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Le mélomane du Nouvel Observateur et les intermittents du spectacle

par Henri Maler,

Le 14 août 2003, paraissait dans Le Nouvel Observateur une chronique mélomaniaque de Jacques Julliard.

Cela s’intitule « Fausse alarme » et cela se présente ainsi « Au festival d’Orange, les intermittents du spectacle ont eu un comportement responsable. Et même les accrocs... n’ont pas eu que des effets négatifs ». Quand Jacques Julliard - qui adore faire partager aux lecteurs du Nouvel Observateur son goût pour l’opéra - parle de « comportement responsable », on craint le pire et l’on a raison. Extraits.

« Me voilà bien en retard pour vous parler des festivals provençaux de l’été. Remarquez qu’il n’y a que demi-mal puisque la plupart n’ont pas eu lieu. A l’heureuse exception d’Orange, où les intermittents attachés aux Chorégies ont su comprendre que leur annulation, cette année, aurait peut-être signifié leur disparition. Il faut savoir en effet qu’à la différence des autres festivals celui d’Orange repose à plus de 80% sur la vente des billets. Preuve a contrario que le jusqu’au-boutisme culturel façon Avignon ne peut fonctionner que si l’Etat, tellement vilipendé, est là pour réparer les pots cassés.  »

Le mensonge du mélomane est aussi éloquent que son aveu. Mensonge : car les intermittents avaient accepté de travailler à Orange d’abord et avant tout pour ne pas favoriser le Front National. Aveu : car parler de « jusqu’au-boutisme », même flanqué d’un « culturel », c’est parler la langue du Point ou du Figaro pour dire la même chose qu’eux.

Suite :

« En un mot, les intermittents d’Orange eurent un comportement responsable dont il faut les féliciter. A deux accrocs près dont ils ne furent pas la cause et dont les effets dramatiques ne furent pas que négatifs, loin de là. Lors de la deuxième d’« Otello » d’abord, le 16 juillet. Il avait été entendu que la représentation aurait lieu normalement, moyennant une annonce qui passerait sur FR3 exposant la position des intermittents. Mais la chaîne de télévision ayant, par compensation, autorisé sans prévenir Orange des annonces en sens contraire de l’Unedic, qui défend l’équilibre financier de sa caisse, un vent de révolte souffla à l’entracte parmi les intermittents. Palabres. Votes. L’entracte se prolonge. Le public, de mauvais poil, s’impatiente. Enfin, à la majorité, les intermittents se prononcent pour la poursuite du spectacle.  »

Jacques Julliard est une plaisant conteur. D’une part « la position des intermittents » dont on ne sait rien ici, d’autre part « des-annonces-en-sens-contraire-de-l’Unedic-qui défend l’équilibre-financier-de-sa-caisse ».

Mais si Jacques Julliard a pris sa plume d’oie, ce n’est pas pour nous expliquer la révolte des intermittents (lire ici même : « Les Chorégies d’Orange, France 2 et les intermittents), mais pour nous faire partager ses plaisirs privés :

« Et voici le premier miracle. Jusqu’à cette interruption de près d’une heure, le spectacle se traînait. Les voix - il y avait pourtant là celles de Vladimir Galouzine (Otello), de Jean-Philippe Lafont (Iago) et de Tamar Iveri (Desdémone) - ne portaient pas. Au dixième rang, on avait peine à entendre les pianissimi. Et voilà qu’à la reprise tout s’arrange, les voix montent et sonnent comme elles doivent monter et sonner dans l’air épuré de l’amphithéâtre ».

Deux informations décisives : Jacques Julliard, cette fois, n’était qu’au dixième rang et n’a pas été privé de pianissimi par des jusqu’aubou-tistes.

Et ce n’est pas fini :

« Second miracle, à la première de « la Traviata », le 2 août. Le même pacte a été passé avec les intermittents. Tout devrait donc aller pour le mieux. C’était compter sans le sabotage d’un pervers isolé, espérons-le, qui a profité de la soirée portes ouvertes de la veille pour dissimuler dans l’amphithéâtre une alarme de voiture commandée à distance. A neuf reprises, elle retentira pendant une trentaine de secondes au cours du premier acte. Ici le miracle est double. D’abord, un ingénieur du son à l’oreille infaillible repère avec précision dans l’immense mur de têtes qui se trouve devant lui l’endroit exact où se cache l’alarme sacrilège. Chapeau ! Mieux encore : quelques minutes plus tard, le duo de Violetta et d’Alfredo, massacré par un syndicaliste obtus ou un gauchiste fanatisé, a repris. Et ce qui aurait dû tourner à la confusion générale se traduit par un triomphe pour le merveilleux couple formé par Inva Mula et Rolando Villazon. »

A défaut d’être informé sur le rang où se trouvait Jacques Julliard ce soir-là, on se bornera à relever simplement l’équation : « pervers isolé » = « syndicaliste obtus », = « gauchiste fanatisé ».

Commentaire d’un lecteur assidu des chroniques de Jacques Julliard (et du site d’Acrimed) :

« Mais Jacques, qui est historien d’origine, a raison : les esclaves travaillaient mieux quand ils redoutaient d’être crucifiés. Cela concentrait leur attention. »

Jacques Julliard de gauche ? Sans doute une « fausse alarme ».

 
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