Chaque année depuis 1992, le « Trombinoscope », « annuaire professionnel du monde politique », décerne des « récompenses » à des responsables politiques, sur le modèle des Césars ou des Victoires de la Musique. Plusieurs prix sont attribués par un jury, composé de journalistes politiques, du « ministre de l’année » au « député de l’année » en passant par « l’élu local de l’année » et « l’Européen de l’année ». Nous l’écrivions déjà il y a deux ans [1] :
Chaque année, la fine fleur du journalisme politique récompense donc des responsables politiques et une remise des prix est organisée dans les salons de l’Hôtel Lassay à l’Assemblée nationale, au cours de laquelle l’entre-soi politico-médiatique s’auto-congratule en mangeant des petits fours. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait une, de l’indépendance farouche des journalistes politiques, et de leur implacable rejet de toute forme de connivence avec le pouvoir.
La remise des prix de l’édition 2016 était organisée le jeudi 2 février dernier, et nombre de journalistes n’ont pas manqué de relever que le choix du jury concernant la prix de la « personnalité politique de l’année » était particulièrement judicieux au regard de l’actualité, puisque « les journalistes politiques de renom » [2] ont décidé d’honorer… François Fillon. Le « Trombinoscope » a défendu ce choix en expliquant que le jury s’était réuni à la fin de l’année 2016, c’est-à-dire avant que n’éclate « l’affaire » Fillon. Dont acte ?
Mais, en examinant de plus près la liste des lauréats, nous avons constaté une autre incongruité qui, sauf erreur de notre part, n’a pas suscité les mêmes railleries de la part des « confères » et « consœurs », alors qu’elle en dit probablement plus long sur les pratiques du petit monde des grands journalistes politiques. En effet le jury, cette année encore présidé par Arlette Chabot, et dans lequel on retrouve notamment Christophe Barbier (L’Express), Françoise Fressoz (Le Monde) et Nathalie Saint-Cricq (France 2), a décidé de consacrer Emmanuel Macron en lui remettant le prix de la « révélation politique de l’année ».
Or il s’avère qu’Emmanuel Macron a déjà été récompensé en 2014 par le « Trombinoscope ». Il avait en effet reçu le prix de la... « révélation politique de l’année ».
Voilà qui est surprenant. Si l’on en croit le Larousse en ligne, une « révélation » est en effet une « personne ou chose dont le public découvre brusquement les qualités exceptionnelles » [3]. Comment peut-on « découvrir » quelque chose à deux reprises ? Mystère...
Amnésie ? Symptôme de la Macronite qui s’est emparée ces derniers mois de nombre de « grands » journalistes et de « grands » médias [4] ? Difficile de se prononcer. À moins que l’explication ne soit ailleurs… Le Larousse en ligne nous rappelle en effet qu’une « révélation » peut également être un « acte par lequel Dieu fait connaître aux hommes son dessein de salut et se fait connaître à eux ». Emmanuel Macron serait-il, selon nos « journalistes politiques de renom », un messager de Dieu ?
L’hypothèse n’est pas aussi saugrenue qu’elle le paraît. Voici en effet, selon le site du « Trombinoscope, les raisons qui ont motivé le jury :
Lʼinsolent jeune homme au parcours politique atypique a fixé en 2016 son tempo : création du mouvement « En marche ! », porte claquée du Gouvernement, candidature à lʼélection présidentielle. Il est une révélation au sens presque mystique du terme. Il fait tout pour signifier aux Français quʼil est une sorte de messie ou dʼhomme providentiel.
Et de toute évidence, au « Trombinoscope », on a été convaincu.
Alleluia !
Julien Salingue