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Lire : Les médias et la banlieue, de Julie Sedel (extraits)

par Julie Sedel,

Nous publions ci-dessous, avec les autorisations de l’auteure et de l’éditeur, des extraits de la conclusion du livre de Julie Sedel, Les médias et la banlieue, paru en coédition INA/Les éditions Le Bord de l’eau en avril 2009 (247 pages., 18 euros).

Cet ouvrage de sociologie (tiré d’une thèse dirigée par Patrick Champagne et préfacé par Gérard Mauger) ne se borne pas à analyser les « clichés » journalistiques, mais il s’efforce de mettre en rapport le traitement médiatique des quartiers populaires avec trois transformations : les transformations de ces quartiers depuis le début des années 1980, les transformations des métiers du journalisme, les transformations de l’intervention des acteurs locaux en direction des médias.

Les extraits qui suivent permettent de se faire une idée du livre, mais ne dispensent pas de le lire… [H.M. pour Acrimed]

Sept points principaux se dégagent de la démonstration proposée dans ce livre

 Premièrement, les visions des « banlieues » produites par les médias d’information ne sont pas de simples constructions ou artefacts. Elles sont élaborées à partir d’une réalité « objective » qui leur oppose de la résistance et des limites. […] .

 Deuxième point : la « réalité » sociale interagit avec les représentations médiatiques. Parallèlement, en effet, à cette transformation des conditions sociales d’existence (dégradation de l’accès au marché du travail, transformations de la composition sociale de la population résidente, perte d’autorité des enseignants, des policiers, etc.), une représentation alarmiste de cette fraction de la jeunesse populaire s’est imposée dans les médias et dans le champ politique. […] .

 Troisième point : les représentations des « banlieues » s’expliquent également par les transformations du fonctionnement journalistique. Celui-ci a été marqué par trois phénomènes majeurs : une montée des logiques commerciales, une « dépolitisation » au sens partisan du journalisme ainsi qu’une « déspécialisation ». C’est ce dont atteste la montée en puissance des services d’information générale dans la plupart des rédactions et la promotion d’un « journalisme professionnel » et « polyvalent » sur un « journalisme militant » ou encore « spécialisé ». […]

 Quatrième point : les médias occupent une position centrale dans l’espace public. Cette position stratégique explique les luttes de concurrence entre producteurs symboliques (journalistes, hommes politiques, sociologues, enseignants, travailleurs sociaux…) pour tenter de dire ce qu’est le monde social. Ainsi, la représentation négative d’une population stigmatisée associée à des espaces urbains en déshérence n’a pas été créée ex nihilo : en énonçant que les causes de ces problèmes trouvaient leurs principes et leurs solutions dans ces espaces habités, l’État français a réactivé d’anciens schèmes de perception cristallisés par l’activité des médecins, hygiénistes, urbanistes et réformateurs du XIXe siècle [1]. Il l’a fait en dessinant une nouvelle entité bureaucratique et symbolique, le « quartier difficile [2] », construction qui permettait d’associer une « politique » (de la Ville) et d’attribuer des « moyens » à un problème social ainsi institué. […]

 Cinquième point : l’étude des réactions suscitées par la médiatisation met en évidence le fait que les médias sont des instruments permettant de fabriquer ou de détruire des réputations. Ce qui distingue les journalistes d’autres catégories de producteurs de biens symboliques, c’est l’hypertrophie de cette fonction. […]

 Sixième point : parmi les différents groupes intéressés à la production d’une certaine image des banlieues, le poids structural des médias de grande diffusion, et en particulier, de la télévision, apparaît déterminant. Le fait que les réactions soient suscitées par des reportages télévisés montre bien l’importance de cet acteur symbolique. Sa capacité d’imposition de visions de la réalité, par sa large diffusion notamment, est attestée par le fait que les différents univers sociaux sont amenés à croire dans l’image comme enjeu, ce qui les conduit à prendre en compte l’image médiatique « dominante » (proche du sens commun) dans leurs efforts pour produire une certaine représentation valorisante d’eux-mêmes. […]

 Septième point : la volonté d’enrayer le processus de disqualification des cités « populaires » lié au chômage, à la précarisation des habitants et à la dégradation des bâtiments favorise la visibilité médiatique et produit un nouveau type d’acteur : non plus le militant qui luttait pour une transformation des rapports sociaux au sein de la cité, mais « l’habitant », l’éducateur, l’artiste luttant contre la disqualification du quartier et, à travers cette lutte, pour une certaine représentation des problèmes sociaux localisés dans l’espace, vision qui s’accorde donc à la représentation médiatique et politique. […]

Julie Sedel

 Julie Sedel, Les médias et la banlieue, coédition INA/éditions Le Bord de l’eau, avril 2009, 247 pages, 18 euros - Présentation et commande en ligne sur le site des éditions Le Bord de l’eau.

 
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Notes

[1Cf. notamment Paul Rabinow, Une France si moderne. Naissance du social, 1800-1950, Paris, Buchet Chastel, 2006.

[2Sur cette question, cf. Sylvie Tissot, L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, 2007, Paris, Seuil, Collection Liber

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