

LES armées d’Occident, hantées par le double souci politique de soigner leur réputation et de ménager les opinions nationales, ont peaufiné depuis quelques années des concepts qui tous visent à faire oublier les inévitables ravages de leurs interventions. Elles prétendent mener des " guerres propres ", avec des " frappes chirurgicales ". Elles affirment s’employer à réduire leurs propres pertes en poursuivant l’objectif du " zéro mort ", ou à épargner le plus possible les populations civiles, souvent otages des forces ennemies, en limitant les " dommages collatéraux ". Mais, les gouvernements et les états-majors le savent bien, il n’existe aucune " guerre propre ", même si les maux que les soldats rapportent des champs de bataille tardent parfois à se manifester. Cette vieille leçon acquiert une nouvelle actualité, ces jours-ci, avec le décès en Italie d’un sixième soldat ayant servi en Bosnie, et qui pourrait être attribué au " syndrome des Balkans ".

Il est encore trop tôt pour savoir si la mort mystérieuse par cancer de ce jeune artificier - et celle des autres victimes - est liée, de près ou de loin, au fait qu’il serait entré en contact avec des munitions contenant de l’uranium appauvri. Aucune preuve médicale n’a pour l’instant conforté cette hypothèse, et les scientifiques continuent d’observer, dans cette affaire, une extrême prudence. Il n’empêche : la dangerosité de la matière radioactive incriminée, dans certaines circonstances, est assez inquiétante pour justifier des demandes d’explication des pays concernés. Plusieurs d’entre eux s’étaient contentés de faire part de leurs craintes à l’OTAN. L’Italie va plus loin en demandant formellement à l’Alliance des informations précises sur l’utilisation " géographique " des munitions douteuses.

Cette démarche attire l’attention sur le traitement quelque peu désinvolte que l’état-major américain, maître de l’Alliance, inflige à ses alliés européens : ceux-ci n’ont en effet jamais été officiellement informés de l’usage par l’OTAN dans les Balkans - en Bosnie puis au Kosovo - de munitions à uranium appauvri, une matière qui rend les obus antichars plus denses et plus résistants. L’Europe a le droit de savoir à quels maux ses soldats sont exposés et donc d’exiger le maximum d’informations du Conseil atlantique, qui examinera ce dossier à Bruxelles le 9 janvier.

L’OTAN ne peut s’en tenir à ses habituelles réponses dilatoires, insuffisantes à calmer une inquiétude européenne qui ne manquera pas de resurgir à chaque nouveau décès suspect. On ne peut oublier qu’un autre syndrome, dû à des contaminations chimiques, celui de la guerre du Golfe, pourrait avoir fait des milliers de victimes aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada depuis 1994. Cette inquiétante affaire met aussi à nouveau en lumière l’extrême sensibilité des gouvernements européens à tout ce qui touche, de près ou de loin, à la santé de leurs citoyens. Rien ne semble plus, dans leur esprit, devoir échapper au principe de précaution. Pas même la guerre.

 
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