L’ami de longue date de Jean-Luc Mélenchon, l’un des 66 membres du bureau national du Parti de gauche, maire de Grabels et vice-président du divers droite Philippe Saurel, s’en prend à un journaliste précaire. Il me cite à comparaître devant le tribunal pour de prétendues insinuations et demande aux juges de me condamner à débourser plus de 7 000 € alors qu’en contrat aidé, je ne gagne que 650 € par mois. Le slogan du défenseur de la veuve et l’orphelin, Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2012 ? « L’humain d’abord. » Me voilà rassuré.
10 janvier 2015. Trois jours après la tuerie à Charlie hebdo. Dans sa commune de Grabels, René Revol prononce un discours en « hommage » aux victimes. Un halo se dessine au dessus de sa tête. La voix douce, empreinte d’émotion, il déclare :
Ce qui était attaqué c’était d’abord la liberté de la presse. La liberté d’expression, d’information est un des piliers de notre pacte républicain. Dès le XVIIIe siècle, le combat pour la publicité des débats, comme disaient les révolutionnaires, pour que les citoyens aient accès à toute l’information, est quelque chose de fondamental. Lorsque commence à être atteint ce droit, c’est le cadre même de notre vivre ensemble qui commence à être remis en cause.
On en pleurerait.
Un huissier au petit matin
Environ trois mois plus tard, l’élu envoie un huissier au petit matin à mon domicile pour me remettre une « citation directe devant le tribunal correctionnel ». À 47 ans, c’est la première fois que j’ai affaire à un huissier. Ça fait bizarre. Ça fait d’autant plus bizarre quand il est envoyé par un cadre du Parti de gauche dont le candidat à la dernière présidentielle prônait « L’humain d’abord ». Ça fait encore plus bizarre quand ladite citation devant le tribunal fait la bagatelle de… 400 pages !
Et pourquoi ? Pour contester des informations que j’aurais écrites ? Pas du tout. Aucun fait publié n’est contesté par René Revol. Mais alors pourquoi ? Parce que j’aurais prétendument insinué des choses dans un article du 5 février. Évidemment, je vais contester ceci devant le tribunal mais supposons que René Revol dise vrai. N’a-t-il pas déjà eu largement la possibilité de faire valoir son point de vue ?
Une « campagne » imaginaire
D’abord dans l’article visé où sa position est largement donnée alors qu’il m’avait raccroché au nez lorsque je tentais de la recueillir. Ensuite dans un très long droit de réponse publié alors qu’il ne correspondait pas aux formes requises par la loi. Droit de réponse qu’il a également publié sur son blog et diffusé par mail à de nombreux habitants de sa commune. Et dans lequel il inventait « une campagne orchestrée et organisée » par moi sans avancer le début d’un élément sérieux pour étayer sa thèse complotiste.
Soulignons au passage que pour quelqu’un qui serait scandalisé par la publication d’un article, René Revol a mis beaucoup de temps à réagir. En effet, il a envoyé son droit de réponse près de 5 semaines après la publication de l’article. Pour ma part, la dernière fois que j’ai envoyé un droit de réponse, il est parti le lendemain de la parution de l’article en question.
La diffamation c’est pas un dépassement de limite de vitesse
Mais la loi lui permet également de se défendre devant un tribunal, diront certains. Bien sûr. Sauf que la diffamation en droit ce n’est pas comme le dépassement d’une limite de vitesse. S’il est facile de juger si une personne a ou non dépassé 90 km/h, il est beaucoup plus subjectif d’évaluer une éventuelle diffamation. Le risque de condamnation n’est donc pas nul même si je revendique un travail sérieux, approfondi et équilibré.
Si on ajoute à cela que René Revol demande au tribunal de me condamner à verser plus de 7 000 € (insertions presse comprises), on se demande s’il ne cherche pas à faire définitivement taire Montpellier journal. D’autant que ce n’est pas difficile pour l’élu puisqu’il le fait avec un huissier, un très gros cabinet d’avocat (CGCB, Maxime Rosier) qui met à sa disposition plusieurs avocats dont les honoraires sont pris en charge par la commune de Grabels. Et visiblement, la petite équipe a passé des heures à décortiquer l’article en question. En face, Montpellier journal a environ 300 abonnés et mon salaire mensuel net se monte à 650 €. Bref, le combat judiciaire est d’emblée extrêmement déséquilibré. Sans compter que les puissants peuvent déjà remercier René Revol : en effet, le temps et l’énergie que j’ai utilisés et que je vais utiliser à me défendre ne seront pas consacrés à enquêter sur les pratiques des hommes politiques, acteurs économiques puissants, etc. Pour plus de développement sur ces points, lire : Pourquoi les attaques de René Revol sont une atteinte à la liberté d’expression.
Encore des articles sur les pratiques de René Revol
Évidemment, pour reprendre une expression chère au Parti de gauche : « On ne lâche rien ! » Je vais donc me battre avec mes modestes moyens mais avec la ferme intention de l’emporter. Et surtout Montpellier journal continuera à publier des articles sur les pratiques de René Revol. Pratiques qui sont d’ailleurs contestées au sein même du Front de gauche (lire par exemple ici) mais aussi par des anciens militants du Parti de gauche (lire par exemple ici et ici) ou encore par le NPA (lire ici). Bref, après être visé par une plainte pour « corruption passive » [2], René Revol est pour le moins sous pression.
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– Cet article est écrit à la première personne car c’est moi et moi seul qui suis attaqué en tant que rédacteur et directeur de la publication de Montpellier journal. Et je n’ai pas, contrairement à d’autres journalistes de médias plus gros, une entreprise qui fait des millions voire des dizaines de millions de chiffre d’affaires derrière moi.
Jacques-Olivier Teyssier
Source : blog de l’auteur sur Mediapart.