Editorial politique de RFI (une radio de Radio France) sur José Bové, le 22 novembre 2002.
"Cette fois, José Bové ne devrait pas échapper aux barreaux" se réjouit très visiblement Geneviève Goëtzinger sur RFI, mercredi 20 novembre 2002, dans un éditorial à charge, non dénué de violence, à l’heure où le militant va retrouver les geôles de la République.
G. Goetzinger n’est pas de celles et de ceux qui, comme l’ambassadeur Stéphane Hessel récemment, s’inquiètent de la criminalisation de l’activité militante, associative et syndicale. Pour elle, il n’y a visiblement pas atteinte au droit syndical. Au contraire, le jugement met fin à un laxisme, une "dérive" qui n’a que trop duré, "qui a laissé complaisamment s’installer un sentiment d’impunité face à la violence venue du monde paysan. "
Or, les faits reprochés à José Bové sont "d’une extrême gravité". Sa démarche n’est en rien justifiée. Pensez, une "volonté de saccage aveugle". C’est inacceptable "dans un Etat de droit". José Bové s’oppose au droit à la recherche, les liens entre certains chercheurs français et les multinationales sont douteux. Son attitude est "rétrogade", affaiblit le potentiel de recherche français. Car Mme Goëtzinger sait, elle, ce qu’il "faut" faire : "une expérimentation encadrée". José Bové fait obstacle aux "perspectives ouvertes par les cultures transgéniques dans la lutte notamment contre la malnutrition". Bref, "son combat est mauvais" ! ! N’en jetez plus ! Si. Elle en jette encore : l’indulgence de certains à l’égard "des méthodes de José Bové" est "pathétique" (François Hollande notamment, cherche à "donner des gages à la gauche radicale"). Et l’estocade : il serait "paradoxal", estime Mme Goëtzinger, que le président de la République grâcie José Bové, "à l’heure où l’impunité zéro se veut une règle d’or".
Ci-dessous le texte intégral.
Edito politique du 20/11/2002
José Bové : la prison et le symbole
Geneviève Goëtzinger
Cette fois, José Bové ne devrait pas échapper aux barreaux. Le militant de la Confédération paysanne a vu hier son pourvoi en cassation rejeté. 14 mois de prison donc et une classe politique qui peine à prendre position, à gauche surtout.
Oui, et José Bové crie bien sûr au scandale. Il met en exergue l’atteinte au droit syndical que constituerait, à ses yeux, cet arrêt de la cour de cassation. C’est vrai que le parallèle esquissé par ses amis entre cette décision et la bienveillance dont ont pu bénéficier dans le passé certains débordements de membres de la FNSEA par exemple peuvent donner l’impression de deux traitements différents. Les premières actions musclées de José Bové n’avaient d’ailleurs guère ému les dirigeants politiques français. Les pouvoirs publics portent incontestablement leur part de responsabilité dans cette dérive pour avoir au fil des ans laissé complaisamment s’installer un sentiment d’impunité face à la violence venue du monde paysan.
Mais cela ne justifie en rien la démarche de José Bové qui revendique la légitimité de ses actes. Ceux-ci sont d’une extrême gravité. Il y a dans cette volonté de saccage aveugle et systématique des champs d’essais OGM une incitation à la violence et à l’illégalité inacceptables dans un état de droit. Les OGM font en France l’objet de réticences de l’opinion à laquelle il faut opposer, non pas l’idéalisation véhiculée par les multinationales alimentaires, mais une expérimentation encadrée. Les perspectives ouvertes par les cultures transgéniques dans la lutte notamment contre la malnutrition sont telles qu’on ne saurait sérieusement les balayer sans les avoir étudiées.
C’est bien à cela que José Bové s’oppose, le droit à la recherche, la possibilité d’acquérir la connaissance, d’obtenir ces réponses que l’on est en droit de se poser sur les OGM. Une attitude rétrograde qui ne saurait trouver de justification dans les pseudo-relations privilégiées que les chercheurs français entretiendraient avec les multinationales. Et puis, la contradiction est flagrante entre l’objectif d’indépendance nationale, de lutte contre la mondialisation revendiqués par José Bové et l’affaiblissement du potentiel de recherche français. Là encore, le combat est mauvais qui conduit inéluctablement à l’affaiblissement de la filière agro-industrielle hexagonale.
Alors, on peut s’étonner de l’indulgence un peu pathétique dont certains, dans la classe politique, font preuve envers les méthodes de José Bové. François Hollande semblait curieusement soucieux de proclamer sa solidarité, convaincu sans doute que l’Aveyronnais a l’oreille d’une partie non négligeable de la société civile, soucieux de donner des gages à la gauche radicale. Jacques Chirac sera sans doute saisi d’une demande de grâce. Il serait paradoxal qu’il l’accorde, à l’heure où l’impunité zéro se veut une règle d’or.
Geneviève GOETZINGER
Edito politique sur RFI, du lundi au vendredi, à 07h15 et 12h24 (temps universel)