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Paris-Normandie, quotidien préfectoral ?

Le 4 juillet 2008, Paris Normandie publie dans la rubrique « En bref » un communiqué de la préfecture de Seine-Maritime daté du 3 juillet et intitulé « Services de la Préfecture cet été ». Aux habitants, ce communiqué apprend notamment que « l’augmentation importante des titres délivrés par la Préfecture et les sous-préfectures, les contraintes de personnels liées à la période estivale et la mise en place progressive du nouveau système d’immatriculation des véhicules conduisent à aménager[...] du lundi 7 juillet au vendredi 29 août inclus, les heures d’ouverture au public des guichets “cartes grises” et “permis de conduire” », qui ne seront accessibles au public que le matin 9 heures jusqu’à midi. » Un banal avertissement du public ?

Près de deux mois de restriction de l’ouverture des guichets, c’est long… et c’est une première. Or Paris Normandie, seul quotidien régional d’information n’a pas cherché à en savoir plus, ni sur les « les contraintes de personnels liées à la période estivale », ni sur les conséquences pratiques d’une telle décision, aussi bien pour les usagers que pour les agents. Apparemment, il n’est venu à l’idée d’aucun responsable de la rédaction qu’il pourrait y avoir un rapport entre une telle restriction et les projets gouvernementaux qui prévoient une cure d’amaigrissement accélérée dans les services publics ces prochaines années, 30 617 en 2009 après 22 900 en 2008 et 15 479 en 2007. Et si l’idée est venue, elle n’a fait que passer…

Et pourtant, il aurait suffi qu’un journaliste veuille et puisse enquêter pour que le quotidien du groupe Hersant Média soit en mesure d’informer ses lecteurs des véritables raisons de cette fermeture partielle. Suggérées dans le communiqué, elles figurent en toutes lettres dans la publication interne - Flash Pref - que la Préfecture destine, tous les quinze jours - aux agents de Préfecture et aux chefs des services déconcentrés de l’Etat. Certes, elle n’est pas officiellement transmise aux organes de presse ; mais elle n’est pas classée « Confidentiel Défense » et certains articles de Paris Normandie, laissent penser que des exemplaires « s’égarent » dans les bureaux de la rédaction ou que, à défaut, leur contenu est divulgué par d’opportunes confidences. .

Or que lit-on en titre dans le n° 229 du 17 juin 2008 ? Ceci : « Faute de stagiaires d’été, les guichets n’ouvrirons que le matin ». Avec l’explication suivante : « La décision (à contrecœur mais contrainte) des autorités préfectorales de renoncer , pour cause de déficit budgétaire prononcé, au recrutement de stagiaires d’été, va indiscutablement handicaper le fonctionnement de la plupart des services. Mais c’est évidement à la DRLP [Direction de la réglementation et des libertés publiques, le service chargé de la délivrance des titres], grosse consommatrice de forces supplétives en juillet-août (en 2007, 39 des 70 stagiaires y furent affectés) que ce manque se fera le plus durement ressentir. ». Or, la présence de ces stagiaires permet notamment aux titulaires de prendre plus facilement leurs vacances d’été à des dates qui leur conviennent ; et pour ces stagiaires, dont un certain nombre sont des enfants d’agents, il s’agit souvent d’une première expérience professionnelle qui leur fournit, par la même, l’occasion de se faire un peu d’argent de poche.

Paris Normandie aurait également pu informer ses lecteurs que ces nouvelles mesures de restrictions de personnel s’inscrivent dans une politique plus générale dont les conséquences étaient déjà évoquées dans le n°216 du 26 novembre 2007 de la publication préfectorale : « En trois ans, nous aurons ainsi perdu 27 emplois (5 % de l’effectif global), sans pour autant que notre charge de travail ait été allégée, bien au contraire. » Et dans le n° 225 du 10 avril 2008, on pouvait lire : « Notre plan de charge initial a donc été sérieusement revu à la baisse : 8 recrutements au lieu de 12, soit 2 mutations (1A et 1B) et 2 contractuels (technicien SIC et SESGAR) en moins. L’arrivée d’un B (emploi réservé) et de deux C sur liste complémentaire sera également retardée. Le recours à des agents temporaires, stagiaires d’été compris, sera par ailleurs limité aux besoins vitaux. »

Flash Pref , le 17 juin, ne mentionnait pas une augmentation importante des titres délivrés et la mise en place du nouveau système d’immatriculation des véhicules. Mais, publiquement, tant sur le site de la Préfecture que dans le communiqué transmis à Paris Normandie, ce motif est invoqué pour tenter de justifier les restrictions d’ouverture des guichets, en passant sous silence la pénurie de personnel. Quant au quotidien, réduit au rôle de courroie de transmission d’une information qui est aussi une opération de désinformation par omission, il n’a pas cherché à en savoir plus.

Il est vrai que Paris Normandie, comme nombre de ses confrères régionaux, bénéficie, dans ses colonnes, de la manne sonnante et trébuchante représentée par la publication d’un certain nombre d’avis d’annonces légales adressés par les services de l’Etat (y compris de la préfecture), en application d’un arrêté...préfectoral désignant les organes de presse habilités à les recevoir [1]. Or la santé financière de Paris Normandie est fragile [2].

***

Dans le numéro n°229 de Flash Pref déjà cité on pouvait lire dès le 17 juin : « Il va naturellement sans dire qu’une importante campagne de communication en direction du public, des professionnels et des mairies accompagnera ces modalités de fonctionnement très exceptionnelles qui devraient, dans une moindre mesure cependant, probablement concerner Le Havre et Dieppe. » [3]. La publication du communiqué du 3 juillet s’inscrit dans cette campagne.

Or, sauf erreur, Paris Normandie n’est pas l’organe officiel de communication de la Préfecture, mais se présente comme un journal...d’information. Indépendant, bien sûr.


Les informations contenues dans la publication interne à la Préfecture et à son circuit de diffusion nous été transmises par le syndicat Sud Intérieur.

 
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Notes

[1Une arrêt que l’on peut lire en version .pdf sur le site de la Préfecture.

[2Jean François Kahn déclarait le 9 juin 2005 lors d’un débat sur la concentration dans les médias, qui s’est tenu au Sénat et qui est consultable sur son site,  : « Paris Normandie est exsangue. »

[3Les sous-préfectures sont bien logées à la même enseigne.

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