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Tentative d’homicide volontaire contre un journaliste français : les autorités israéliennes refusent de coopérer

par Jacques-Marie Bourget,

Nous publions ci-dessous une lettre que nous a adressée notre ami Jacques-Marie Bourget, journaliste, victime d’une tentative d’assassinat en 2000 à Ramallah. (Acrimed)

Le 21 octobre 2000 vers midi, avec Thierry Esch, photographe à Match, nous quittons Gaza où nous venons de passer une dizaine de jours. Après un détour par l’aéroport Ben Gourion, pour y expédier des films, nous nous dirigeons vers Ramallah où nous arrivons vers 15 heures.

Sur un terrain vague sinistre, qui fait face au City Inn, un hôtel réquisitionné par l’armée israélienne, se déroule un épisode banal de l’Intifada : lancé de pierres par de très jeunes adolescents. Réponse de l’armée qui, a priori, utilise des gaz et des balles en caoutchouc. Toutefois, pour éviter de prendre le moindre risque, surtout pour le photographe peu habitué à ce type de situation, je décide de prendre refuge entre trois murs d’un ensemble de baraques de pierre. Pour nous atteindre, il faut donc nous viser de front, de façon délibérée. En face, il n’y a rien d’autre que l’armée, donc un élément à priori maîtrisé. Autour de nous quelques Palestiniens, de jeunes adultes, sont assis comme moi sur un muret qui fait saillie au bas du mur lui-même. L’atmosphère est bon enfant. Puis, dans cette ambiance de happening répété, les adolescents et leurs pierres lancées vers l’armée, je me lève pour quitter cette position. Quelques secondes plus tard, je suis touché. Des témoins diront « par un tireur installé au City Inn », le building de l’état major israélien.

Une ambulance du Croissant Rouge m’embarque et je plonge dans le coma. A l’hôpital de Ramallah, poumon atteint et sous-clavière ouverte, les médecins jugent mon état si grave qu’il nécessite un transfert vers un établissement hospitalier israélien de Jérusalem. Mais l’armée refuse le passage de l’ambulance. Je reste donc à Ramallah. Après une série de transfusions, qui vont atteindre un total de quatre litres de sang, le consul de France, Monsieur Pietton, donne le feu vert aux chirurgiens palestiniens pour opérer : « de toutes façons si nous ne faisons rien il va mourir. »

Le lendemain soir, dans la nuit, un avion spécial de Mondial Assistance se pose à Ben Gourion pour me rapatrier à Paris. Mais l’armée refuse toujours le passage de l’ambulance du Croissant rouge. Finalement, Jacques Chirac, le président de la République, alors en voyage en Chine, intervient auprès de gouvernement de Ehoud Barak. On peut m’acheminer à l’aéroport. Nouvelles négociations afin d’accéder à l’avion. Toujours dans le coma, je suis enfin branché sur les appareils de réanimation de l’avion médical. L’ambulance palestinienne, consul de France à bord, restera bloquée cinq heures par les forces israéliennes, avant de pouvoir regagner Ramallah.

Personnellement, après une période passée en réanimation au CHU Beaujon, puis deux mois d’hôpital, après d’autres séjours pour des opérations complémentaires ou le traitement de la douleur, après, encore, deux années de rééducation quotidienne (quatre heures par jour) : je reste handicapé à 42%, et souffre de douleurs lourdes, permanentes du type « membres orphelins ».

Volonté d’une punition élargie ? Quelques jours après ma blessure, Abdel Khorty, un Palestinien, francophone, francophile et poète, qui avait été mon guide à GAZA, ancien infirmier à l’hôpital psychiatrique d’Évreux, marié à une Française, était assassiné par des israéliens alors qu’il rentrait à pied chez lui à Netzrim …

Devant le TGI de PARIS, j’ai déposé une plainte contre X pour tentative d’homicide volontaire, l’association Reporters sans frontières étant partie civile. Après deux années de sommeil de ce dossier, ballotté d’un juge l’autre, un nouveau magistrat instructeur, madame Michèle Ghenassia, fait progresser l’enquête en envoyant, le 27 avril 2005, une Commission rogatoire internationale en Israël. La juge était forte d’une expertise indiquant clairement la nature de la balle m’ayant blessé : un projectile israélien fabriqué par la firme d’état IMI. Et de divers témoignages parfaitement précis.

Deux ans et demi après cette demande d’assistance juridique le ministère de la Justice israélien vient de répondre en faisant connaître son « refus de coopérer ». Plus cruel : la lettre expédiée au juge Ghenassia affirme « qu’après une enquête conduite par l’armée » (couverte par le « secret défense »), « j’ai été la victime d’un tir palestinien » .

Cette lettre qui offense la justice et la vérité est un crime ajouté au crime. Et elle viole sans vergogne les accords de d’entraide judiciaire signés entre nos deux pays. Ce qui indique, outre ma personne, qu’Israël se moque, et de ses engagements internationaux, et de la justice française. Et il faut bien dire qu’aucun responsable de notre République, fonctionnaire ou élu, n’a soutenu notre demande.

Dans le but de recevoir une indemnisation, j’ai soumis mon dossier au « Fonds de garantie des actes terroristes et autre infractions ». Avant de se saisir de la demande, celui-ci prend l’avis du ministère des Affaires étrangères. Là, le Quai d’Orsay m’a débouté le 14/11/03, Dominique de Villepin étant en charge du ministère, avec ce jugement : «  Les faits sont imputables à un militaire de l’armée israélienne agissant dans le cadre d’une mission de sécurité et de maintien de l’ordre.  » Pour les Affaires étrangères, donc, l’action israélienne dans les territoires occupés relève d’une «  opération de sécurité et de maintien de l’ordre.  »

Le 31 janvier 2006, répondant à une sollicitation de mon avocat William Bourdon, le même ministère répondait : «  faire le maximum pour faire avancer la Commission rogatoire auprès des autorités israéliennes . »

Le 31 juillet dernier, le conseiller Gilles-Henry Garault, répondant à un nouveau courrier, préconisant « une saisine directe de la justice israélienne ». Ce que nous avons demandé de faire à maître Léa TSEMEL, avocate à Jerusalemen. Signalons qu’en Grande Bretagne, dans le cas de journalistes victimes de tirs israéliens, les magistrats de la couronne ont lancé une procédure pour « crime de guerre ». Puis j’ai suggéré au Président de la République, monsieur Jacques Chirac, de poser la question de ce dossier aux autorités israéliennes. Sans recevoir de réponse.


Enfin, le 29 août, mon avocat William Bourdon, a sollicité l’aide du président Sarkozy. A cette heure il est resté silencieux.


Théoriquement, c’est une action qui a été envisagée dans l’affaire Borrel, l’Etat Français devrait faire convoquer Israël devant la juridiction internationale pour le non-respect de son engagement d’assistance judiciaire.

Jacques-Marie Bourget

 P.S. d’Acrimed : Les autorités françaises observent une retenue persistante, à défaut d’être étonnante. Quelques journaux dont Le Monde (le 25 septembre 2007) ont, discrètement, informé leurs lecteurs. Aucun Etat impliqué dans une tentative d’assassinat ou refusant d’assumer ses responsabilités dans l’enquête sur cette tentative d’assassinat ne devrait, pourtant, bénéficier de la moindre mansuétude.

 
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