Dans Les Cahiers du football n°38 d’octobre 2007, sous le titre « La grosse sirène », Jean-Patrick Sacdefiel (qui a pris ce pseudonyme parce que, affirme-t-il, il « n’aime personne, et il tient à le faire savoir »), déversait en abondance son fiel satirique sur la tête de Denis Balbir : un journaliste sportif qui, après avoir commenté pendant dix-sept ans, les matches de football sur Canal Plus, a rejoint France 2 pendant un an, puis Orange Sport. Depuis septembre 2008, il est consultant dans l’émission « Europe 1 Foot » [1].
La page 5 du n°39 des Cahiers du football (détail).

Extraits de « La grosse sirène » :
« Peut-on assurer sa réussite professionnelle en rendant sourdes ou folles des générations de téléspectateurs ? Dans un monde qui gratifie autant l’abrutissement que la capacité à abrutir, cela ne fait aucun doute. C’est ainsi que Denis Balbir est parvenu à ce qu’il concevra comme une consécration – la lecture de prompteur sur le plateau de France 2 Foot –, grâce à une stratégie efficace à défaut d’être très fine : observer une rigoureuse […] sur le plan journalistique, mais s’affubler d’un signe distinctif, aussi insupportable soit-il. […] Si vous n’avez rien à dire, essayez de mugir : telle est la devise de cet hypertrophié de la glotte, […] Balbir, numéro 1 au vociféromètre. Gagnant d’être connu. […] »
Pourquoi ces extraits seulement ? Parce que les passages que nous avons coupés comprenaient des traits satiriques que la Cour d’appel de Metz a trouvé injurieux. Ainsi, alors que Denis Balbir avait été débouté en juin 2008 par le tribunal correctionnel de Metz, il a fait appel de cette décision et, en novembre 2009, il a (partiellement) gagné son procès contre le journal satirique, condamnés à verser 3.000 euros au plaignant.
Les attendus du jugement introduisent une bien étrange jurisprudence. En effet, le tribunal a jugé que certaines expressions « constituent des attaques personnelles et des injures publiques qui ne sont pas absolument nécessaires pour constituer un article satirique à l’égard d’un particulier ou d’un journaliste ». Faut-il comprendre que le tribunal juge les expressions non pour elles-mêmes, mais en fonction de l’idée qu’il se fait de ce qui est « absolument nécessaire » à la satire ?
Les Cahiers du football, déjà en grande difficulté financière, ont dû renoncé à se pourvoir en Cassation, en raison du coût du pourvoi et de l’énergie qu’il faudrait lui consacrer.
… Difficulté financière que la condamnation aggrave et qui a amené Les Cahiers à renoncer (provisoirement ?) à leur version imprimée.
Tout va donc pour le mieux dans le royaume de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Henri Maler
Pour en savoir plus, lire, sur le site des Cahiers du football :
- « L’affaire Sacdefiel », 29 janvier 2008. Un article consacré au dépôt de plainte pour injures.
- « Relaxe, Take It Easy »”, 3 juillet 2008. Un article sur le jugement de relaxe en première instance.
- « Une défaite, mais pour qui ? », 18 novembre 2009. Le compte-rendu du jugement de la Cour d’appel.
- « Les Cahiers du foot : le magazine s’arrête à l’orange », 18 novembre 2009