Les représentations que donnent les media des « cités » mobilisent des répertoires spécifiques de signes et de codes, des registres de symboles qui produisent du sens au-delà du texte et des images. Contre une critique commune qui s’emploie à y débusquer le mensonge, cet article se propose de les analyser comme un langage. Dans ce sens où les représentations collectives ne sont jamais ni vraies ni fausses, ni objectives ni subjectives, mais plutôt l’expression d’une perspective dominante.
Par la profusion d’articles, au travers des images et des discours mettant invariablement l’accent sur des thématiques telles que le secret, la maladie, la guerre, l’incivilité ou l’invasion, l’institution médiatique véhicule une certaine manière d’envisager l’espace des « cités » et de le contrôler. L’assimilant à « l’opinion publique », elle donne à cette perspective la forme d’une norme légitime. Elle produit un ordre du discours dans lequel les journalistes sont obligés d’inscrire leurs articles s’ils veulent être publiés. Elle constitue des récits, avec des personnages, des intrigues, des morales, et diffuse ainsi nombre de messages implicites qui nourrissent les représentations collectives. Pour les expliciter, il faut sérier ces articles, les comparer, pour en faire émerger les invariants, les constantes dans la forme et dans le fond, qui font sens dans la répétition [1]. En déconstruisant les images et les discours dominants de la presse sur « les cités », on peut reconstruire cinq messages principaux, que l’on illustrera d’articles particulièrement représentatifs. Ils décrivent cet espace de manière à en appeler la prise en charge, à en légitimer un certain type de contrôle, selon cinq thématiques, qui ont chacune leurs propres héritages dans l’histoire du contrôle de l’espace.
« Un espace dissimulé qu’il faut connaître »
Un « Grand Dossier Sécurité » du Monde affirme faire le point sur la question qui taraude la société française : « La France est-elle un pays dangereux ? »
La photo, qui domine la page, donne explicitement le contexte : s’il y a un risque à vivre en France, il vient des « cités » [2]. Les deux premières pages de ce dossier sont intitulées « Jours ordinaires à La Chapelle Saint-Luc » ; pour décrire la vie de cette banlieue de Troyes, l’auteur a choisi de recenser les plaintes déposées pendant deux jours au commissariat [3]. En gras, les titres de paragraphe proposent l’image suivante de la vie dans cette « cité » : Mardi, 11 heures, bureau des plaintes : « Il y avait de grandes flammes devant la porte » ; Mardi, 11h30, la plainte de la pharmacienne, pour le principe. Mardi, début d’après-midi, le véhicule de patrouille face aux gens du voyage. Mardi, 15h30, les malheurs du Principal. Mardi, vers 19 heures, interpellation du concubin au couteau. Mercredi, 7h00 du matin, coup de filet dans les HLM. Mercredi après-midi, traumatisme crânien et vide-ordures bruyant : les complaintes de la main courante. Mercredi, vers minuit, le blues des patrouilles de nuit.
Les deux pages suivantes du dossier affirment, en titre, donner « une réalité contrastée et ambiguë » en proposant des cartes et des tableaux statistiques, apportant le « fait » pour dévoiler le mensonge supposé. Pourtant les statistiques ne traduisent pas des faits, elles sont construites puis interprétées aussi en fonction de ce qu’on veut leur faire dire [4].
Elles ne peuvent pas contredire la manière dont on les interroge. Le Monde se présente ainsi en pourfendeur de « la pauvreté du débat français » [5], brisant le « tabou » [6] qui pèse sur les « cités ». En l’occurrence, il ne fait que reproduire le même discours que tous les autres périodiques, en présentant comme logique, un système qui lierait « cités », « immigration », « délinquance » « islamisme », « terrorisme »... Montrer la vie quotidienne d’une banlieue, en regardant par la lucarne de son commissariat, c’est fabriquer un monde en guerre.
Le sensationnel, les révélations font vendre, c’est le principe du marché de la presse mais aussi un jeu entre l’institution médiatique et ce qu’elle perçoit des questions et des peurs qui traversent sont lectorat, elle dit en somme « achetez cette information car c’est la meilleure, les autres ne vous la donneront pas » mais aussi « voici la vérité sur ce qui vous intéresse », établissant ainsi la norme du « débat » et de « l’opinion publique ». Elle affirme donner « les vrais chiffres », révéler la « face cachée », d’un monde de « peur indicible », si ce n’est par le périodique en question [7], bien-sûr. Ainsi, les champs sémantiques de la pénombre, du mystère, du mensonge ou du tabou appellent nécessairement ceux de la lumière, de l’aveu, du scandale mis en place en publique. Cette forme de l’expression journalistique repose sur le dogme libéral et la « théorie » néo-classique, qui, appliqués à l’économie de presse, conçoivent un individu rationnel dans sa consommation d’information et imposent à l’entreprise médiatique, pour survivre, d’être la plus compétitive dans la production de ces informations, quelles qu’en soient la qualité ou le sens. Les messages construits par la presse sur les « cités » réinvestissent pour l’immense majorité cette manière de légitimer le questionnement, le regard. La nécessité de connaître un objet appelle généralement celle de le contrôler. L’injonction médiatique à connaître l’espace repose indéniablement sur la forme des discours et des pratiques de l’économie de marché.
« Un espace malade qu’il faut soigner »
La rhétorique médicale et le champ sémantique de la maladie sont des registres régulièrement mobilisés par la presse pour décrire « les cités », ils s’intègrent à un mouvement général qui vise à identifier cet objet comme un « problème à régler », au centre d’une « question sociale » dont on peut se demander si elle existe bien avant que la presse ne s’en empare. Depuis les années 90, on peut repérer trois formes principales de cette image de l’espace : l’anti-gêne à assimiler, le membre fracturé à ressouder, la tumeur à détruire.
Les notions d’ « intégration » ou d’ « assimilation » explosent dans les discours médiatiques au début des années 90. Construites pour envisager « l’immigration », elles contaminent la représentation des « cités » en les identifiant à « l’espace de l’immigration . [8]. Elles instituent une forme d’altérité de l’espace fondée sur l’origine imaginée de ses habitants. Cette perspective légitime une certaine prise en charge des « cités », comme le corps intègre un anti-corps ou rejette un anti-gène. Les dimensions de l’acceptation ou du rejet, traçant une limite floue entre les périodiques de droite ou de gauche, s’imposent comme les modes légitimes d’une gestion immunitaire de l’espace.
Cette manière d’envisager l’espace malade ne disparaît pas mais tend à se déplacer de l’image de l’anti-gène à celle de la fracture autour de 1995, d’un espace au corps, vers un espace du corps. « Mr Chirac face aux fractures sociales et ethniques des banlieues » titre un article du Monde du 14.10.1995 [9]. La thématique de la fracture compose une image de l’espace rompu dans une métaphore biologique où l’espace national prend la forme du corps humain, et « les cités » celles de membres endommagés. Elle appelle nécessairement la suture ou le plâtre, c’est-à-dire des modes de prises en charges susceptibles de redonner la santé à un membre endommagé, de le guérir, de le réparer. Elle introduit ainsi les institutions chargées d’intervenir dans les « cités » comme des médecins, un corps médical pour un corps malade. Le chômage, la ségrégation, l’insalubrité ou les émeutes apparaissent alors comme des maladies, des dysfonctionnements, que les services sociaux, la police ou la justice doivent soigner, et non plus intégrer. On est passé à une gestion traumatologique de l’espace.
Le thème de « la fracture sociale » qui explose autour de la campagne présidentielle de 1995 tend à être relégué par celui de la décomposition autour de la campagne de 2002. Malek Boutih, l’ancien président de SOS Racisme, parle de « violence de décomposition » dans un article intitulé « SOS Racisme réoriente son action vers les quartiers en difficulté ». La presse passe alors de la description des « cités » comme un membre rompu à celle d’un corps tuméfié qu’il faut évacuer, détruire. Les notions de décomposition et le champ sémantique de la mort émergent en parallèle d’une politique de la ville qui passe à l’égard des cités d’une rhétorique intégrative, aux discours sécuritaires et aux projets de démolitions des « cités ». « Elle vit, elle vit, la banlieue », écrit Le Parisien, comme pour se convaincre lui-même que la banlieue n’est pas l’espace de la mort (alors que ce journal repose principalement sur le traitement quotidien du fait divers racoleur). Malgré tout, le dessin de Ranson, montre un extra-terrestre ayant atterri en banlieue, devant sa soucoupe détruite, déclarant « Je suis formel, il y a une vie en banlieue, on a désossé ma soucoupe ».
Alors, il y a bien de la vie en banlieue, mais c’est la délinquance qui la régit, semble dire Le Parisien. La carte qui figure à côté de ce dessin semble proposer une radiographie des tumeurs dans un corps humain dont le RER D constituerait le squelette. La page de droite rappelle au travers de la notion de « cité-dortoir », l’image du coma qui a traversé les années 80 et accompagné une politique de la ville centrée sur la construction d’aménagements sportifs ou culturels, comme pour réinsuffler la vie. Les images de l’espace malade semblent correspondre aux politiques de la ville qui le prennent en charge. Comment ne pas penser aux discours hygiénistes, qui ont construit les images de l’espace populaire et soutenu sa « médicalisation » tout au long de l’haussmannisation qu’a connue Paris sous le second Empire ? L’image du miasme et de la tuberculose n’ont-elles pas soutenu la politique du baron Haussmann visant à repousser les espaces populaires du centre de Paris vers la nouvelle couronne ? On peut saisir l’espace malade et sa médicalisation comme un registre de discours disponible pour le contrôle et la soumission de l’espace, dont les modes d’expression dépendent d’une politique de la ville centralisée. La métaphore biologique établissant l’Etat et la capitale comme la tête du corps national montre comment le jacobinisme, qui soutien la forme centralisée de l’Etat-nation français, légitime aussi le contrôle de l’espace populaire.
« Un espace en guerre qu’il faut pacifier »
La « radiographie » de la page du Parisien peut apparaître aussi comme une carte militaire, elle propose une géographie des banlieues comme autant foyers de crise, de combats ou de camps de l’ennemi. Les images de l’espace en guerre, que ce soit au travers des « violences urbaines », de l’islamisme ou du terrorisme, traversent la décennie 90 en croissance continue, avec des pics autour de la guerre du Golfe, des attentats de 1995, du 11 septembre et de chaque élection présidentielle. « Poussée de fièvre dans les quartiers Nord », « Plongée dans le chaudron de Seine Saint-Denis », « Beurs, la peur de l’étincelle » [10], les thématiques de la chaleur et du feu sont un répertoire essentiel de la représentation des « cités », la voiture qui brûle en constituant le cliché. Ces stigmates jouent sur la peur mais ils appellent aussi un imaginaire particulier, celui de la guerre, de la « guerre civile » ; et au travers de l’explosion, l’ombre du terrorisme, qui semble planer sur « les cités ». Le feu est une image de la menace, mais c’est aussi un message, « il faut éteindre le feu » comme disent de nombreux articles. Face à une déclaration de guerre, on ne peut que répondre par les armes et la guerre. Faire « la guerre à l’insécurité » [11] . Cependant cette guerre n’a ni état, ni armée, ni raison, ni lois, ni logique. Les articles qui abordent les « violences urbaines » s’attachent à montrer l’absurdité, l’irrationalité de tels actes, et supposent toujours que leurs auteurs sont « irresponsables », « inconscients », « manipulés », « sauvages »... Il semble qu’en banlieue, la violence soit dénuée de tout fondement politique ou même affectif et passionnel. « Pour un simple regard de travers, ça démarre », dit un article du Parisien intitulé « Guerre des bandes : autopsie de l’engrenage » [12]. La violence semble régir les relations sociales, mais, sans autre fondement, elle est comme essentielle aux « cités ». Au-delà du feu, la presse entretient les images du « chaos », de « l’anarchie », du « non-droit » (qui rejoignent celles du coma) et suppute ce désordre comme constitutif de l’espace. Ce monde en guerre décrit par la presse appelle nécessairement les imaginaires de la guerre coloniale et particulièrement les figures de l’ennemi construites durant la guerre d’Algérie, qui intervertissent le « hors-la-loi » de l’époque et celui d’aujourd’hui [13]. La profusion d’articles soupçonnant le développement d’un terrorisme dans les banlieues trahit clairement cet héritage qui participe, dans le même mouvement, à la représentation de « l’immigration maghrébine ». « “Nos banlieues représentent un vivier de volontaires” » annonce un encart du Parisien dans une double page du 10 décembre 2003 intitulée « Des candidats terroristes formés en France » [14].
Le dessin de Ranson montre la police à l’affût d’un barbu avec chéchia, se rassurant « Ils n’ont pas l’air si dangereux... » tandis que le barbu gronde les enfants en leur disant « Dépêchez-vous de le finir si vous voulez apprendre à attaquer une sentinelle ». Cela signifie que la police se trompe, et sous-estime la menace de guerre que l’islamisme forge dans l’ombre des « cités », que l’on nous ment et que cette menace est incarnée même par les enfants en jogging et à cheveux crépus. La « pacification » semble reformuler sur les « cités », les discours du contrôle de l’espace conçus dans la guerre coloniale, sur la ville et les populations colonisées.
« Un espace sauvage qu’il faut civiliser »
« Installons la police républicaine dans la cité », déclare Fodé Sylla, l’ancien président d’SOS Racisme pour L’Express [15]. « La réalité est celle du désordre absolu, il faut reconstruire » affirme Malek Boutih, pour Le Monde [16], lorsqu’il prend sa suite à la direction de l’organisation. La représentation des banlieues comme un monde de désordre et d’anomie sert un discours particulier, celui de sa prise en charge. En insistant sur le « non-droit » que constitueraient ces espaces, et sur la menace qui en découle, la presse incite à y « installer » le droit et la loi républicaine [17]. Dans un article pour L’Express du 06 avril 1994 Jacques Chirac évoque « ces grands ensembles où la République se défait peu à peu. ». Le discours de la « mission civilisatrice » porté par l’idéologie colonialiste, qui émerge dans la troisième République, constitue l’autre pilier de cet héritage colonial. Pour évoquer le métier d’éducateur de « quartiers en difficulté », L’Express parle de « dresseur de loubards », et pose la question « Que faire des sauvageons ? » [18] En décrivant les « cités » comme des zones « sauvages », « d’incivilité », de comportements « primitifs », la presse légitime la civilisation de ces lieux ; elle responsabilise le civilisé en le flattant, lui attribue un rôle paternaliste, l’intègre à la mission répressive de l’Etat et le détourne de ses propres contradictions. Les images de la primitivité et de l’animalité de l’espace suivent le même processus que celles de la maladie et de la guerre ; elles traversent les années 90 de manière croissante et se renforcent, explosent au travers de crises symboliques. Le terme de « vivier » [19] qui tend à définir un caractère infrahumain, les images de la bête, féroce ou irrationnelle, que la presse applique essentiellement aux figures de la délinquance ou de la jeunesse dans « les cités », s’intensifient en période de crise. Le passage d’une image de l’humanité primitive à celle de l’animalité renforce la légitimité à prendre en charge ces espaces lorsqu’ils entrent en crise, de la civilisation à l’humanisation. L’émergence de ces deux dimensions de l’espace infra-politique dans la représentation des cités par la presse, au cours des années 1990, traduit également la réintroduction de discours et pratiques coloniaux dans le contrôle de l’espace. Elle suit le renversement du discours sur les causes sociales de la violence, en incitant à opter pour la répression plutôt que pour la prévention. Elle légitime le délitement de l’Etat social et le retour à l’Etat pénal pour le contrôle de l’espace, par la reformulation d’un discours civilisateur.
« Un espace envahissant qu’il faut contenir »
Selon la presse, les « cités » envahissent la France de manière générale et les centres-villes en particulier. Les articles traitant des « violences urbaines » font souvent appel à un registre du « déferlement » des « cités » dans les centres urbains. Proche de l’image de l’anti-gène, le registre de l’invasion représente les « cités » comme des portes ouvertes sur l’étrangeté et la menace, à l’intérieur de l’espace national mais issues de l’extérieur. Le dessin de Serguei ci-contre, pour Le Monde du 03 octobre 1995 en est un bon exemple.
La figure de Khaled Kelkal appuie sur toutes ces dimensions. La presse n’a cessé de mobiliser ce personnage de la menace terroriste et islamiste en insistant sur ses origines perçues, et sa jeunesse dans une « cité ».
Croissants et susceptibles de déborder, de dénaturer ou de faire l’assaut de l’espace national, il faut donc contenir ces espaces. « Insécurité », « islamisme », « terrorisme », et même « manioc » ou « couscous » [20] sont régulièrement soupçonnés de coloniser la France dans la pénombre des « cités ». Le fantasme d’une colonisation inversée, est un des axes principaux des discours d’extrême droite dans la société post-coloniale, mais il traverse sous cette forme de la représentation de l’espace, tout l’éventail politique de la presse dominante. Il traduit la réminiscence de discours et de pratiques du contrôle de l’espace, forgés dans la guerre coloniale. Puisque l’espace de la menace, est susceptible d’envahir tout le territoire, il faut quadriller, encadrer son débordement sur le territoire national. Un article paru dans 20 minutes, montre bien comment est formulé ce discours, il s’agit d’« encadrer les jeunes touristes des cités » lorsqu’ils partent en vacances.
Comme le montre la photo, la solution est toute trouvée, comme si elle était disponible dans un répertoire du contrôle de l’espace.
« Commerces pillés, campeurs terrorisés, baigneurs dépouillés... », commence l’article, et de préciser : « Des mesures d’encadrement de certains jeunes de quartiers difficiles, en vacances dans les villes balnéaires, sont actuellement étudiées par l’Association nationale des maires de stations classées et de communes touristiques (ANMSCCT) et le ministère de la ville. » Assurément, la sécurité est devenue une industrie, elle fournit des marchés, crée de l’emploi dans les classes populaires et de la plus-value. La peur fait vendre du papier et tourner l’économie, elle donne du sens au contrôle social, économique et politique. L’article montre précisément comment la peur des pauvres rejoint les images de l’invasion de l’espace. La reformulation du discours sur les « classes dangereuses », le paupérisme, qui irrigue les crises des discours et des pratiques du libéralisme semble s’intégrer aux héritages de la guerre coloniale, pour décrire un espace envahissant, qu’il faut quadriller.
Connaître, soigner, pacifier, civiliser, contenir. Les représentations des « cités » dans les grands media fonctionnent comme des discours dominants, correspondant aux pratiques de contrôle de cet espace comme autant de techniques que l’histoire met à disposition des institutions, pour reformuler le pouvoir. Le discours néo-libéral fournit des images de la peur et du secret qui permettent à l’institution médiatique de légitimer son langage. Le jacobinisme permet de formuler une métaphore de l’espace basée sur le corps humain, qui légitime les modes d’intervention de l’Etat centralisé sur l’espace, au travers des différentes politiques de la ville, comme autant de techniques médicales. Les mémoires vivantes de la décolonisation portent des imaginaires de guerre qui permettent de formuler autant de « raisons d’Etat » pour des techniques de contrôle militaire de l’espace. Une retraduction de l’idéologie colonisatrice donne au droit républicain toute légitimité pour la civilisation de cet espace. Des reformulations du discours paupériste croisent les images d’une colonisation inversée, pour inciter à contenir un espace envahissant, et légitimer les antagonismes économiques, sociaux et politiques qu’il importe dans l’espace national et dans l’espace public.
L’institution médiatique traduit dans son langage la reformulation du contrôle de l’espace au travers de la crise. Elle donne du sens aux techniques d’encadrement des « cités » en les désignant comme de nouveaux espaces coloniaux, peuplés de nouvelles classes dangereuses, justifiant ainsi de nouvelles procédures de contrôle étatiques.
Mathieu Rigouste
Institut Maghreb Europe
Université Saint-Denis, Paris 8.