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Macron chez Valeurs actuelles : France Info s’indigne, mais qui s’indigne de France Info ?

par Pauline Perrenot,

Sur France Info, deux éditorialistes maison s’inquiètent de voir Emmanuel Macron à la « une » de Valeurs actuelles pour un entretien exclusif. Inquiétude légitime tant il est vrai que France Info a tenu l’hebdomadaire d’extrême droite à distance de ses plateaux. Non ? Non. D’où notre question simple : de qui se moquent les éditorialistes de France Info ?

Le 30 octobre, Valeurs actuelles publie la « une » de son numéro à paraître le lendemain, arborant un entretien exclusif avec Emmanuel Macron :



Aussitôt, branle-bas de combat sur France Info ! Le matin-même, alors qu’ils reçoivent le ministre Julien Denormandie, les deux matinaliers Marc Fauvelle et Jean-Jérôme Bertolus s’indignent, d’une manière certes peu coutumière ces temps-ci :

- Marc Fauvelle : Bonjour Julien Denormandie. Vous lisez Valeurs actuelles ?

- Jean-Jérôme Bertolus : Est-ce que quand Emmanuel Macron bombe le torse sur les questions de l’immigration dans Valeurs actuelles, est-ce qu’on ne peut pas dire que le Président de la République braconne sur les terres de l’extrême droite ?

Diantre ! Et ce n’est pas fini : l’événement est relaté dans les flash info, et fait l’objet, dans le journal de midi, d’une chronique acerbe de l’éditorialiste Gilles Bornstein. Ce dernier pointe une incongruité après les déclarations d’Emmanuel Macron tenues la veille, au Centre européen du judaïsme :

D’un côté, des propos assez apaisants [d’Emmanuel Macron] vis-à-vis des musulmans, partie intégrante de la République et donc libres d’exercer leur foi comme ils le veulent dans ce pays. […] Donc des propos assez modérés, mais en même temps, il accorde une interview à Valeurs actuelles.

En effet. Le côté flexible du « en même temps », sans doute. Et l’éditorialiste de poursuivre :

Alors Valeurs actuelles, ce n’est pas n’importe quel journal. C’est, on peut dire, l’organe officiel de la droite des valeurs, la vraie droite. Un journal qui milite ouvertement pour le rapprochement LR/RN. Un journal très critique vis-à-vis de la présence des musulmans en France, puisqu’il titrait : « Naturalisés : L’invasion qu’on cache », avec une femme en burqa à la « une ». Un journal aussi conservateur voire réactionnaire. On va voir une « une » : « Sur la PMA et la GPA, comment ils vous enfument ».

Bref. Un journal d’extrême droite. Un journal dont les obsessions s’affichent en effet chaque semaine aux yeux de tous :



Un journal dont certains hauts-chroniqueurs (Charlotte d’Ornellas, Éric Brunet, François d’Orcival, Gilles-William Goldnadel), dont un des vice-présidents du comité éditorial (Jean-Claude Dassier), et dont le directeur de la rédaction (Geoffroy Lejeune) sont quotidiennement (pour certains d’entre eux) présents dans les grands médias, presse comme télévision, voire y animent des émissions. Une manière de faire exister cet hebdomadaire, de manière quasi artificielle tant sa diffusion propre est marginale : 89 356 ventes par numéro sur 2018-2019, soit une baisse de 11,59% par rapport à 2017-2018…

Un journal y compris très présent sur les plateaux de… France Info, malgré les indignations qu’il semble inspirer à ses journalistes : de janvier à juin 2019, il a bénéficié de pas moins de 22 invitations dans « Les Informés », la principale émission de « débat » de France Info.

Un journal à propos duquel le présentateur de cette émission, Jean-François Achilli, déclarait :

François d’Orcival, éditorialiste à Valeurs Actuelles, c’est tous les lundis. Et je suis fier d’inviter cet hebdomadaire dans les Informés de franceinfo. (« La médiatrice de Radio France », 19 octobre 2018)

Un journal, enfin, légitimé de longue date par France Info, puisque, déjà en 2012, la radio lui faisait l’honneur de ses micros :



Ça fait beaucoup. Ça fait beaucoup de « braconnage » cumulé « sur les terres de l’extrême droite », pour reprendre les mots du matinalier de France Info. Ou pour reprendre ceux de Gilles Bornstein – qui ne découvre sans doute ni la ligne éditoriale de Valeurs actuelles le 30 octobre 2019, ni sa présence régulière sur la chaîne qui l’emploie – ça fait surtout beaucoup de « en même temps » et de très souples « grands écarts » sur France Info :

Gilles Bornstein : [L’interview de Macron à Valeurs actuelles], c’est du « en même temps », mais alors là c’est vraiment du « en même temps », plus du grand écart. C’est assez risqué tant le sujet est inflammable.

On ne le lui fait pas dire…


Pauline Perrenot

 
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