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Madame Royal, pourquoi refusez-vous l’interview ?

par Barnabé Binctin,

Nous publions, sous forme de tribune [1], un billet de Barnabé Binctin, journaliste à Reporterre, adressé à Ségolène Royal après que celle-ci a annulé une interview, préférant se rendre sur BFM TV. Un texte qui nous rappelle qu’alors que certains médias spécialisés dans l’écologie, comme Reporterre, sont suffisamment consciencieux et professionnels pour maîtriser les « dossiers qui fâchent », d’autres le sont beaucoup moins et peuvent dès lors avoir la faveur de ministres peu désireux d’être confrontés à des questions trop précises.

Madame la ministre, j’ai donc la réponse à ma question.

Jeudi, je me demandais dans Reporterre (le quotidien d’information sur l’écologie) pourquoi vous aviez finalement annulé, à la dernière minute, notre interview arrachée de haute lutte, après plus d’un an de demandes officielles et de relances (lire ici le détail de ce parcours du combattant).

J’ai finalement compris en allumant le poste de télévision : c’est à BFM TV que vous avez préféré consacrer votre temps.

Ah damned ! L’immédiateté de l’image, la promesse de l’audience… Les exigences de la communication politique sont sans pitié. Et puis c’est vrai que dans la longue liste de vos deniers entretiens recensés par Arrêt sur Images ces dernières semaines, il ne figurait pas encore la célèbre chaîne d’informations en continu… Pas plus que des médias spécialisés dans l’écologie, non plus.

Pourtant, nous étions tout à fait à même d’entendre vos complaintes contre votre camarade de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Vous vous émouvez de son lobbying pour faire capoter l’interdiction des « néonicotinoïdes » ? En tant que journaliste écolo, nous suivons de près l’enjeu crucial qui se joue autour de ces pesticides tueurs d’abeille et nous aurions été ravis de comprendre plus précisément les tergiversations actuelles sur le projet de loi biodiversité.

Tout comme nous sommes avides d’en savoir plus sur ce nouveau report de la PPE (Programmation Pluri-annuelle de l’Energie), le principal outil de la loi de transition énergétique, la semaine dernière. Ou encore sur l’épineux dossier des Boues rouges à Marseille. Vos déclarations parcimonieuses sur ces sujets laissent supposer certains désaccords au sein du gouvernement ou avec les forces d’influence qui l’entourent : peut-être pourriez-vous nous en dire plus… ?

Alors certes, nous ne pouvons pas le nier, il existe nombre de désaccords entre nous. La prolongation des centrales nucléaires, la langue de bois sur Notre-Dame-des-Landes, la passion pour la voiture électrique, le refus de la circulation alternée en cas de pollution… Les occasions n’ont pas manqué de critiquer vos positions à la tête du ministère de l’écologie, depuis bientôt deux ans.

Et il ne suffit pas de boycotter le Round-Up pour effacer l’ardoise : c’est précisément notre rôle de journaliste que d’expliciter les incohérences, sans complaisance. Cela peut-il justifier votre indifférence ? L’interview devrait être un moment de débat, où s’affirment et s’éclairent nos contradictions. Il paraît que c’est plutôt sain dans un régime qu’on appelle démocratie.

D’ailleurs, tous les ministres répondent aux questions des médias relatifs à leurs prérogatives : Macron répond aux Échos, Le Foll à La France Agricole, et François Hollande… à Elle Magazine.

Alors sans rancune, Mme Royal : on remet ça ?



Barnabé Binctin

 
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Notes

[1Les articles publiés sous forme de « tribune » n’engagent pas collectivement l’Association Acrimed, mais seulement leurs auteurs dont nous ne partageons pas nécessairement toutes les positions.

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