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Lire : France Télévisions [off the record], de Marc Endeweld

par Henri Maler, Pascal Chasson,

Présentation du livre de Marc Endeweld, France Télévisions [off the record], éditions Flammarion, septembre 2010, 473 p., 21,90 euros... [et, en même temps du prochain « Jeudi d’Acrimed », avec l’auteur : « Télévisions publiques : un déclin inexorable ? », à Paris (5 mai)].

Le compte-rendu qui suit s’efforce de faire ressortir, sous la chronologie, l’histoire d’un déclin, celui de la télévision publique et de retenir quelques leçons générales des principaux épisodes…

L’enquête de Marc Endeweld, journaliste indépendant spécialiste des médias audiovisuels, repose sur une base documentaire impressionnante, puisée à des sources multiples dont certaines sont inédites (rapports parlementaires, textes internes à l’entreprise), ainsi que sur la réalisation de plus de 230 entretiens auprès des principaux responsables de France Télévisions, de hauts fonctionnaires, d’animateurs et de journalistes.

Autant dire que la matière est abondante, presque trop même parfois : ce qui rend difficile de prétendre en restituer toute la richesse. On se contentera de retenir les points principaux de cette enquête qui montre, pour reprendre les termes de la quatrième de couverture « Comment l’État actionnaire, de gauche comme de droite, n’a cessé d’affaiblir le groupe public au profit du privé. » En quatre actes.

I. Première partie : « Le Monde de l’audiovisuel est médiocre » (Hervé Bourges)

L’ouvrage de Marc Endeweld s’ouvre sur un chapitre qui parce qu’il porte sur le rôle de la principale chaîne privée constitue, à bien des égards, l’une des clés de l’ensemble de la démonstration : comment la place accordée aux chaînes privées trace les limites de ce que la télévision publique peut entreprendre…

 Depuis la constitution du groupe France Télévision en 1992, rappelle l’auteur, TF1 n’a eu de cesse de le répéter : les chaînes publiques, doublement financées par l’État et la publicité, exercent une pression à la baisse sur les tarifs publicitaires et ponctionnent indûment une part de la « manne » au détriment des chaînes privées. Ce leitmotiv, qui se fait plus pressant en 2007, lorsque TF1 enregistre une baisse historique de ses parts de marché, trouvera enfin un terrain favorable avec l’élection de Nicolas Sarkozy, ami intime du PDG de TF1 Martin Bouygues. Et ce sera d’une pierre deux coups puisque, par-delà les discours sur la nécessaire (et vertueuse) distinction des identités, celle du public et celle du privé, ce sera aussi le retour, pour le groupe France télévisions, à une plus grande dépendance à l’égard de son unique actionnaire, l’État. Redoutable fatalité pour le service public de l’audiovisuel que cette oscillation permanente entre autonomie et dépendance ou plutôt entre deux formes de dépendances, économique et politique, et dont le jeu fait la petite et la grande histoire. (Chap. 1 : « Les vieilles ficelles de TF1 », p. 17-26).

 Hervé Bourges par exemple. Celui qui justement aura l’idée de rassembler les chaînes publiques en un groupe unique France télévision (alors sans « s »), en fera lui-même les frais. Débarqué par le gouvernement Balladur, qui le voit trop à gauche, il est remplacé en 1993 par un Jean-Pierre Elkabbach qui peut savourer sa revanche et imposer sa méthode. Le fameux « Osons », lâché devant les personnels (popularisé par les Guignols de l’Info sur Canal +) consiste à partir à la conquête de l’audience mais avec les mêmes armes que l’adversaire visé : TF1. On connaît le résultat. Au succès relatif de la première partie du règne répond deux ans plus tard la démission anticipée, sur fond de scandale, lorsque le coût démesuré des contrats accordés aux animateurs–producteurs (Drucker, Arthur, Mireille Dumas, Delarue…) est révélé. (Chap. 2 : « Elkabbach en clair obscur », p. 27-52).

 Jean-Pierre Elkabbach, démissionnaire est remplacé par Xavier Gouyou-Beauchamps, qui assure l’intérim puis cède sa place à Marc Tessier le 28 mai 1999, au terme d’une élection « rocambolesque » pour reprendre le mot de Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture et de la Communication. Car au centre de la valse, il y a le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) et une élection du PDG de « France télé » n’est jamais une affaire simple. Le jeu des influences politiques et des intrigues y culmine derrière les écuries et chacune des voix, rappelle l’auteur, est l’objet d’une attention de tous les instants. Marc Tessier, sorte de contrepoint du fougueux Elkabbach, saura jouer devant les « sages » de sa réputation de manager et de bon gestionnaire (qualité qui lui sera plus tard contestée…) pour incarner le retour à l’ordre et remporter la mise, avant de devoir, six ans plus tard, laisser place à un Patrick de Carolis, candidat inattendu et qui se pose en défenseur de l’indépendance. (Chap. 3 : « Jeux d’influence au CSA », p. 53-73).

II. Deuxième partie : « Nous perdons notre sens » (un journaliste de France 3)

Ou, pour le dire autrement : du gouvernement Jospin aux gouvernements Raffarin.

De 1997 à 2002, la « gauche plurielle » gouverne sous l’autorité de Lionel Jospin mais rien ne va mieux, malgré cette alternance, pour la télévision publique.

 Ministre de la culture et de la communication, Catherine Trautmann va échouer dans toutes ses tentatives. Les tergiversations du premier ministre socialiste, qui redoute un affrontement avec le secteur privé, TF1 en tête et les réticences du ministère des Finances finissent par paralyser les initiatives de la ministre. Celle-ci veut donner plus d’autonomie financière au groupe public, sur le modèle allemand, tout en lui assurant une plus grande distance avec les enjeux plus proprement politiciens mais son projet fait long feu et elle sera remplacée, le 28 mars 2000, par une Catherine Tasca plus en phase avec le chef du gouvernement. (Chap. 4 : « Trautmann seule contre tous », p. 77-94).

 Au même moment, Marc Tessier, élu en 1999, entend faire de la télévision numérique terrestre (TNT), et donc de la création de nouvelles chaînes thématiques gratuites (dont une chaîne Info), le cœur de son projet, lequel constitue une solution alternative pour France Télévisions, en forme d’élargissement de l’offre, dans sa lutte contre l’hégémonie de TF1. Mais il se heurte à l’opposition du ministère des Finances, dirigé par Laurent Fabius, favorable… à une privatisation partielle de France 2. (Chap. 5 : « Le “développeur” Tessier et les socialistes », p. 95-116).

 Alors que le projet est en attente, Tessier reçoit l’appui inattendu du nouveau président du CSA, Dominique Baudis, ex-journaliste de télévision, maire UDF de Toulouse puis député, qui a été nommé par Jacques Chirac le 17 janvier 2001 pour un mandat qu’il exercera jusqu’en 2005. Dominique Baudis s’empare à son tour du dossier, et se heurte à l’opposition rageuse de la direction de TF1 qui y voit une menace pour sa chaîne fétiche « tout info », LCI. (Chap. 6 : « Et Dominique Baudis lança la TNT ! », p. 117-132).

 Avant la fin du mandat de Dominique Baudis, c’est Jean-Jacques Aillagon, devenu ministre de la Culture et de la Communication du premier gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui torpille définitivement le projet de Marc Tessier. Tout est mis en œuvre désormais pour rappeler au président de France Télévisions que c’est l’actionnaire qui décide tout en œuvrant, plus souterrainement, à servir TF1 et les amis du pouvoir. Le remplacement de Jean-Jacques Aillagon par Renaud Donnedieu de Vabres n’y changera rien. (Chap. 7 : « La télé selon Aillagon et Raffarin », p. 133-147).

Pendant toute cette période, politiquement chahutée, aucun projet d’entreprise cohérent ne s’impose réellement.

 Les mouvements sociaux au sein des chaînes publiques – en particulier les grèves très suivies de 1997 et de 2002 – ne parviennent pas à donner aux personnels, dans contexte budgétaire inquiétant les assurances qu’ils sont en droit d’espérer, ni à enrayer le déclin du groupe, la baisse de son audience et la dégradation continue de la qualité de ses programmes. (Chap. 8 : « Grèves amères à l’antenne », p. 149-163).

 Parmi ces programmes, le Journal télévisé de France 2. Son évolution est l’enjeu d’âpres conflits internes qui se traduisent, entre 1999 et 2004, notamment par l’éviction de Claude Sérillon [1] et, plus tard, du directeur de la rédaction Pierre-Henri Arnstam. Leur remplacement, respectivement par David Pujadas et Olivier Mazerolle, s’accompagne d’un net changement du traitement de l’information d’autant plus significatif d’un alignement par le bas dans la course à l’audience qui conduit à quelques « dérapages » retentissants. (Chap. 9 : « Sorties de route aux 20 heures », p. 165-182).

 Le Service des sports lui aussi, entre 2001 et 2004, vit des crises internes à répétition. Autrefois valeur sure du service public, le sport est devenu un secteur stratégique sur le plan de l’audience et une véritable loterie sur le plan économique. Marc Tessier recrute aux postes clefs les anciens de « Canal », Charles Bietry en tête, qui importent une culture d’entreprise bien différente. Le règne du spectacle et de l’argent roi s’imposent, pour attirer notamment à prix d’or les consultants, souvent anciens sportifs, qui dament le pion aux journalistes spécialisés. Un audit interne mettra un terme aux dérives mais l’épisode laissera bien des traces dans les esprits. (Chap. 10 : « Psychodrames au Service des sports », p. 183-193).

À défaut d’une politique globale, qui serve le service public plutôt que servir le secteur privé, l’exécutif poursuit des objectifs politiques qui lui sont particuliers, sans se soucier de l’intérêt général, comme le montrent les chapitres suivants.

 En 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur se démène pour obtenir la création d’une télé corse. Il parvient à surmonter les oppositions de France 3 Région, qui craint que l’exemple Corse ne suscite des ambitions régionalistes un peu partout, tout en offrant le pilotage de la nouvelle télévision à des proches de sa majorité. « Via Stella », tel est son nom, verra ainsi le jour après l’élection présidentielle de 2007. (Chap. 11 : « La télé corse de Nicolas Sarkozy », p. 195-206).

 L’audiovisuel extérieur connaît un feuilleton à rebondissements. Objet de multiples revirements depuis 1997, il est enterré jusqu’en 2002 : Jacques Chirac en fait alors une des priorités de son quinquennat. Mais à qui confier la chaîne d’information internationale ? TF1 affiche ses compétences avec LCI, France Télévisions ses prérogatives de chaîne publique. Le 29 novembre 2005, le projet est ficelé et Patrick de Carolis contraint d’entériner un mariage forcé : TF1 et France télévisions deviennent copropriétaires d’une chaîne… intégralement financée par l’argent public. (Chap. 12 : « Quand Chirac voulait sa chaîne “tout info” », p. 207-221).

C’est en effet Patrick de Carolis qui, le 6 juillet 2005, a été élu à la tête du groupe public [2] (alors que Jacques Chirac n’a pas achevé son mandat). Commence alors une nouvelle phase de déclin pour France Télévisions.

III. Troisième partie : « Gérer avec brio le déclin » (Patrick Levrier, ex-sage du CSA, à propos de Patrick de Carolis)

Patrick de Carolis l’a annoncé : il veut engager un « virage éditorial et stratégique » pour France Télévisions, c’est-à-dire restaurer une certaine autonomie de décision et revenir aux missions spécifiques du service public. Nouvelle tentative, nouvel échec.

 Pour mettre en œuvre son projet, le président fraîchement nommé réunit autour de lui une équipe composée de Patrice Duhamel, Bastien Millot et Damien Cuier, et bientôt Camille Pascal, chargée de convertir les effets d’annonces en orientations concrètes. (Chap. 13 : « Le “club des cinq“ à la présidence », p. 225-237).

 Il ouvre son mandat par le lancement d’un audit interne à France Télévisions qui met à mal l’ancienne direction au point de faire réagir publiquement Marc Tessier. (Chap. 14 : « Un “bon gestionnaire” mais… », p. 239-254).

 Il s’attaque ensuite aux animateurs-producteurs qui ont continué à bénéficier d’avantages exorbitants. Le système inauguré par Elkabbach a en effet largement perduré au point de pulvériser les records antérieurs mais il ne sera pas au final radicalement changé par la nouvelle équipe. (Chap. 15 : « Les “parachutes dorés” des animateurs-producteurs », p. 255-282).

 C’est sur le terrain enfin de la relation avec l’administration de tutelle que se fait aussi la télévision publique et de ce point de vue de Carolis est particulièrement isolé. Le recrutement du Thierry Bert, pointure dans son domaine, il a été chef de l’Inspection des Finances à Bercy, permet d’assurer le lien institutionnel. Mais entre l’énarque et le nouveau PDG, qui n’entend pas faire de concession, le torchon brûle et « Bert fait ses valises ». (Chap. 16 : « Le numéro 3 du groupe sort pas la petite porte… », p. 283-302).

 En 2007, changement de décor. Nicolas Sarkozy devient président de la République et Patrick de Carolis « bénéficie » alors de nouveaux interlocuteurs : Christine Albanel à la Culture et, avec le titre de conseiller pour la culture et l’audiovisuel de Nicolas Sarkozy, Georges-Marc Benamou [3]. L’opposition entre de Carolis et les représentants du pouvoir exécutif se focalise sur l’entreprise unique. (Chap. 17 : « Albanel, Benamou et “l’entreprise unique” », p. 303-314).

À partir de 2008, se joue le dernier acte.

IV. Quatrième partie : « Il faut refaire tout du sol au plafond  » (Nicolas Sarkozy)

 Après avoir dû capituler sur le dossier de la chaîne d’information internationale 100% publique, de Carolis doit avaler de nouvelles couleuvres. À peine la chaîne a-t-elle été créée que la guerre entre les deux copropriétaires est aussitôt ouverte. Aujourd’hui encore France 24, puisque c’est le nom qui est finalement choisi, n’en a pas fini… de ne pas exister vraiment. (Chap. 18 : « Sarko fait joujou avec France 24 », p. 317-332).

 Mais le pire reste à venir, avec l’annonce surprise par Nicolas Sarkozy, le mardi 8 janvier 2008, de la suppression de la publicité sur France Télévisions. S’ensuit une longue bataille sur le financement que la commission, dirigée par Jean-François Copé, est chargée d’arbitrer. Mais, finalement, c’est Nicolas Sarkozy qui décide. (Chap. 19 : « Le gentil Copé, le méchant Sarko », p. 333-353).

 Le lobbying des producteurs, pour qui le soutien à la création coïncide avec le soutien dont ils doivent bénéficier, reprend de plus belle. Pour eux, bien que son financement soit menacé, la télévision publique reste une « vache à traire ». Alors même que TF1 a réussi à faire baisser ses obligations de production, ce sont 95% des productions de stock pour les chaînes publiques qui doivent être réalisées par les sociétés de production « indépendantes ». (Chap. 20 : « Peur sur le (petit) monde de la “création” », p. 355-378).

 La suppression de la publicité après 20 heures doit être en principe compensée par une contribution supplémentaire de l’État à hauteur de 450 millions d’euros. Mais, tandis que cette compensation se fait attendre, les finances du groupe sont au plus mal et le spectre de la cessation de paiement n’est pas loin. Paradoxalement le budget de France Télé sera sauvé… par la publicité. (Chap. 21 : « À la recherche du fric perdu », p. 379-388).

 Entre-temps, en juin 2007, les techniciens de la filière de production de France 3 menacent de faire grève. L’externalisation de la production a de longue date provoqué des ravages. Patrick de Carolis tente de redresser la barre. La perspective de « l’entreprise unique », pourtant soutenue par la CGT, provoque elle aussi de fortes tensions. (Chap. 22 : « Les grands travaux de Carolis », p. 389-400).

Alors que le projet d’entreprise ne parvient pas à s’affirmer, les programmes peinent à affirmer leur identité.

 Du côté de l’information, sous le long règne d’Arlette Chabot (six ans…), la rédaction devient peu à peu amorphe : les rivalités internes et générationnelles (« audimatologues » contre « déontologues ») se sont estompées au profit de l’attentisme, de la prudence ou de la démotivation. (Chap. 23 : « Le long règne d’Arlette Chabot », p. 401-412).

 Le service des sports, dirigé par Daniel Bilalian depuis 2005, a pour ambition de rivaliser avec les chaînes privée et bénéficie d’un budget considérable. Mais celui-ci, face à la concurrence de TF1 et de Canal Plus, reste toutefois insuffisant. Stade 2, l’émission-phare, est en baisse. Et le journalisme sportif traverse une crise interne sans précédent. (Chap. 24 : « Les jeux du cirque à tout prix », p. 413-425).

 Une première leçon générale peut être tirée… À la différence de la BBC, France Télévisions ne contrôle pas vraiment ses programmes alors même que ce contrôle devient un enjeu stratégique, notamment face aux géants des télécommunications. Le groupe est avant tout un diffuseur : il ne produit qu’une maigre partie des programmes qu’il finance... et dont les droit dérivés lui échappent. Le potentiel interne est ainsi miné par la concurrence des producteurs indépendants. Les intérêts industriels sont sacrifiés. La perspective du « média global » est en panne. Le Net est à la traîne. (Chap. 25 : « Pourquoi France Télé ne sera jamais la BBC », p. 427-441).

 Au moment où s’achève l’enquête, France Télévisions Publicité (FTP) - la régie publicitaire - celle-là même qui avait sauvé France Télé en 2008 du gouffre financier – est sur le point d’être bradée aux opérateurs privés. Mais sa privatisation, qui devient « une affaire » pour les repreneurs si la publicité est officiellement maintenue sur les chaînes publiques avant 20 heures, est finalement suspendue… Pour combien de temps ? (Chap. 26 : « C’est les soldes à la régie publicitaire ! », p. 443-458).

 « Épilogue : Le grand détournement » (p. 459-464) : Un premier bilan de deux dernières années s’impose alors. La suppression partielle de la publicité a eu pour conséquences le renforcement des tutelles politico-administratives. Les producteurs ont monopolisé le débat, alors même que France Télévisions ne dispose ni des droits dérivés ni d’un appareil de production conquérant. En raison notamment du sous financement, le « virage éditorial » s’est finalement avéré très conservateur et très peu créatif…

***

Ce résumé ne dispense pas de lire la totalité du livre. Celui-ci propose une des trop rares enquêtes sérieuses sur son sujet, à destination du grand public dans un genre où dominent habituellement les passions et les ambitions d’acteurs qui, prédicateurs de leurs propres causes, monopolisent le débat… sur les plateaux de télévision. Une enquête qui pour une fois n’est, pas prisonnière des enjeux et des intérêts, économiques et politiques qui sous-tendent les bavardages convenus et conformes.

Quelles leçons générales peut-on tirer du livre de Mars Endeweld et des contradictions qu’il met en évidence. ?

À suivre son évolution, depuis 1997 au moins, la télévision publique semble condamnée à un inexorable déclin. Elle est soumise, à une double emprise : commerciale et politique, la seconde confortant généralement la première. Prisonnière de l’Europe libérale, elle est livrée à la concurrence de groupes privés qui bénéficient de toute l’attention des uns (en général les gouvernements de droite) et de la complaisance des autres (les gouvernements de gauche).

Corseté par le pouvoir exécutif et par le Parlement – leurs volontés et leurs caprices – France Télévisions est de surcroît placé sous la double tutelle d’un ministère des Finances, soucieux du moins disant financier et d’un ministère de la Culture, soucieux d’un mieux disant culturel, mais qui laisse le champ libre aux télévisions privées. Quant au Conseil supérieur de l’audiovisuel, en raison de la dérisoire autonomie dont il dispose et à cause des jeux de pouvoir dont il est le théâtre, ses interventions sont dictées par des rapports de forces qu’il subit en affectant de les arbitrer.

Enfin, dépendant d’une concurrence commerciale, aggravée par l’externalisation de la plus grande partie de ses moyens de réalisation qui attisent les appétits sans limites des opérateurs privés (que l’on pense aux sociétés des animateurs-producteurs) et des lobbys, France Télévisions n’est pas en mesure aujourd’hui de maîtriser la production de ses propres programmes (et les droits dérivés de leur exploitation), ni de se déployer réellement sur le numérique.

Dès lors, les directions successives de France Télévision ne sont en mesure, quand elles le souhaitent véritablement, ni de doter le groupe d’un projet d’entreprise cohérent et ambitieux, ni de doter chacune des chaînes du groupe d’une identité clairement définie.

À défaut de transformations rapides et profondes, le déclin du secteur public deviendrait pour longtemps irréversible, et avec lui tout service public de l’information et de la culture dont il devrait être une composante essentielle.

Pascal Chasson et Henri Maler

 
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Notes

[1Coupable d’avoir interviewé Lionel Jospin avec trop peu de complaisance.

[2Au terme de manœuvres diverses, cf. notre série « L’actualité des médias » n°41, n° 42 et n°43.

[3Un rouage dont nous avons tracé le « portait » ici même : « Georges-Marc Benamou, commis de Lagardère devenu scribe de Sarkozy », décembre 2007.

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