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Le ministère des Finances perd sa bataille judiciaire contre Acrimed

par Acrimed,

Un nouvel épisode de la tragicomédie qui oppose l’administration fiscale à Acrimed vient de se jouer, qui pourrait bien être le dernier. Et nous ne sommes pas malheureux d’annoncer que si tel était le cas, c’est Acrimed qui sortirait vainqueur de ce véritable marathon judiciaire entamé en… septembre 2010. La cour administrative d’appel de Versailles vient en effet de rendre un arrêt par lequel elle déboute le ministère des Finances de l’appel qu’il avait formulé contre une décision du tribunal administratif de Montreuil, en date du 2 mai 2014, favorable à Acrimed.

Mais de quoi parle-t-on ? L’association Acrimed aurait-elle des comptes en Suisse ou à Singapour ? Est-elle impliquée dans le scandale des LuxLeaks ? Des Panama Papers ? Qu’avons-nous donc fait pour mériter une telle attention de l’administration fiscale ?

La réponse tient en une simple phrase : Acrimed a eu l’indécence, en septembre 2010, de formuler une demande, en bonne et due forme, de bénéficier de la disposition qui permet la défiscalisation (à hauteur de 66%) des dons consentis « au profit d’œuvres et d’organismes d’intérêt général ». En d’autres termes, nous avons demandé de pouvoir bénéficier, comme c’est le cas pour nombre d’associations, du droit de délivrer des reçus permettant à celles et ceux qui nous soutiennent d’obtenir une réduction de leurs impôts sur les dons effectués en faveur de notre association.


Résumé des épisodes précédents

Nous n’imaginions pas, à l’époque, que nous nous lancions dans une épopée judiciaire qui durerait – et ce n’est peut-être pas fini – six longues années. Pour ne pas ennuyer (et embrouiller) nos lecteurs et lectrices, nous nous contenterons d’un très bref résumé des épisodes précédents [1].

- 9 septembre 2010 : Acrimed dépose une première demande.
- 14 janvier 2011 : l’administration demande un « complément d’informations ».
- 8 février 2011 : le dossier « complété » est déposé.
- 29 juillet 2011 : l’administration nous oppose un refus.
- 5 septembre 2011 : Acrimed dépose un recours auprès du « Collège de second examen des rescrits d’Île-de-France ».
- 26 mai 2012 : le « Collège » nous propose un rendez-vous pour le 29 juin 2012.
- 29 juin 2012 : nous nous rendons au rendez-vous.
- 12 juillet 2012 : notification d’un second refus.
- 14 septembre 2012 : nous renouvelons, comme nous l’autorise la loi, notre demande.
- 5 mars 2013 : notification d’un troisième refus.


L’administration motive ces refus en arguant que nos objectifs, nos publications et nos initiatives publiques ne font pas d’Acrimed une association d’intérêt général à but éducatif, scientifique ou culturel.


- mai 2013 : nous déposons un recours auprès du tribunal administratif pour faire annuler ces décisions.
- 2 mai 2014 : le tribunal administratif de Montreuil nous donne raison et annule les décisions du 12 juillet 2012 et du 5 mars 2013.


Victoire ? Pas encore, l’administration fiscale étant déterminée à nous faire boire le calice jusqu’à la lie.


- 4 juillet 2014 : le ministère des Finances fait appel de la décision du tribunal administratif.
- 26 mars 2015 : le ministère des Finances dépose un « mémoire » destiné à appuyer son appel.
- 2 juin 2016 : audience devant la cour administrative d’appel de Versailles.
- 21 juin 2016 : la cour administrative d’appel rend un arrêt rejetant le recours du ministère des Finances.


« Une mission dont il n’est pas sérieusement contesté qu’elle revêt un caractère d’intérêt général »

Les attendus de l’arrêt de la cour administrative d’appel sont instructifs, notamment l’extrait qui suit :

[…] Il résulte de l’instruction que l’association Acrimed a pour objet statutaire « la défense des droits à l’information et à la culture par : / - l’éducation aux médias et la diffusion de savoirs sur les médias ; / - l’examen critique de leur contenu et de leur économie ; / - la participation à des actions démocratiques pour la défense des droits à l’information et à la culture et des droits de leurs producteurs : / - l’édition de toute publication d’information et de réflexion pour concourir aux objectifs de l’association » ; que l’association requérante, par les explications fournies et les pièces qu’elle verse au dossier, justifie que les actions qu’elle mène sont conformes à sa mission statutaire, mission dont il n’est pas sérieusement contesté qu’elle revêt un caractère d’intérêt général ; qu’à l’appui de son recours, le ministre des Finances et des Comptes publics se borne à relever le caractère « militant » et politiquement engagé des actions en question ; que, toutefois, un tel défaut de neutralité politique, à le supposer établi, ne fait pas en lui-même obstacle à ce que l’intéressée puisse se prévaloir, en tant notamment qu’organisme à caractère culturel, des dispositions précitées des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

Dans cet extrait, la cour administrative d’appel rend non seulement justice à Acrimed mais reconnaît en outre que le « défaut de neutralité politique » ne constitue pas un obstacle pour une association revendiquant une mission d’intérêt général. Une évidence ? Pas forcément, surtout par les temps qui courent… Dans tous les cas, si cet arrêt, fruit d’une longue bataille, peut être utile à d’autres associations elles aussi dans le collimateur de l’administration fiscale, ou n’ayant pas encore osé franchir le pas, nous en serions bien évidemment ravis – à condition qu’elles contribuent effectivement à l’intérêt général comme nous sommes convaincus de le faire, sans (illusoire) neutralité politique, mais sans engagement partisan.


Investissez dans la niche fiscale Acrimed !

« Le recours du ministre des Finances et des Comptes publics est rejeté. » Telle est donc la conclusion de l’arrêt de la cour administrative d’appel, qui nous donne raison, près de six ans après le dépôt de notre premier dossier auprès de l’administration fiscale. C’est désormais officiel : Acrimed est une niche fiscale performante ! La preuve :

Une nouvelle qui tombe à point nommé, alors que nous sommes actuellement en pleine souscription et que nous n’avons pas encore atteint notre objectif initial de 60 000 euros.

Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore fait, il est donc plus que jamais temps de faire un don ou d’adhérer, et de faire passer le mot à vos proches ! Et pour celles et ceux qui l’auraient déjà fait, il est toujours possible de recommencer !

Soutenez la critique des médias, la critique des médias vous le rendra !


Acrimed


Post-Scriptum : Soulignons, pour être tout à fait complet, que le ministère a encore la possibilité de faire appel auprès du… Conseil d’État. Mais peut-on sérieusement imaginer que l’administration se lance dans une telle procédure, d’autant qu’elle a sans doute bien d’autres chats à fouetter, par exemple dans les domaines de la fraude et de l’évasion fiscales ?

 
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