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Lu, vu, entendu : « Experts et chargés de communication »

N°2 de notre nouvelle série proposée par Acrimed. Objectif : relever, brièvement, non pas ce qui concerne les entreprises médiatiques et leur économie (voir "L’actualité des médias"), mais les informations et les pratiques journalistes, les métiers du journalisme et les conditions leur exercice. Nous ne pouvons pas tout lire, tout voir, tout entendre. Cette "série" accueillera donc vos observations. Merci de nous écrire à acrimed@wanadoo.fr

Cette fois, notamment : La Palestine des présentateurs et l’Europe des éditorialistes : expertises ? - La politique et ses acteurs : journalisme ou communication ?

I. Des experts et des éditorialistes

 Experts. Dans un article, Télérama (22 septembre) relève la profusion des experts sur les ondes en s’interrogeant sur leur légitimité. D’un côté, on note les propos de Dominique Dambert (du magazine libéral ‘‘Rue des entrepreneurs’’ sur France Inter) qui affirme sans toussoter qu’il n’interviewe plus les syndicalistes parce qu’il ne les estime plus en mesure de se « démarquer librement vis-à-vis de leur centrales officielles  » et encore moins les patrons d’ailleurs, « terrorisés par les analystes financiers ». D’où son usage d’experts en expertise. D’un autre côté, (et il est vrai que c’est moins nocif pour les idées), l’article fait l’apologie de cette tendance des vrais libraires invités des plateaux par Pascale Clark ou Valérie Expert (la bien nommée ?), selon laquelle : « ils ont un contact direct avec le lecteur ... là où les journalistes agacent par leur perpétuel renvois d’ascenseurs  ».

 Géo-polique sur TF1. « Je regardais le JT de 13H sur TF1, samedi 18 septembre, lorsque - OH ! stupeur ! - Claire Chazal annonce : un « rapport alarmant du CICR concernant la démolition de maisons palestiniennes en Israël  » ! Confirmation de PPDA au JT de 20 H lundi 20 septembre : « en Israël , deux palestiniens tués et deux autres blessés à Gaza » !

Et bien, grâce à TF1, j’ai enfin compris que les palestiniens avaient envahi et occupaient Israël  ! Inutile de vous dire que TF1, et notamment son JT tellement impartial, sera désormais l’unique chaîne regardée par la famille. J’ai bien entendu immédiatement appelé TF1 et demandé qu’un rectificatif soit apporté, mais en vain, bien évidemment. » (Chantal Courvoisier, de Strasbourg)

 L’Europe des éditorialistes (suite). Au vu de leur production, nos éditorialistes politiques peuvent dire merci à Fabius qui leur a donné du grain à moudre. Pourtant, c’est avec ingratitude qu’ils le traitent. Il reste que la machine à « oui » est en marche, alors que l’information sur la Constution est en panne et le « débat » médiatique totalement biaisé [1]. Un seule exemple puisqu‘on y reviendra.

Edwy Plenel dans son Monde 2 (25 septembre) la joue modeste (ou au dessus du panier) : « Dans ce processus (le choix de vote), l’avis des journalistes importe peu. C’est même ce que l’on attend le moins.  ». Voilà qui n’est pas très confraternel, puisque la plupart des éditorialistes se sont précipités pour sermonner ou prescrire. Si leur avis importe si peu, pourquoi s’empressent-ils de donner des consignes de vote. Par masochisme ? La mini-campagne pour le « oui » serait sans conséquence : « A près tout, les lecteurs sont grands et assez avertis pour s’en méfier naturellement », poursuit Plenel.

Jean-Marie Colombani ne s’embarrasse pas pour si peu, dans sa petite rente bimensuelle au magazine Challenges (23 septembre). Sous le titre « Fabius a ouvert la boîte de Pandore », Colombani complète l’éditorial anonyme du Monde du 11 septembre, fustigeant - c’était son titre - « La Faute de Fabius » (11 septembre, dans Le Monde) son avis est clair : « En disant non au projet de Constitution, le numéro deux du Parti socialiste prend le risque de stopper la construction européenne pour servir son ambition présidentielle. Mauvais calcul : cette position met en pièces son image de socialiste moderne », ou « le destin de Fabius vaut-il qu’on lui sacrifie l’Europe ? » , son opinion sur Fabius en conséquence : « celui qui vient de prendre le risque politique de transformer ce scénario catastrophe » ; « Chacun a en même temps compris qu’il s’agissait, en fait, pour un (sic) Laurent Fabius sentant la candidature à la prochaine présidentielle lui échapper, de renverser la table en s’appuyant sur un vote des militants lui permettant d’éliminer ses principaux rivaux », sa modestie inquisitoriale : « la démarche de Fabius est-elle celle d’un homme d’Etat ? ». Réponse solennelle : « Difficile de le décréter à l’avance : seule l’Histoire peut juger. » « Une autre question est de savoir si la conquête d’une candidature à la présidentielle vaut que l’on remette en cause une part de l’identité socialiste.

II. Des journalistes ou des chargés de communication ?



 Opération Cecilia Sarkozy. Le Parisien du 23 septembre annonce en surtitre « Cécilia en direct sur M6  », dans un talk-show d’Emmanuel Chain. « Un événement » (sic). Elle en serait « morte de trouille », selon le quotidien, ce qui ne l’a pas empêché de le faire, comme elle a fait la Une du mensuel « Questions de femmes » (octobre) qui la propulse grâce à un sondage comme « première femme d’aujourd’hui » (sic).

- Opération Jean-Louis Boorlo. Dans le feuilleton médiatique « Qui sera premier ministre  », François Fillon est pour l’instant ‘‘out’’. Sarkozy est lui passé au tome 2 (« la présidence »). Après le mise en orbite de Villepin (lire lu-vu-entendu n°1), c’est donc au tour de Borloo : « Le challenger » (sic) pour Libération, de revenir le vide.

Prétexte : le « vibrionnant » Borloo comme le déprécie le non moins vibrionnant Nicolas Beytout dans ses Echos (23 septembre), a eu l’heur de passer à l’émission 100 Minutes de France 2. Cela valait sans doute une annonce en pages télévision (cahier des charges oblige). Mais l’ccasion (de tirer le portrait) fait le larron : nous avons eu droit à une déferlante de « relation presse » complaisamment utilisée dans les journaux.

Un portrait de La Croix - « Les convictions de Jean-Louis Borloo, un iconoclaste en politique » - où l’on apprend qu’il est un « mystère », que son « style détonne », qu’il est un « homme de challenges », qu’il aurait fait ses preuves à Valenciennes (car « même l’opposition en convient »), que « c’est une belle mécanique intellectuelle  ».

Libération n’est pas en reste dans la fourniture de portrait : « Borloo a plus que la tête de l’emploi  » (3 colonnes sur « l’ex-avocat d’affaires devenu premier ministrable », « l’homme qui aurait donc mûri »). Le parisien s’y colle évidemment : « le ministre des Affaires sociales poursuit sa montée en puissance. Il fait partie des premiers ministrables et l’Elysée compte sur lui pour réduire la fracture sociale. ».

Passons sur Le Parisien, fidèle à ces figures imposées par le jeu médiatique actuel. A côté, le people VSD : « le vrai visage de Borloo » - deux pages de la plus haute importance - fait presque figure de plagiaire illégitime.

Et pour finir....

 Endoctrinement. Depuis et avec la bénédiction de la circulaire Lang (Jack, 2001), les marques de la grande consommation se sont engouffrées dans la brèche béante du manque de crédit de l’Education nationale, pour proposer des Kits éducatifs avec leur logos dessus aux enseignants et bambins... Libération le 23 septembre, fait le point dans « récitez : « publicité, j’écris ton nom », le 23 septembre. Les casseurs de pubs veillent.

 
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Notes

[1Une exception (il y en a...) : Marianne, des 19 et 26 septembre : un « oui » (timide), mais avec vigilance sur la « campagne médiatique » et, une rareté, un effort d’analyse du texte

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